Couples : aimez-vous mieux pour gagner plus !

Dans une relation, la symétrie dans l’accomplissement des carrières assurerait aux membres du couple l’assurance nécessaire de progresser personnellement et professionnellement, selon une étude de la Dares.

Réjouissons-nous ! Il serait possible de réussir pleinement sa vie professionnelle sans que son conjoint ne mette la sienne en sourdine, et sans nuire pour autant à l’épanouissement de ses enfants. En bref, résoudre la quadrature du cercle !

L’idée que cette situation est impossible à atteindre conduit très souvent les couples à sacrifier la trajectoire professionnelle de l’un ou l’autre (plus souvent celle de la femme, dans les couples hétérosexuels). Comme si la solution ne pouvait être qu’un jeu à somme nulle. Pour que l’un progresse, il faut que l’autre accepte de régresser. A deux exceptions près. Quand, premier cas de figure, l’un des deux exerce une profession exigeant moins de temps de présence que dans les entreprises privées. En étant enseignant, par exemple. Ou, deuxième cas de figure, quand des grands-parents, habitant à proximité du foyer, sont disponibles au pied levé. Ce qui n’est majoritairement pas le cas.

Selon une récente étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, « la durée passée en couple est significativement corrélée à la durée en emploi, négativement pour les femmes, positivement pour les hommes ». Le nombre d’enfants ou les déménagements pour suivre le conjoint aggravent la situation.

Ce qui ne serait pas inéluctable selon Jennifer Louise Petriglieri, de l’Insead, et Otilia Obodaru, de la Rice University (Etats-Unis), deux professeures en comportement des organisations. Elles ont étudié les trajectoires des conjoints de 50 couples : 33 européens, 4 moyen-orientaux, 3 originaires d’Asie et d’Australie et 10 nord-américains. Pour conclure que tout dépend de la nature du lien qui unit les époux. Si les conjoints sont sécurisants, permettent à l’autre de prendre des risques professionnels, alors tout est possible. Quelle que soit la profession exercée par l’un et l’autre et l’environnement familial.

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Trouver « le bonheur intégral »

Certes, leur étude ne concerne que les couples dont les deux partenaires sont très diplômés et aspirent à de brillantes carrières. Mais ce qui vaut pour cette frange ultraminoritaire de la population peut inspirer les autres.

Les chercheuses sont parties de « la théorie de l’attachement », un champ d’étude psychologique qui veut que les liens affectifs qui unissent deux personnes (un parent et son enfant, deux conjoints, etc.) sont de quatre types : sécurisant, anxieux-soucieux, distant-évitant, ou craintif-évitant, comme l’expliquait Mme Petriglieri, mardi 12 octobre, à l’invitation du Groupe carrière de l’association des anciens élèves de l’Insead, dans les locaux du chasseur de têtes Heidrick and Struggles, à Paris.

Le lien est qualifié de sécurisant quand il est non seulement rassurant, mais aussi encourageant. Il est apparu que sur les 50 couples étudiés, près de la moitié (21) était « unidirectionnellement » sécurisant, c’est-à-dire que l’un des deux conjoints seulement l’était pour l’autre ; 27 couples l’étaient bidirectionnellement (les deux partenaires étaient rassurants et encourageants l’un pour l’autre). Deux couples n’étaient ensemble que depuis moins de trois ans, ce qui est insuffisant pour construire une relation de cette nature, estiment les auteurs.

Lorsque le lien est symétriquement sécurisant et encourageant, il améliore la relation entre époux, et leurs parcours professionnels respectifs

Elles ont observé que quand la relation est asymétrique, les conjoints se sentent systématiquement forcés de négocier des compromis à répétition. Celui ou celle qui constitue la base sécurisante a le sentiment de se sacrifier pour l’autre, et ressent la progression professionnelle de son conjoint comme se déroulant au détriment de la sienne.

Alors que lorsque ce lien est symétriquement sécurisant et encourageant, il améliore la relation entre époux, et leurs parcours professionnels respectifs. Non seulement parce qu’il permet à l’un et l’autre d’agir en confiance, mais aussi parce que chacun profite ainsi des compétences techniques et humaines de l’autre pour progresser personnellement et professionnellement. Le bonheur intégral !

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Espoirs permis

Dans une autre étude, publiée en 2014 dans Psychological Science, deux professeurs en psychologie de l’université de Washington (Etats-Unis), Brittany Solomon et Joshua Jackson, avaient même quantifié ce que le côté sécurisant de l’un apportait à l’autre en matière de revenu, promotion et satisfaction au travail. Un individu dont le conjoint est très sécurisant gagne en moyenne 4 000 dollars (3 600 euros) de plus par an que celui dont le conjoint est plutôt déstabilisant. La notion de symétrie ou d’asymétrie de la relation n’avait pas été prise en compte dans le calcul. Si elle l’avait été, on imagine que le gain aurait été encore plus important.

Or, il serait possible de construire, de conforter ce type de relation. Tous les espoirs seraient donc permis. A condition de ne pas trop s’être trompé au départ quand même !