Aujourd’hui en Allemagne

Synthèse de la presse quotidienne

Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne

25 octobre 2016

 

  1. Le blocage par la Belgique de la signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et la Canada fait les gros titres de la presse allemande ce matin : « l’accord CETA en passe d’échouer sur un véto wallon » (Frankfurter Allgemeine Zeitung) ; « la Belgique met un coup d’arrêt au CETA » (Süddeutsche Zeitung) ; « la Belgique met un coup de frein au CETA – et à l’UE » (Der Tagesspiegel). Die Welt relève pour sa part que le ministre de l’Economie et président du SPD « Sigmar Gabriel arrête des investisseurs chinois » en bloquant la reprise de la société Aixtron avec des exigences en matière de non-transfert des savoir-faire et de chaîne de décision. Le quotidien des affaires Handelsblatt consacre sa Une aux difficultés de la compagnie aérienne Air Berlin qui aurait un besoin très urgent d’argent frais (« Last Call pour Air Berlin »). Le démantèlement du campement de la lande de Calais fait la Une photographique de la plupart des journaux.
  2. Allemagne

« Seehofer veut renoncer à la présidence de la CSU » (Frankfurter Allgemeine Zeitung)

La presse rend compte de l’entretien accordé hier par le ministre-président bavarois et chef de la CSU à la chaîne de télévision publique ZDF. Horst Seehofer y fait part de son intention d’abandonner l’an prochain la présidence de la CSU pour ne conserver que son poste de ministre-président jusqu’aux prochaines élections qui se tiendront en Bavière en 2018. Cette annonce fait suite à des déclarations de l’intéressé qui avait laissé entendre qu’il souhaitait renoncer à l’une ou l’autre de ses deux fonctions. Dans son interview à ZDF, H. Seehofer indique également attendre du futur président de la CSU qu’il soit aussi le candidat tête de liste du parti pour les élections de septembre 2017 et prêt à assumer des fonctions au niveau fédéral, de manière à renforcer à Berlin le poids de la CSU.

De l’avis de la FAZ, ces précisions, à moins de deux semaines du congrès de la CSU, contribuent à accroître la pression sur Markus Söder, actuel ministre bavarois des finances et dauphin pressenti de H. Seehofer, peu désireux cependant de rejoindre Berlin. Selon le quotidien de Francfort, l’actuel ministre de l’intérieur, Joachim Herrmann, pourrait en conséquence être le candidat à la reprise de la présidence du parti. Le quotidien relève en outre qu’en dépit du soutien à une nouvelle candidature d’Angela Merkel à la chancellerie exprimé par certains ténors de son parti (Gerda Hasselfeldt et Manfred Weber notamment), Horst Seehofer s’est abstenu d’être aussi explicite.

« Sigmar Gabriel stoppe les investisseurs chinois » (Die Welt)

A l’instar de Die Welt qui y consacre sa Une, la FAZ fait grand cas de la décision du ministère fédéral de l’économie qui a retiré son autorisation, accordée le 8 septembre, au rachat de l’équipementier des semi-conducteurs Aixtron par le groupe chinois Fujian Grand Chip Investment Fund, souhaitant réexaminer l’opération. Pour Die Welt, ce cas de figure « inédit dans les relations germano-chinoises » dépasse largement le cas d’Aixtron, « les responsables politiques et économiques allemands voyant depuis des mois d’un mauvais œil la manière dont des entreprises chinoises viennent faire leur shopping en Allemagne, grâce à de l’argent public ». « L’inquiétude est grande que sous couvert de politique industrielle, les Chinois cherchent à faire main basse sur le savoir-faire allemand qui, couplé à des aides publiques massives, pourrait faire d’eux de ruineux concurrents », juge le quotidien. De fait, il est question d’une reprise du groupe Aixtron par une société à 49% détenue par des fonds publics, indique de son côté la FAZ qui rappelle que le ministère allemand de l’économie a sorti il y quelques jours un projet destiné à empêcher que des investisseurs étrangers, a fortiori s’ils sont financés par des Etats, puissent reprendre des entreprises européennes.

Faisant état des critiques de la CDU par la voix de Michael Fuchs, vice-président du groupe parlementaire et proche des milieux économiques, qui a déploré le « manque de fair-play » du ministre de l’économie, la FAZ juge elle aussi dans un commentaire que S. Gabriel apparaît dans l’affaire comme un « épouvantail pour tout investisseur ». On peut certes comprendre que le ministre cherche à empêcher une OPA dès lors que le pays visé n’est pas disposé à accorder à des entrepreneurs allemands les mêmes droits que ceux qu’il s’octroie, mais il ne faudrait pas qu’après ses « aléas déplorables » sur le dossier des traités de libre-échange, S. Gabriel vienne, par une politique confuse et risquée, renforcer le camp des anti-mondialisation car jusqu’ici l’Allemagne a grandement profité de son ouverture à l’international, conclut le journal.

  1. Europe

« Le Ceta doit attendre » (Handelsblatt)

Toute la presse rapporte que le Premier ministre belge n’a pas réussi à convaincre le parlement régional de Wallonie de donner son feu vert au traité de libre-échange entre l’UE et le Canada mais qu’à ce stade le sommet UE-Canada de jeudi est maintenu dans l’espoir d’un accord de dernière minute. Dans une interview ce matin à la radio publique Deutschlandfunk, le président du parlement européen, Martin Schulz (SPD), estime que les chances de signer le Ceta cette semaine sont très faibles et recommande de reporter le sommet UE-Canada, soulignant qu’il est prématuré de parler d’échec : « c’est un contrat commercial d’envergure mondiale que nous négocions là, et si nous avons besoin de quinze jours de plus, eh bien reportons ce sommet », déclare-t-il. « Ou nous voulons davantage de démocratie et il nous faut un peu plus de temps, plus d’efforts pour convaincre ; ou l’on décide que c’est du ressort de l’Europe et que la démocratie est garantie par le vote du parlement européen. C’est une question qui devra être débattue sur le fond à l’avenir », observe Martin Schulz.

Les commentaires diffèrent peu d’hier. Le Tagesspiegel rappelle, à l’instar de ses confrères, que de nombreux dirigeants européens avaient réclamé l’été dernier le vote des parlements nationaux sur le Ceta, et qu’en Allemagne, cette exigence avait été portée non seulement haut et fort par le ministre de l’Economie Sigmar Gabriel (SPD), mais aussi par la chancelière fédérale qui avait qualifié le Ceta d’accord « au plus haut point politique devant faire l’objet d’une très large discussion ». Plusieurs quotidiens régionaux parlent à nouveau d’un « désastre en terme d’image » pour une Union européenne « ridiculisée » et déplorent avec condescendance le blocage de l’UE par une « petite région ». La Hannoversche Allgemeine Zeitung, pour sa part, estime que le parlement européen aurait été tout à fait légitime pour apporter une caution démocratique au Ceta : « encore eût-il fallu qu’il n’y ait pas plus de 50% d’abstention aux dernières élections européennes – si l’on parle de déficit démocratique, il existe aussi du côté des électeurs », observe le quotidien de Hanovre.

  1. France

Démantèlement du campement de la lande de Calais : « La fin de la jungle » (Die Welt, Tagesspiegel)

L’opération d’évacuation du site de Calais suscite une couverture médiatique (écrite et audiovisuelle) d’autant plus importante que dans le contexte de la crise migratoire européenne, l’évolution de la situation à Calais a été suivie jour après jour très attentivement par les correspondants de la presse allemande à Paris. La tonalité des comptes rendus est souvent celle du reportage, avec de nombreuses photos de files d’attente de migrants (pas d’iconographie négative comme cela a pu être le cas par le passé), mais quelques commentaires adoptent un ton outrancier et caricatural qui avait en tout état de cause disparu depuis longtemps des éditoriaux sur la politique française toutes tendances confondues. Les reportages font la part belle aux témoignages des migrants relocalisés et soulignent, à l’instar du tabloïd Bild, que nombreux sont ceux soulagés de quitter les conditions de vie dangereuses du campement : « le principal c’est de sortir d’ici », titre le quotidien populaire. « L’évacuation s’est déroulé au premier jour mieux que prévu », note le Tagesspiegel, « de manière pacifique », soulignent Die Welt, le Handelsblatt, la Berliner Zeitung et Bild. Les médias indiquent que cette opération a été préparée par de nombreuses maraudes sociales dans le campement.

Dans leur ensemble, les quotidiens saluent le démantèlement du campement : « c’est un progrès que l’Etat offre un hébergement digne et une perspective à des migrants fuyant la guerre, l’oppression et la misère », écrit le Kölner Stadt-Anzeiger, « il est bon que ces campements sauvages soient enfin démantelés et que des milliers de personnes dont de nombreux mineurs soient extraits du froid et de la saleté », renchérit la Neue Osnabrücker Zeitung (NOS). « C’est une opération courageuse mais risquée, et le calme avec lequel les associations, les policiers et les autorités ont commencé à procéder à l’évacuation est remarquable », considère la radio publique Deutschlandfunk (DLF) pour qui « la décision de répartir les migrants sur l’ensemble du territoire pour qu’ils puissent y demander l’asile est tout à fait acceptable si l’on considère que selon les estimations des autorités, au moins deux tiers de ces personnes sont déjà enregistrées dans un autre pays de l’UE et que selon les règles de Dublin, elles auraient pu y être renvoyées ». « Le problème vient de la confusion bien-pensante entre migrants économiques et réfugiés », analyse la Frankfurter Allgemeine Zeitung, « les vrais réfugiés accepteront sans problème de devoir rester là où ils sont en sécurité, en France dans le cas présent. Ce sont les migrants économiques qui veulent choisir le pays d’Europe où ils estiment avoir le plus de chances, et il fallait depuis longtemps rétablir cette différence ». « Les demandeurs d’asile ont le droit à la protection mais pas celui de choisir le lieu de leur établissement, ce sont les règles du droit d’asile et l’on commence à s’en rappeler aussi en Allemagne », fait valoir la Rheinische Post, « aucun réfugié n’a le droit de réclamer à aller dans un autre pays que celui qui l’accueille », insiste aussi DLF. Pour de nombreux quotidiens, la « jungle de Calais » est avant tout, comme l’écrit la FAZ, « le symbole de l’échec de la politique d’asile dans l’espace Schengen ». « Les Français ne sont pas les seuls responsables, Calais est une honte pour toute l’Europe, c’est là que l’on voit où mène l’absence de politique migratoire commune », juge la NOS. « La situation anarchique à Calais a été un symptôme précoce de l’échec de la politique européenne d’asile, bien avant que ne commencent les migrations de masse », observe la Rheinische Post.

Plusieurs médias s’accordent toutefois à penser que dans ce contexte, les autorités françaises ont laissé trop longtemps la situation se dégrader, « d’une part dans l’espoir que la misère de ces bidonvilles décourage d’autres migrants de venir, et d’autres part par peur des protestations des riverains de centres d’hébergement », comme l’exprime la Rheinische Post. « Le problème va être d’intégrer ceux qui ont renoncé à passer en Grande-Bretagne et veulent rester en France. Cela concerne selon les autorités quelque 5000 à 6000 personnes, ce qui paraît peu comparé à l’Allemagne, mais en France, il y a encore des centaines de milliers de gens à intégrer dans les banlieues tristes, les descendants de l’immigration arabe et africaine », écrit la Berliner Zeitung qui, comme les autres médias, évoque un climat social tendu et des manifestations de xénophobie dans les régions d’accueil des migrants. A noter enfin les commentaires, proches du pamphlet, et qui se démarquent du reste des éditoriaux, de la Süddeutsche Zeitung et le quotidien altermondialiste Tageszeitung. L’un, intitulé « le Guantanamo de l’Europe », est signé Stefan Ulrich, correspondant en France de la Süddeutsche Zeitung de 2009 à 2013 et chef adjoint de la rubrique étranger du journal. L’autre est signé du Britannique Dominic Johnson, chef du service étranger du quotidien alternatif taz et spécialiste de l’Afrique, pourfendeur régulier du « colonialisme » et de la « Françafrique ». A noter que l’actuel correspondant en France de la taz, Rudolf Balmer, ne partage pas cette vision et publie généralement des articles et commentaires marqués d’objectivité et d’une bonne connaissance du pays./.