Synthèse de la presse quotidienne
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
10 novembre 2016
- La victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine fait les gros titres de la presse ce matin : « Trump veut être le président de tous les Américains » (Frankfurter Allgemeine Zeitung) ; « le triomphe de Trump bouleverse l’Europe » (Süddeutsche Zeitung) ; « tout est possible » (Die Welt) ; « le soulèvement » (Handelsblatt) ; « faut-il avoir peur ? » (Der Tagesspiegel) ; « Oh my God! » (Die Zeit).
- Elections présidentielles américaines
– Réactions en Allemagne
« Le monde politique berlinois a été pris par surprise. Le choc est grand et la stupeur domine tous partis confondus », écrit le Tagesspiegel au lendemain de l’élection de Donald Trump à la Maison blanche. La presse relève la « froideur » (Berliner Zeitung) du message de félicitations de la chancelière, Die Welt avançant que « pour Angela Merkel, c’est un cauchemar américain qui se réalise ». Le Bild estime que les choses vont maintenant « devenir encore plus compliquées » pour Mme Merkel qui pouvait jusqu’à présent compter sur le soutien d’Obama et dont la politique migratoire a été, rappelle le tabloïd, critiquée par D. Trump. Kellyane Conway, directrice de campagne de Trump, interrogée par Bild, juge que « ils vont naturellement travailler ensemble ; il y a évidemment des thèmes sur lesquels il n’est pas d’accord avec elle, comme le nombre de réfugiés syriens qu’elle a laissé entrer et qui bousillent son pays, mais ils vont naturellement travailler ensemble ».
Dans un entretien à Die Welt, Norbert Röttgen (CDU), président de la commission des affaires étrangères, estime que deux conséquences immédiates sont à envisager : une prise de distance entre l’Allemagne et les Etats-Unis, 80% des Allemands ne comprenant pas, selon lui, le vote des Américains, et le fait que l’Allemagne et l’Europe vont être amenées à assumer davantage de responsabilités sur le plan international. Selon lui, la stratégie suivante s’impose à présent pour les responsables politiques européens : reconnaître enfin la gravité de la situation et en finir avec le « business as usual », défendre nos valeurs et convictions, à commencer par le projet européen, et enfin et surtout prendre conscience du problème commun que pose l’endémique chômage des jeunes et le combattre, de manière à couper l’herbe sous le pied des politiques à la Donald Trump. Dans le tabloïd Bild
– Ce qui va changer pour Berlin
Dans un commentaire intitulé « la fin du confort », la Süddeutsche Zeitung résume la tonalité qui se dégage de nombreux papiers. « Le gouvernement fédéral fait face à un trou noir et n’a aucune idée de ce qui l’attend. Il n’y a pas de contact avec Trump et son équipe, une situation inédite dans les relations germano-américaines », s’inquiète le quotidien de Munich, tout comme Bild qui évoque tout au plus « quelques liens noués récemment par l’ambassadeur allemand, mais sans connaissance approfondie ». Une chose est néanmoins sûre pour la Süddeutsche Zeitung : ce que prônait il y a trois ans le président fédéral, à savoir que l’Allemagne prenne davantage de responsabilités au niveau international, va devenir réalité, non pas parce que cela nous fait plaisir, mais parce que c’en est bien fini du confort qui consistait à en appeler aux Etats-Unis dès qu’il y avait le feu quelque part ». Prenant acte du fait que D. Trump « n’entend plus s’appuyer sur des alliés traditionnels, ni s’appuyer sur une communauté de valeurs occidentales, préférant des « deals » en fonction des opportunités et éventuellement avec des Etats autoritaires », Die Welt estime qu’un « désastre n’est pas exclu pour la politique russe de la chancelière ». Cette inquiétudes est également exprimée par la tageszeitung pour qui « si d’aventure Trump venait à s’allier avec Poutine, c’est un équilibre complexe qui se retrouverait torpillé ». Plus largement, le quotidien alternatif de gauche estime que « la victoire surprise de Trump va conduire la chancelière à endosser un rôle qu’elle goûte peu » : « elle devient d’un seul coup le leader le plus important du monde libre, démocratique et libéral, car étant en fonction depuis maintenant onze ans, elle dispose d’une large expérience internationale, connaît personnellement de nombreux chefs d’Etat et jouit d’une bonne réputation. En outre, elle fait figure de personnage central dès lors qu’il s’agit de réunir une Europe désaccordée ». Sur un ton certes moins cocardier, l’hebdomadaire Die Zeit estime lui aussi néanmoins que face à un D. Trump qui « augmente le risque de guerre sur la planète, la personnalité la plus puissante qui soit sensée et non autoritaire, s’appelle Angela Merkel ». « Si ce n’est peut-être pas une bonne nouvelle, c’est peut-être une réalité avec laquelle on peut s’accommoder », poursuit Die Zeit, « à condition de ne pas se laisser aller à des illusions : sans au moins la France à ses côtés, l’Allemagne ne saurait maintenir ces prochaines années la cohésion de l’Europe et a fortiori du monde occidental ».
– Les dirigeants européens désemparés face à l’inexorable montée du populisme
« Les populistes européens crient victoire », s’accordent à constater les médias à l’instar du Tagesspiegel et de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. « Le triomphe de Trump marque le point culminant d’un séisme mondial, dont l’épicentre s’est déplacé de l’Europe continentale des Le Pen, Wilders et Petry et des Britanniques pro-Brexit jusqu’en Amérique, et dont les répliques reviennent frapper Paris, Berlin et Bruxelles », analyse le Handelsblatt dans un éditorial à la Une signé du directeur de la publication, Gabor Steingart. Pour le Handelsblatt, la vague électorale qui a mené D. Trump à la victoire ne tient pas à sa personnalité, « c’est une vague de fond populaire, ce n’est pas lui qui a séduit le peuple mais le peuple qui s’est servi de lui (…) car une grande partie des électeurs de Trump, Le Pen, Wilders et Petry ne votent pas pour la personnalité excentrique de ces figures mais pour rompre avec le statu quo, pour faire trembler l’establishment sur ses bases ». « Au lieu de donner des leçons de démocratie aux Américains, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE déstabilisés feraient mieux de chercher les raisons de l’issue du scrutin américain ou du vote pro-Brexit, car eux aussi ont à la maison nombre d’électeurs en colère, dépassés ou angoissés devant les bouleversements de la mondialisation et de la numérisation », observe la FAZ. « Il est temps de prendre enfin au sérieux la vague populiste pour ce qu’elle est, une lutte des cultures et des identités : globalisation, modernité et pluralité contre repli identitaire, Dieu et la patrie », fait valoir le quotidien alternatif tageszeitung dans une analyse partagée par nombre d’éditorialistes. « L’Europe est mal armée pour cette mise à l’épreuve du vieux monde occidental. Elle a besoin de leaders, mais où sont les populistes du centre ? » s’interroge le Pdg des éditions Springer et président de la fédération allemande des éditeurs, Mathias Döpfner, à la Une de Die Welt.
Dans ce contexte, la presse ne manque pas de s’inquiéter tout particulièrement d’une possible arrivée au pouvoir du Front national en France lors des prochaines présidentielles : « on croyait pouvoir affirmer que le FN n’avait aucune chance de remporter les présidentielles, mais la victoire de Trump ébranle cette certitude », observe le Tagesspiegel qui, comme les autres médias, souligne que Marine Le Pen a été la première à féliciter le futur président américain pour son élection.
– Réactions en France
Les déclarations du président de la République sont largement reprises par les médias dans leur panorama des réactions internationales à la victoire de Donald Trump, lesquelles ne sont pas commentées à ce stade. Sous la plume de son correspondant en France, la Berliner Zeitung évoque dans une brève les tweets de l’ambassadeur de France aux Etats-Unis.
- Allemagne
« Toujours pas d’accord sur un plan climat » (Frankfurter Allgemeine Zeitung)
La presse confirme les informations déjà connues hier sur le fait que le ministre de l’économie et chef du SPD, Sigmar Gabriel, a opposé son veto au plan climat que le gouvernement fédéral était supposé adopter hier en conseil des ministres. Le quotidien indique que S. Gabriel a exigé des garanties concernant les emplois de la filière charbon et fait valoir ses réserves vis-à-vis de dispositions qui pénaliseraient trop grandement les industries concernées. Selon la FAZ, de nouvelles discussions sont prévues d’ici à ce week-end pour permettre de rapprocher les positions. Déplorant le symbole désastreux que constitue une absence d’accord, la FAZ fait valoir que l’approche des élections régionales au printemps prochain, dans la région charbonnière de Rhénanie du Nord-Westphalie aura certainement pesé dans cette volte-face de S. Gabriel dont la Süddeutsche Zeitung critique de manière particulièrement virulente les « errements ». « Du jour au lendemain, celui qui fut ministre fédéral de l’Environnement (entre 2005 et 2009) a pris la tête des pourfendeurs de la politique climatique et jette aux orties tout ce qu’il préconisait en matière de progrès et de renouveau », se désole le quotidien qui entrevoit une seule explication : le fait que le SPD a « moins de soutien à gagner du côté de ses électeurs à la fibre écologique qu’il n’a à perdre dans les rangs de son traditionnel électorat ouvrier ». Qualifiant d’« échec total » l’attitude du chef du SPD, le Handelsblatt ne cache pas sa déception face à un comportement qu’il juge « nullement à la hauteur de l’enjeu »./.