Le Grand Paris sera bien le chantier du siècle

 

Métro, logements, bureaux, gares : le Grand Paris commence à sortir de terre. Les investisseurs plébiscitent un marché qui leur fournira des actifs immobiliers enfin comparables à ceux de Londres, New York et Tokyo. Encore faut-il que les guerres intestines ne viennent pas perturber ce qui s’annonce comme le chantier du siècle.

C’était en février dernier. Le patron du groupe chinois Wanda débarquait incognito de son jet privé au Bourget – au point que la police mit du temps à vérifier son identité – pour apporter 1 milliard d’euros à EuropaCity, l’un des projets emblématiques du Grand Paris. Il assura alors à François Hollande : « Vous serez encore là pour la pose de la première pierre. » Bien malin celui qui à l’époque aurait parié que le président ne se représenterait pas.

Cet épisode de la « petite histoire » du Grand Paris est riche d’enseignements. Le projet économique lancé en 2007 par Nicolas Sarkozy pour permettre à Paris de rester dans le club très fermé des quatre « villes-monde », identifiées par l’OCDE, qui tiennent les leviers de la mondialisation (Londres, New York, Paris et Tokyo), a résisté à l’alternance et promet de devenir le plus grand chantier de transformation de la capitale depuis les travaux du baron Haussmann sous le second Empire. Du reste, les quelque 100 milliards d’euros d’investissements qu’il doit induire dans les vingt prochaines années attirent les investisseurs. En premier lieu les financiers du Moyen-Orient, qui voulaient investir dans des infrastructures pour assurer des revenus aux générations de l’après-pétrole.

Choix politique

Pour l’instant, la plupart d’entre eux se placent sur des opérations où l’unité de compte est plutôt la dizaine de millions d’euros que la centaine ou le milliard. La raison ? Le gouvernement Fillon a choisi de financer par des taxes affectées – et non pas des capitaux étrangers – les 30 milliards d’euros que coûteront les 200 kilomètres de lignes de métro en construction – ce qui doublera le réseau actuel – qui doivent « réveiller » l’Ile-de-France. Ce financement national procède d’un choix politique et non d’un manque d’appétit de la part des investisseurs extérieurs.

Car, comme dans le cas de Wanda, ces investissements sont loin d’être purement financiers. L’investisseur apporte aussi son expertise, par exemple en termes de nouveaux usages ou de clientèle internationale. En retour, il attend un revenu « raisonnable », peu élevé mais pérenne et l’acquisition, d’un savoir-faire dans des domaines que développent les projets du Grand Paris comme l’éducation et la recherche médicale. Sans oublier qu’en Europe continentale, seul le marché immobilier parisien peut fournir les actifs comparables à ceux de Londres, New York et Tokyo que cherche un investisseur institutionnel.

La Défense poursuit sa mue

Le Grand Paris est précisément le vecteur qui permet aujourd’hui de proposer ce marché qui faisait défaut il y a encore cinq ans. Le quartier d’affaires de la Défense, qui concentre 2 % du PIB national, poursuit sa mue pour mettre aux standards internationaux ses immeubles vieillissants. La nouvelle gouvernance qui s’y met en place doit permettre de lui donner du « souffle » pour accueillir les grandes firmes mondiales, lesquelles généreront la demande de services qui transforme déjà Saint-Denis et Massy à une vitesse que bien des Parisiens ne soupçonnent pas. Paris s’y met avec des projets vitrines, comme la Samaritaine, qui sort des sentiers battus. JLL décèle déjà une montée en puissance de l’immobilier le long de la ligne 15 sud du futur métro de rocade. Le logement n’est pas en reste. Début novembre, le préfet d’Ile-de-France, Jean-François Carenco, annonçait « 80.000 logements autorisés sur les douze derniers mois glissants ». « On va dépasser les 70.000 mises en chantier, c’est historique depuis 1977 », se félicitait-il. La dynamique économique commence aussi à se mettre en place autour des futures gares du Grand Paris. Une vingtaine de projets sérieux vont émerger des appels à idées lancés pour que le métro ne desserve pas des déserts.

Davantage que les « champs de patates » dénoncés en 2008 par Jean-Paul Huchon, qui présidait alors la région Ile-de-France, il faut comprendre le mot « désert » au sens de territoire à aménager par et pour les hommes que lui donnaient encore les moines au XIXsiècle. Car la vocation du Grand Paris est bien de valoriser des pans de villes et de territoires en mutation. Cela ne se limite pas à des aménagements locaux au profit d’habitants laissés pour compte dans le développement de la région parisienne des trente dernières années. Eliminer les fractures ressoude le territoire, le densifie, en augmente le rendement économique et en réduit l’empreinte écologique. Au bénéfice du pays. L’Ile-de-France assure 31 % du PIB national et en redistribue 10 % en régions.

Encore faut-il qu’elle ne s’épuise pas en guerres picrocholines. Son organisation demeure une curiosité technocratique, où la région, la métropole du Grand Paris, la ville de Paris, les départements, les territoires, les agglomérations et les communes s’emboîtent mal. Valérie Pécresse, présidente de la région, Patrick Ollier, président de la métropole, et la maire de Paris, Anne Hidalgo, ne peuvent pas prendre la responsabilité de bloquer le système. D’autant que le métro avance et sera construit à 80 % dans dix ans. La Société du Grand Paris, qui le construit, vient de voter un budget de 1,76 milliard d’euros qui la fait entrer, comme prévu, sur la voie de 30 milliards d’euros de dettes. A supposer qu’elle ait été réellement tentée de mettre la main sur ses recettes, la région n’en a désormais plus les moyens.

Les points à retenir

Les quelque 100 milliards d’euros d’investissements que le Grand Paris doit induire dans les vingt prochaines années attirent les capitaux étrangers.

Le métro avance et sera construit à 80 % dans dix ans.

Une vingtaine de projets sérieux se mettent en place autour des futures gares.

La montée en puissance des constructions de logements est forte.

Les Echos 09/01/2017