Aujourd’hui en Allemagne

Synthèse de la presse quotidienne

 

19 janvier 2017

Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne

  1. Le discours d’adieu du président allemand Joachim Gauck fait les gros titres de la Frankfurter Allgemeine Zeitung (« Gauck demande aux Allemands de s’engager davantage pour la démocratie »), de la Süddeutsche Zeitung (« Gauck : la démocratie doit être fortifiée ») et du Tagesspiegel qui cite le président (« nous pouvons ? Non, nous devons »). Die Welt consacre sa Une à la victoire d’un binôme de « réalistes » à la primaire interne des Verts pour les élections au Bundestag (« réalos plutôt qu’écolos, les Verts en voie de rapprochement avec la CDU »). Le quotidien des affaires Handelsblatt salue la décision de la Deutsche Bank de réduire les bonus de ses dirigeants au regard des difficultés de la banque (« la faute et l’expiation »).
  2. Allemagne

Discours d’adieu du président fédéral : « Gauck demande aux Allemands de s’engager davantage pour la démocratie » (Frankfurter Allgemeine Zeitung)

Dans un discours d’adieu prononcé hier au château de Bellevue, le président fédéral a fait valoir que la démocratie libérale et notre mode de vie occidental se trouvent menacés et que compte tenu de ces menaces, de gros efforts sont nécessaires pour que l’Allemagne puisse affronter les défis à venir. La FAZ souligne que pour justifier son propos, Joachim Gauck a cité plusieurs exemples : le Brexit qui illustre, selon lui, un recul de la cohésion en Europe, les conflits au Proche-Orient et dans l’est de l’Ukraine, l’annexion de la Crimée et l’élection de Donald Trump qui constitue un défi pour l’ordre international, les relations transatlantiques l’OTAN. Sur le plan intérieur, Joachim Gauck a mis en garde contre le populisme et les « mouvements » qui appellent au repli national et à tourner le dos au libre-échange. Evoquant les thématiques migratoire et d’intégration, le président fédéral a fait valoir que la ligne de partage au sein de notre démocratie sépare moins les personnes installées depuis longtemps en Allemagne des nouveaux arrivants que les démocrates des non-démocrates.

La Süddeutsche Zeitung met en valeur que pour barrer la route aux populistes et à tous ceux qui sèment le doute sur le modèle de démocratie libérale, le président fédéral en a appelé aux forces républicaines et mis en garde contre une perte de contrôle de la part des organes de l’Etat. Il a évoqué la nécessité d’un contrôle efficace par l’UE de ses frontières extérieures et d’une politique européenne d’immigration. Pour le quotidien, certains passages du discours se lisent comme une prise de distance vis-à-vis de la politique migratoire de la chancelière.

Les journaux réagissent positivement au dernier discours solennel de Joachim Gauck, au terme de près de cinq ans à la tête de l’Etat. « En ces temps où ce sont des interviews bourrues qui font les gros titres de la presse internationale, on ne peut que rendre hommage à un discours tempéré », estime la Süddeutsche Zeitung pour qui l’allocution du président fédéral « fournit matière à réflexion ». « La manière dont il voit le pays n’a certes rien de visionnaire, mais il fait part de ses inquiétudes et manifeste une certaine sagesse », poursuit le journal selon lequel « Joachim Gauck était il y a cinq ans plus optimiste qu’aujourd’hui ». La FAZ se félicite d’un discours « intelligent, engagé, qui s’adresse au cœur et à l’esprit, digne de figurer en première place dans les livres d’histoire et qui mériterait d’être remis à tous les immigrés qui arrivent en Allemagne ». « Si cette ode à la liberté et à la démocratie allemande peut avoir pour certains des accents quelque peu pathétiques, elle n’en reste pas moins l’antidote nécessaire que tout successeur à Joachim Gauck devrait avoir en réserve dans l’armoire à pharmacie du palais présidentiel », juge le quotidien. Pour le Handelsblatt qui titre sur un « accord à trois tons » (liberté, sécurité et responsabilité internationale), le fait que Joachim Gauck ait affirmé qu’une sécurité accrue ne constituait pas une menace pour la démocratie mais s’avérait nécessaire pour la protéger, s’apparente à une « nouveauté quelque peu surprenante » dans sa bouche. Une tonalité qui, selon le journal, se retrouve dans la mention par le président des défaillances de l’Etat dans son combat contre ses ennemis et qui constitue un « message inconfortable pour la chancelière en pleine année électorale ». Enfin, son appel réitéré à ce que l’Allemagne s’engage davantage sur le plan international revêt depuis l’élection de Donald Trump une « actualité inattendue », estime encore le quotidien.

Primaire des Verts : « réalos plutôt qu’écolos, les Verts sur la voie du rapprochement avec la CDU » (Die Welt

Le journal conservateur Die Welt présente d’emblée comme une inflexion centriste et un rapprochement en direction de la CDU/CSU l’élection du duo constitué de Cem Özdemir et de Katrin Göring-Eckardt comme candidats tête de liste pour les élections fédérales. Plusieurs quotidiens soulignent en effet que contrairement à la tradition, les Verts ont opté pour deux personnalités représentatives de l’aile droite alors que traditionnellement la présidence bicéphale du parti est supposée incarner à la fois son aile gauche et son aile droite.

La FAZ souligne avec humour que cette élection montre que les Verts savent compter car l’addition ouvre davantage d’options dans le cadre d’une coalition avec les conservateurs de la CDU/CSU que dans le cas d’une alliance avec le SPD et Die Linke. A l’exception de Die Welt qui se félicite de la courte victoire de Cem Özdemir, qualifié de « bon choix pour les Verts et pour l’Allemagne », et de la Berliner Zeitung qui salue le choix de deux personnalités incarnant « souplesse » et « flexibilité », plusieurs quotidiens font valoir leurs doutes. C’est le cas de la Süddeutsche Zeitung pour qui les Verts ont fait le choix de deux personnalités certes expérimentées, mais pas suffisamment fortes pour rallier le parti à leurs intentions politiques. Pour le Handelsblatt, le fait que Cem Özdemir l’ait emporté de seulement 75 voix contre son concurrent Robert Habeck, ministre de l’environnement du Schleswig-Holstein, « n’a rien d’un triomphe », même si l’on ne peut que se féliciter, dans la perspective des élections au Bundestag, de voir l’aile gauche écartée. Le quotidien alternatif de gauche tageszeitung regrette que les primaires n’aient pas prévu de second tour. Il manque à Cem Özdemir le type de victoire qui lui donnerait une légitimité réelle pour son rôle de candidat tête de liste, estime le journal, qui en retient que la personnalité s’avère désormais plus déterminante chez les Verts que l’ancrage politique.

Nouvelle polémique au sein de l’AfD : Frauke Petry qualifie Björn Höcke de « fardeau pour le parti »

Les médias font état de l’indignation unanime suscitée hier par le président de l’AfD dans le Land de Thuringe, Björn Höcke, qui a appelé l’Allemagne à se libérer des ombres du passé nazi dans l’écriture de son histoire, et déploré, à propos du monument berlinois dédié aux juifs d’Europe assassinés pendant l’Holocauste, que l’Allemagne soit « le seul peuple au monde à avoir implanté en plein cœur de sa capitale un tel mémorial ». Relevant la condamnation de la présidente de l’AfD, Frauke Petry, qui a reproché à B. Höcke d’être un « fardeau » pour le parti, la FAZ estime toutefois que le reproche risque d’être sans effet sur un « briseur de tabous qui se réjouit de l’attention qui lui est accordée et n’a aucune conséquence à craindre ». « Pour l’AfD, ce qui compte c’est avant tout que l’on parle d’elle, le sujet n’est que marginal », convient également la Süddeutsche Zeitung. Die Welt et la tageszeitung relèvent que B. Höcke s’est exprimé au lendemain de la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe de ne pas interdire le NPD et voient dans ses propos une tentative de s’attirer les faveurs des sympathisants du parti néonazi. Die Welt espère que de telles sorties auront au moins le mérite de faire réfléchir les déçus de la CDU tentés par le vote AfD. Der Tagesspiegel appelle pour sa part à une prise de conscience : « non, la grande majorité des électeurs de l’AfD ne sont pas des nazis, mais ils doivent être conscients qu’en donnant leur voix à ce parti, ils prennent un risque non négligeable », car l’histoire de l’Allemagne a montré qu’une telle méconnaissance peut engendrer la dictature.

  1. Europe

Grèce / Berlin réfléchirait à impliquer le MES au lieu du FMI

A l’instar du tabloïd Bild hier, Die Welt, le Handelsblatt et la Süddeutsche Zeitung rapportent que le gouvernement fédéral – lequel n’avait obtenu l’adhésion des députés allemands au troisième plan d’aide à la Grèce qu’en leur promettant l’implication du FMI – envisagerait désormais une alternative devant le refus du Fonds monétaire international de participer à ce plan d’aide sans allègement significatif de la dette grecque jugée non viable.

De source proche du gouvernement, la presse indique que le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, réfléchirait à recourir au Mécanisme européen de stabilité (MES) en lieu et place du FMI comme créancier aux côtés de l’UE et de la BCE, ces deux institutions n’étant « pas suffisamment crédibles » (Handelsblatt) aux yeux de Berlin pour contrôler la mise en œuvre des réformes exigées d’Athènes. Le recours au MES est également évoqué dans la Süddeutsche Zeitung par le vice-président du groupe SPD au Bundestag et porte-parole pour les questions budgétaires, Carsten Schneider, qui l’estime possible. Les quotidiens s’accordent à constater qu’un nouveau vote au Bundestag sur l’aide financière à la Grèce, qui pourrait être nécessaire en cas de non-participation du FMI, serait pour la CDU une difficulté supplémentaire à quelques mois des législatives. Dans Bild, l’un des ténors de la CSU bavaroise, l’ancien ministre des Transports et actuel président de la commission économique au Bundestag Peter Ramsauer, ne cache pas son inquiétude : « s’il est vraiment prévu de rompre cette promesse [la participation du FMI], cela ne sera pas sans conséquence en pleine année électorale. Bonjour les problèmes ! » Pour autant, « à Berlin, les observateurs n’excluent pas qu’il s’agisse d’une manœuvre tactique de Schäuble », écrit le Handelsblatt.

Brexit / « La banque HSBC préfère Paris à Francfort » (FAZ)

Le secteur bancaire européen commence à concrétiser ses projets de retrait progressif de la place financière de Londres, à l’instar de Goldman Sachs qui envisagerait, selon le Handelsblatt à Londres, de réduire de moitié ses effectifs dans la City pour créer une filiale européenne à Francfort. Les déclarations d’un responsable de HSBC à une chaîne d’information télévisée britannique sur le transfert d’un millier d’emplois de Londres à Paris sont relevées par la Frankfurter Allgemeine Zeitung qui ne s’en inquiète pas outre mesure : « pas de panique sur la place financière de Francfort, cette décision était attendue en raison des liens étroits d’HSBC avec Paris depuis le rachat du Crédit commercial il y a quinze ans. Au contraire, à Francfort, on considère cette décision comme un indice supplémentaire que les choses bougent à la City après la décision du Brexit. D’autres banques devraient suivre, et tant Francfort, siège de la BCE, que Paris, plus grande place bancaire de la zone euro, devraient en profiter ».

Election d’Antonio Tajani à la tête du parlement européen : « l’Anti-Schulz » (Süddeutsche Zeitung)

La presse s’accorde à constater que l’élection difficile de l’Italien Antonio Tajani comme président du parlement européen marque à deux égards une rupture avec son prédécesseur, d’une part parce que le nouveau président a d’ores et déjà affirmé ne pas vouloir endosser le rôle plus politique joué par Martin Schulz, mais aussi parce que cette élection marque le retour du clivage gauche-droite au parlement européen après plusieurs années de « grande coalition » incarnée par la connivence entre le social-démocrate Martin Schulz et le président conservateur de la commission européenne Jean-Claude Juncker. Même si ce retour au débat parlementaire n’est pas pour déplaire aux quotidiens, la Berliner Zeitung veut y voir la manifestation d’un « nombrilisme » déplacé dans le contexte international actuel et déplore en outre le choix d’A. Tajani pour représenter le parlement européen : « il n’y avait pas d’autre candidat ou candidate sur 751 députés européens ? Quelle tristesse. Adieu Strasbourg ! ».

  1. International

« Un plan Marshall pour l’Afrique pour faire baisser la pression migratoire » (FAZ)

Plusieurs quotidiens rendent compte de la présentation par le ministre allemand du Développement Gert Müller (CSU) de son « plan Marshall pour l’Afrique » devant le Bundestag, plan déjà annoncé à la presse à la fin de l’année dernière. Alors que plusieurs ONG saluent le volontarisme des mesures préconisées par le ministre fédéral, l’opposition parlementaire y voit une « énumération de lieux communs en matière de développement », rapporte la Süddeutsche Zeitung. La FAZ n’est pas plus convaincue et considère que « ce ne serait pas le premier beau concept pondu par Berlin qui se dessècherait au soleil de l’Afrique »./.