Synthèse de la presse quotidienne
30 janvier 2017
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
- Le décret anti-immigration de Donald Trump interdisant l’accès au territoire américain pour les ressortissants de 7 pays à majorité musulmane fait les gros titres de la presse allemande ce matin : « tollé face à l’interdiction d’admission sur le territoire décidée par Donald Trump » (Frankfurter Allgemeine Zeitung), « la fin des autorisations d’entrée sur le territoire américain de Trump déclenche le chaos » (Süddeutsche Zeitung), « interdiction d’entrée : la chancelière Merkel prend position contre Trump » (Die Welt), « lutte des civilisations » (Handelsblatt). Der Tagesspiegel titre pour sa part sur la désignation officielle hier de Martin Schulz comme candidat du SPD à la chancellerie fédérale et futur président du parti (« Schulz enthousiasme le SPD »).
- Allemagne
« Les membres du SPD acclament Schulz » (Berliner Zeitung)
La presse rapporte que les instances dirigeantes du SPD ont officialisé hier, à l’unanimité, la désignation de Martin Schulz comme candidat du parti à la chancellerie fédérale, alors que la presse du week-end relevait déjà des premiers effets positifs de l’annonce de sa candidature. Le tabloïd Bild note un bond de trois points du SPD dans les intentions de vote (23% selon ARD, 24% selon ZDF) et M. Schulz se trouve propulsé en deuxième place des personnalités politiques les plus populaires d’Allemagne, juste derrière Frank-Walter Steinmeier. Le Tagesspiegel mentionne en outre que selon la secrétaire générale du SPD, le parti a enregistré 700 nouveaux adhérents depuis l’annonce du retrait de Sigmar Gabriel au profit de Martin Schulz.
Les journaux commentent abondamment ce matin le discours de lancement de campagne de Martin Schulz, soulignant les priorités données à la justice sociale et au combat contre le populisme et le racisme en Europe. Les éditoriaux sont largement positifs. Les commentateurs s’accordent à considérer que Martin Schulz confère au SPD un « nouveau visage » et qu’il incarne les valeurs de la social-démocratie bien davantage que ses prédécesseurs malchanceux (Frank-Walter Steinmeier, Peer Steinbrück) par ses origines, son parcours personnel et sa rhétorique. « Un tel candidat est quelqu’un qui apporte aux gens quelque chose : sa propre histoire » s’enthousiasme le Tagesspiegel qui salue aussi la maîtrise de soi de M. Schulz et le fait qu’il parle vrai et sait défendre ses positions. « Schulz parle un langage direct, paraît authentique et ne se perd pas dans des formules creuses ou conceptuelles », souligne la FAZ. « Il a ce qui fait défaut à Merkel », estime la Süddeutsche Zeitung : « l’exubérance, le feu et l’enthousiasme ». « Schulz est quelqu’un qui ne laisse pas les émotions aux extrémistes. Il est un démocrate populiste en ce sens qu’il en appelle au cœur et à l’esprit alors qu’un populiste extrémiste n’en appelle qu’aux bas instincts ». De l’avis du quotidien, « l’AfD s’est réjouie trop tôt de la nomination de M. Schulz » dans lequel elle a voulu voir l’incarnation de l’arrogante bureaucratie bruxelloise. Pour le Handelsblatt, M. Schulz qui a été ovationné par le SPD telle une « rock star » est, à la différence de Sigmar Gabriel et de la chancelière, « un candidat des cœurs ». Le journal se plaît à espérer qu’il parviendra peut-être à faire sortir la chancelière de sa réserve de manière à ce que l’on assiste à une vraie compétition entre le SPD et la CDU pour gagner le centre la société. Sceptique quant aux chances de M. Schulz face à Angela Merkel, Die Welt juge que le candidat du SPD va devoir présenter ces prochaines semaines un vrai programme et montrer en quoi celui-ci diffère de celui de ses prédécesseurs malchanceux. Il va aussi devoir montrer que c’est à présent lui le numéro un du parti et non Sigmar Gabriel qui, en prenant les fonctions de ministre des affaires étrangères, suggère qu’il s’accommoderait fort bien d’une poursuite de la grande coalition au-delà de septembre 2017.
Mauvais traitements dans des casernes de la Bundeswehr/critiques envers la ministre de la défense
Plusieurs quotidiens indiquent que la ministre de la défense, Ursula von der Leyen (CDU), essuie les critiques du SPD et des Verts pour ne pas avoir informé le parlement des cas de harcèlement sexuel et de traitements dégradants infligés à de nouvelles recrues et impliquant des hauts responsables dans différentes casernes en Allemagne. La presse souligne que la ministre était au courant des faits depuis l’automne et n’a condamné de telles pratiques qu’après la publication par spiegel online du rapport de l’inspecteur des armées.
- International
Décret américain sur l’immigration : « la lutte des civilisations » (Handelsblatt)
Stupeur et indignation dominent les réactions de la presse allemande après la signature par Donald Trump du décret sur l’immigration, une décision achevant de discréditer l’action du nouveau président américain aux yeux des médias, quelle que soit leur ligne éditoriale. Alors que samedi soir, le communiqué conjoint de Washington et Berlin à l’issue de l’entretien téléphonique entre D. Trump et A. Merkel restait consensuel, la chancelière fédérale a, « après quelques hésitations » (Berliner Zeitung), exprimé hier publiquement ses réserves via un communiqué diffusé par son porte-parole Steffen Seibert, rapportent les journaux. A. Merkel déclare « regretter l’interdiction d’entrée sur le territoire américain visant les réfugiés et les citoyens de plusieurs pays », se déclare « convaincue que la lutte contre le terrorisme ne justifie pas de faire peser une suspicion générale sur des personnes d’une certaine origine ou d’une certaine religion », rappelle les termes de la Convention de Genève et enfin souligne que le gouvernement fédéral va étudier les conséquences de ce décret pour ses doubles nationaux des pays concernés et « au besoin défendre leurs intérêts vis-à-vis de l’administration américaine ». La Süddeutsche Zeitung comme la Frankfurter Allgemeine Zeitung notent, dans ce contexte, que dès samedi, le communiqué de l’Elysée ayant suivi l’entretien entre D. Trump et F. Hollande avait insisté sur les conséquences négatives du protectionnisme et appelé les Etats-Unis à respecter les principes démocratiques, y compris l’accueil des réfugiés. Dans ce contexte, les décisions antérieures du président américain, notamment le décret sur la construction d’un mur frontalier avec le Mexique, passent au second plan, les éditorialistes avouant eux-mêmes ne pouvoir suivre le rythme du « décrétin », comme le qualifie avec mépris le journal conservateur et atlantiste Die Welt.
Les réactions éditoriales sont très inquiètes devant la scission de la société américaine qui éclate au grand jour, et condamnent unanimement la « suspicion générale » (le mot revient dans tous les commentaires) que fait peser le dernier décret sur les populations musulmanes, propre à attiser le risque terroriste plutôt qu’à l’endiguer : « c’est jouer avec le feu, le président américain a clairement franchi une ligne rouge et le reste du monde ne doit pas l’accepter », s’offusque le Handelsblatt, « il augmente le risque d’attentats », craint la Berliner Zeitung. La presse réitère ses appels aux responsables européens à resserrer les rangs et à défendre les valeurs occidentales. Les critiques visent personnellement D. Trump, « signant à tour de bras devant les caméras de télévision » (Die Welt) des décrets « plongeant le pays dans le chaos, puisque visiblement son gouvernement n’est même pas en mesure d’organiser sa politique par des instructions aux autorités concernées » (Süddeutsche Zeitung), c’est un « cauchemar américain », s’affole le Tagesspiegel.
« A ce rythme, il aurait décrété avant Pâques la ‘Petite-Bretagne (sic) comme 51e Etat américain’, ironise Die Welt en évoquant la visite à Washington de Theresa May, laquelle suscite également des commentaires peu affables dans la presse. Qualifiant samedi la Première ministre britannique de « caniche de son maître », photo de Une à l’appui, la Frankfurter Allgemeine Zeitung ne cache pas son mépris pour Th. May « qui dans un monde qui disparaît, se porte candidate comme assistante du nouvel homme fort ».
- France
Déplacement de Sigmar Gabriel à Paris
Les hebdomadaires Bild am Sonntag et Welt am Sonntag ainsi que la Berliner Zeitung publient un compte rendu de la visite d’entrée en fonction de S. Gabriel à Paris, samedi. Die Welt am Sonntag souligne que le nouveau ministre allemand des affaires étrangères a respecté la tradition en se rendant peu après sa nomination à Paris et relève qu’il a joué son rôle à la perfection en évoquant l’importance des relations franco-allemandes « sans une attaque dirigée contre Donald Trump ou une méchanceté visant Angela Merkel ». Bild am Sonntag juge également que S. Gabriel a montré qu’il savait se comporter en diplomate en insistant sur la responsabilité commune de la France et de l’Allemagne pour l’Europe. « Pour son premier déplacement dans ses nouvelles fonctions, Gabriel a été un hôte parfait », estime aussi la Berliner Zeitung pour qui s’il ne faut pas négliger la visite au Quai d’Orsay, « les difficultés sont encore à venir ». Le quotidien note que le Ministre et S. Gabriel sont convenus d’intensifier leurs contacts de manière à permettre à la France et à l’Allemagne de s’accorder aussi étroitement que possible sur l’attitude face à Donald Trump.
Victoire de Benoît Hamon aux primaires citoyennes
La victoire de B. Hamon aux primaires citoyennes préfigure, pour la plupart des correspondants de la presse allemande à Paris, un échec assuré pour le parti socialiste à la présidentielle : « c’est le perdant de demain » (Süddeutsche Zeitung), « il n’a aucune chance » (Berliner Zeitung), « les socialistes choisissent la défaite » (Die Welt). Les quotidiens continuent par ailleurs à suivre l’évolution de l’enquête ouverte à l’encontre de F. Fillon. Les commentaires commencent à craindre réellement que la candidate du Front national n’ait des chances de victoire dans la constellation actuelle, et le nom d’E. Macron revient plus souvent comme celui d’un recours possible pour les électeurs français./.