Aujourd’hui en Allemagne

Synthèse de la presse quotidienne

Ce document est à usage strictement interne et  a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne

1er mars 2017

  1. Les Unes de la presse allemande sont entièrement consacrées à la détention du correspondant de Die Welt en Turquie, Deniz Yücel. Plusieurs journaux relaient les appels à sa libération : « nous demandons la liberté pour Deniz ! » (Bild) ; « solidarité pour le journaliste incarcéré Deniz Yücel » (Die Welt) ; « la liberté selon nous » (Der Tagesspiegel). D’autres journaux consacrent leurs gros titres aux conséquences sur les relations germano-turques : la Süddeutsche Zeitung parle de « grand fossé entre Berlin et Ankara », le Handelsblatt de « discorde », la Frankfurter Allgemeine Zeitung cite le ministre des Affaires étrangères « Sigmar Gabriel : la relation avec la Turquie est fortement mise à l’épreuve ».
  2. Allemagne-Turquie

« Profond fossé entre Berlin et Ankara » (Süddeutsche Zeitung)

« Le conflit au sujet de l’incarcération du journaliste germano-turc Deniz Yücel crée de fortes tensions entre Berlin et Ankara. Non seulement l’opposition, mais le gouvernement fédéral lui-même juge le cas d’une gravité telle que l’on s’attend à une relation tendue sur le long terme », fait valoir la Süddeutsche Zeitung. Tout comme l’ensemble de la presse, le quotidien de Munich indique que l’ambassadeur de Turquie en Allemagne a été convié hier pour un entretien à l’Auswärtiges Amt et que l’ensemble des responsables politiques ont condamné la mise en détention du journaliste germano-turc. Après les critiques de la chancelière et de Sigmar Gabriel hier, la presse fait état aujourd’hui de l’appel de Martin Schulz à la libération immédiate de Deniz Yücel et notent que le co-président des Verts, Cem Özdemir, demande à la chancelière et au gouvernement de plaider avec force auprès du gouvernement turc en faveur de la liberté de la presse et de la libération de Deniz Yücel. Dans un entretien à Die Welt, le ministre fédéral de la justice, Heiko Maas (SPD), juge « inacceptable » la manière dont est traité D. Yücel et fait valoir que « si la Turquie ne respecte pas les valeurs européennes d’Etat de droit et de liberté de la presse, un rapprochement avec l’UE ne sera pas possible ». Parmi les critiques en provenance de l’étranger, Die Welt cite la déclaration du porte-parole du Quai d’Orsay : « Il est fondamental que la Turquie respecte ses engagements internationaux en matière de liberté d’expression, en particulier de la presse, qui est une composante essentielle de toute société démocratique ».

Le tabloïd Bild note que la rédaction du groupe WeltN24 a manifesté hier devant l’ambassade de Turquie à Berlin. Sous le titre « nous sommes Deniz », Matthias Döpfner, pdg du groupe Springer dont dépend Die Welt, publie aujourd’hui une tribune en faveur de la liberté de la presse. Les deux rédacteurs en chef du Tagesspiegel signent de leur côté un appel adressé au gouvernement fédéral pour qu’il réclame la libération de D. Yücel. « Les franchissements de ligne rouge sont trop souvent et trop longtemps demeurés sans réaction. Dans la situation actuelle, une phrase qui consiste à dire que l’attitude des autorités turques est ‘amère et décevante’ ne suffit plus », insistent-ils.

Dans leurs éditoriaux, plusieurs quotidiens s’accordent à considérer qu’avec la mise en détention d’un journaliste travaillant pour un média étranger et disposant d’une nationalité étrangère, la Turquie a franchi un pas de plus en matière d’autoritarisme. « Par la démarche visant Deniz Yücel, les attaques contre la liberté de la presse prennent une dimension nouvelle », marque ainsi la Süddeutsche Zeitung pour qui le cas est « particulièrement révoltant » car l’intéressé s’était de lui-même rendu aux autorités turques. Pour le quotidien alternatif de gauche tageszeitung, le cas D. Yücel marque une « césure » car si cela fait un moment que la Turquie traque ses propres journalistes, le président Erdogan se livre à présent à une démonstration de force vis-à-vis de la presse internationale. « C’est la première fois qu’un journaliste qui n’est pas strictement un ressortissant turc se fait arrêter », observe également la FAZ pour qui ceci constitue toutefois « moins un tournant que l’illustration du fait que la Turquie ne veut plus appartenir à l’Europe et ne cherche plus à la cacher ». De l’avis du journal, Erdogan, « l’amant éconduit par l’UE des années durant », se venge à présent pour ce « rejet » qu’il a vécu comme une « humiliation personnelle ». Si Erdogan détenait déjà avec l’accord migratoire un atout majeur face à l’UE, D. Yücel devient un « otage de plus dans son jeu », considère le quotidien.

Le Handelsblatt s’inquiète tout particulièrement d’un « désaccord » qui vient tendre encore un peu plus des relations déjà difficiles entre l’Allemagne et la Turquie et plaide instamment en faveur du « retour à la diplomatie ». Selon le journal économique, Berlin et Ankara « prennent le risque de voir le partenaire de l’Europe qu’est la Turquie devenir son ennemie potentielle » et le danger existe que la Turquie, membre de l’OTAN, cherche à « se réorienter ». Déplorant la manière dont le président Erdogan transforme peu à peu son pays en « chambre noire », la Süddeutsche Zeitung constate, non sans inquiétude, que « le gouvernement turc se paie le luxe de brusquer la seule responsable politique européenne de poids encore disposée à parler à Erdogan ». Pour le journal, « ceci illustre à quel point la relation germano-turque est endommagée ».

  1. Europe

Politique migratoire

Dans un entretien avec les quotidiens régionaux du groupe Funke Medien, le commissaire européen chargé des questions migratoires, Dimitris Avramopoulos, exprime une nouvelle fois tout le bien qu’il pense de la politique d’accueil des réfugiés d’Angela Merkel et déplore le manque de solidarité de certains Etats membres tout en refusant de pointer nommément les pays concernés. S’agissant de la proposition de Thomas de Maizière d’aménager des centres d’accueil de réfugiés dans les pays d’Afrique du Nord, il ne cache pas son scepticisme, indiquant que ce thème n’a pas été encore abordé au niveau de l’UE, que la Libye notamment est très instable et que la coopération avec la Tunisie n’est pas optimale.

Dans ce contexte, la chancelière fédérale se rend demain en Egypte puis vendredi en Tunisie, dont le Premier ministre était tout récemment en déplacement à Berlin, rapportent le Tagesspiegel et la Berliner Zeitung. Le gouvernement fédéral souhaite promouvoir la conclusion avec les Etats d’Afrique du Nord d’accords similaires à l’accord migratoire UE-Turquie, indiquent les journaux. En amont de ce déplacement, Angela Merkel a souligné l’importance de l’Egypte comme « élément stabilisateur » dans cette région en crise et indiqué qu’elle voulait parler avec le président égyptien de la situation précaire en Libye, « car l’Egypte joue ici un grand rôle comme puissance régionale »./.