Les eaux usées, une ressource négligée

Dans un rapport, l’Unesco plaide pour que l’eau soit recyclée et, si nécessaire, immédiatement réutilisée.

HYDROLOGIE Dans la Station spatiale internationale, « on recycle 95 % de l’eau utilisée, même celle de nos urines et de notre sueur », a expliqué lundi l’astronaute Thomas Pesquet qui répondait aux questions de collégiens. Car l’eau y est « une ressource rare, encore plus ici que sur la Terre », a-t-il ajouté. Difficile d’imaginer meilleure publicité pour les auteurs du rapport 2017 de l’Unesco sur l’eau. Baptisé « Les eaux usées, une ressource inexploitée  », il est présenté ce mercredi à Durban (Afrique du Sud) à la faveur de la journée mondiale de l’eau.

Les eaux usées deviennent une ressource précieuse dès lors que la demande mondiale en eau douce ne cesse de s’accroître  : « D’ici 2030, elle pourrait augmenter de 50 % », souligne en effet Richard Connor, le rédacteur en chef du rapport. L’idée est non seulement de nettoyer l’eau mais aussi – tout particulièrement dans les pays qui connaissent un stress hydrique – de l’utiliser immédiatement à la sortie des usines de traitement.

La gestion des effluents est la première étape. Aujourd’hui, en moyenne, plus de 80 % des eaux sont rejetées dans la nature sans aucun traitement. Et alors que les pays développés ont fait de gros progrès avec environ 70 % de leurs eaux sales nettoyées (près de 95 % en France), cela ne concerne encore que 8 % des eaux contaminées dans les pays à faible revenu, précise le rapport.

Lorsque les effluents sont directement dispersés dans la nature, non seulement « ils sont dévastateurs pour l’environnement, mais ils ont aussi pour effet de réduire la disponibilité en eau douce », précise encore le document avec un effet direct sur la santé. Diarrhées, choléra, typhoïde… sont autant de dangers véhiculés par les eaux sales. « Un rapport de l’OMS évaluait à un peu moins d’un million le nombre de morts dus à une maladie hydrique en 2014 », dont un très grand nombre d’enfants, rappelle Loïc Fauchon, président honoraire du Conseil de l’eau.  Or, l’intérêt des décideurs s’est jusqu’ici porté avant tout sur l’approvisionnement en eau plutôt que sur sa gestion après son utilisation », renchérit l’Unesco. « L’assainissement a toujours été le parent pauvre », confirme Loïc Fauchon. En se saisissant du sujet, l’agence de l’ONU espère donc bien faire évoluer les mentalités.

Il y a trois ou quatre sortes d’usages des effluents qui impliquent différents niveaux de propreté. Le moins exigeant concerne l’utilisation pour des systèmes de chauffage ou de refroidissement dans l’industrie. Vient ensuite l’agriculture, le but étant que l’eau destinée à l’irrigation ne contamine pas la chaîne alimentaire. C’est enfin l’eau potable (mais les réticences sont encore très importantes), et l’eau ultrapure par exemple pour des usines de composants électroniques.

Gisement de matière première

L’Unesco plaide pour des petits systèmes de traitement des eaux. « Les systèmes centralisés à grande échelle nécessitent un investissement financier trop important et l’entretien est également trop coûteux », précise Richard Connor, « d’autant que le plus souvent il ne s’agit pas de traiter l’eau comme de l’eau potable mais de la rendre sécuritaire », rappelle-t-il.

L’Agence des Nations unies insiste également dans son rapport sur le fait que les eaux usées sont  un gisement de matière première. « On estime que 22 % de la demande mondiale en phosphore pourrait être satisfaite grâce au traitement des urines et des excréments humains. Déjà, certains pays comme la Suisse imposent la récupération de certains nutriments comme le phosphore », précise le document. Un minéral dont « les experts estiment qu’il sera épuisé dans 50 à 100 ans », ajoute Richard Connor.

Déjà 70 à 100 pays dans le monde font du dessalement d’eau de mer pour obtenir de l’eau douce. « Ce n’est plus une solution de pays riches », précise Loïc Fauchon. « Ce sera dans quelques années la même chose pour les eaux usées », plaide-t-il. Aujourd’hui encore, 2,4 milliards de personnes dans le monde ne disposent pas d’accès à une installation sanitaire. La plus rudimentaire soit-elle.

Le Figaro 22/03/2017