Les géants du Web misent sur l’Internet de la voix

Sur smartphone ou objets connectés, les assistants vocaux sont en plein essor.

INTERNET L’avenir d’Internet est sur le bout de notre langue. Après plusieurs années d’innovations et de recherche, la reconnaissance vocale est désormais prête à s’implanter dans tous les objets de notre quotidien. Elle se niche dans nos smartphones, des écouteurs, des enceintes intelligentes, des appareils électroménagers et même des voitures. Les géants de nouvelles technologies font le pari que nous parlerons bientôt aussi bien aux machines qu’à un être humain. D’ici à 2020, près de 18 % des interactions avec un objet connecté pourraient être vocales, d’après les prévisions du cabinet Strategy Analytics. Après le clavier, la souris et l’écran tactile, notre voix pourrait être la prochaine révolution technologique.

Apple a été l’un des premiers constructeurs à investir dans les technologies vocales. Les iPhone sont équipés du logiciel Siri depuis cinq ans : il permet à ses utilisateurs d’effectuer des tâches simples sur leur téléphone, comme de répondre à un SMS ou d’ajouter un rendez-vous à son calendrier, des recherches sur Internet ou d’utiliser certaines applications mobiles. Il suffit de prendre la parole. Siri a ouvert la voie à ses concurrents, qui n’ont pas tardé à proposer eux aussi des assistants vocaux, comme Google Now ou Cortana (Microsoft). Nourris d’intelligence artificielle et de milliards de données en ligne, ces logiciels sont capables de comprendre une requête et d’y répondre en prenant en compte son contexte. Ils connaissent les habitudes de leur utilisateur, son emploi du temps, son lieu de travail et son domicile. Ils peuvent se connecter à des applications sans les ouvrir. Difficile désormais d’acheter un smartphone qui ne soit pas équipé d’un assistant vocal. Leur usage progresse doucement. En 2016, Google affirmait que 20 % des recherches mobiles sur son moteur étaient effectuées à la voix.

Étendre son empire

Les assistants vocaux sont nés d’un besoin : il est fastidieux de taper un long message sur un smartphone. Ce confort devient un impératif pour les objets connectés plus petits. Siri est l’une des fonctionnalités maîtresses de l’Apple Watch, la montre connectée d’Apple. Le géant des nouvelles technologies en a aussi équipé ses AirPods, des écouteurs sans fil, qui peuvent servir à dicter un message ou effectuer une recherche en ligne sans sortir son smartphone de sa poche. D’alternative au texte, la voix devient une interface à part entière pour des appareils sans clavier, voire sans écran. Amazon a connu un succès surprise avec son Echo, une enceinte intelligente pour la maison. Elle permet de consulter son emploi du temps, de commander un trajet sur Uber, d’interroger la météo ou, évidemment, de commander un produit sur Amazon. Google propose une prestation similaire avec son enceinte Google Home, équipée de la dernière génération de son assistant vocal.

Pour les entreprises les plus audacieuses, il ne s’agit pas que d’équiper leurs propres appareils. Amazon a ouvert Alexa, son logiciel de reconnaissance vocale, à d’autres fabricants. On le retrouve dans un nombre croissant de machines : des machines à laver Whirlpool, un réfrigérateur LG, des ampoules connectées de GE, un babyphone Mattel, une voiture Ford, des enceintes Lenovo… Alexa s’est même frayé un chemin dans des smartphones, grâce au fabricant chinois Huawei. Cette stratégie rappelle justement celle employée par Google avec son système d’exploitation mobile Android, mis à disposition gratuitement aux fabricants de smartphone. Il équipe aujourd’hui plus de 86 % des téléphones dans le monde. Mais là où Android est vite devenu lucratif, en imposant les applications et les publicités de Google sur nos smartphones, la recherche vocale est encore à la recherche d’un modèle économique. Difficile de diffuser des publicités sur une enceinte ou des écouteurs sans paraître intrusif. En mars, les utilisateurs du Google Home ont été surpris d’entendre leur appareil leur rappeler la sortie du film La Belle et la Bête au cinéma. Un contenu s’apparentant à de la publicité qui a été vivement critiqué. Amazon mise, lui, sur une politique de partenariats, laissant la porte ouverte aux développeurs d’applications et aux fabricants d’objets connectés. En se connectant à un maximum de services, Alexa veut se rendre omniprésent et indispensable, en mettant en avant ses partenaires et surtout ses propres produits, avec Amazon et ses abonnements Prime.

Quel que soit son modèle, l’Internet de la voix devra surtout rassurer avant de s’imposer dans nos foyers. Un assistant vocal écoute en permanence son utilisateur afin de s’activer sur demande, et y mêle des données glanées en ligne. Nous avons l’habitude des publicités qui ciblent nos goûts, en observant nos habitudes sur Internet. Les assistants vocaux, eux, étendent un peu plus l’empire des nouvelles technologies dans le monde réel.

Le Figaro 11/04/2017