Aujourd’hui en Allemagne. 2 Mai 2017

Synthèse de la presse quotidienne

Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne

2 mai 2017

  1. Une tribune du ministre fédéral de l’Intérieur Thomas de Maizière (CDU) en faveur d’une « culture de référence » allemande (Leitkultur) fait les gros titres de la presse allemande ce matin : « De Maizière polarise avec une nouvelle initiative sur une culture de référence allemande » (Frankfurter Allgemeine Zeitung) ; « De Maizière allume le débat sur la culture de référence » (Süddeutsche Zeitung). Die Welt consacre sa Une à la rencontre de la chancelière avec le président russe aujourd’hui à Sotchi : « Merkel en mission de détente sur la mer Noire ». Der Tagesspiegel revient sur les critiques de la ministre de la défense Ursula von der Leyen à l’encontre de la Bundeswehr sur le cas de l’officier soupçonné de préparer un attentat terroriste : « von der Leyen fait un dur procès à la Bundeswehr ». Le quotidien des affaires Handelsblatt publie un « plaidoyer pour le libre-échange » signé de 2500 entrepreneurs des pays du G20 avant le « sommet des entrepreneurs B20 » qui se tient aujourd’hui à Berlin.
  2. Allemagne

Thomas de Maizière relance le débat sur les valeurs de la société allemande

Le fait que le ministre de l’Intérieur chrétien-démocrate expose dans Bild am Sonntag – « à la veille des élections régionales au Schleswig-Holstein et en Rhénanie du Nord-Westphalie », souligne la FAZ – 10 thèses sur les valeurs qui constituent la « culture de référence » (Leitkultur) allemande, est accueilli avec scepticisme, voire avec agacement, par la plupart des médias, même conservateurs. Présentée à la Une du tabloïd sous un titre accrocheur (« nous montrons notre visage, nous ne sommes pas burqa »), cette tribune a reçu le soutien de la CDU, tandis que le SPD dénonçait une « mise en scène électorale » visant à faire diversion et que les Verts appelaient le ministre de l’Intérieur à chercher plutôt des solutions aux problèmes concrets de l’intégration, rapporte la presse. Pour Die Welt, l’initiative de Th. de Maizière s’explique par l’entrée en lice au niveau national d’un concurrent direct pour son portefeuille, le ministre de l’Intérieur de Bavière Joachim Herrmann (CSU), désigné candidat tête de liste des conservateurs bavarois pour les élections fédérales de septembre. C’est également l’analyse faite par le président du FDP, Christian Lindner, lequel a jugé qu’’il s’agissait d’une « manœuvre de diversion pour se forger un profil » alors que « les conservateurs peinent à mettre en œuvre un cadre législatif pour une politique d’immigration moderne », indique Die Welt.

Pour le Handelsblatt, la crainte de la concurrence bavaroise est une explication tout à fait plausible, car « sur le fond, cette initiative est totalement superflue », considère le quotidien des affaires, pour qui il est contre-productif d’agiter comme un épouvantail des valeurs qui, bien souvent, sont précisément la raison pour laquelle les demandeurs d’asile préfèrent se réfugier en Allemagne. L’identité culturelle allemande, ses références et ses valeurs, sont certes le ciment de la cohésion de la société, « mais n’avons-nous pas déjà la Loi fondamentale qui pose ces principes ? », s’interroge la FAZ, reprenant en cela un argument avancé par le président du FDP. Pour Die Welt, relancer ce débat serait une initiative louable si Th. de Maizière n’oubliait pas au passage un aspect « intolérable », le fait que ces valeurs de liberté et de paix soient foulées aux pieds « par un nombre croissant d’Allemands extrémistes qui ne sont pas issus de l’immigration », « surtout dans les Länder de l’Est où des étrangers sont tabassés juste pour délit de faciès » : « nous ne sommes pas burqa, mais nous ne sommes pas non plus bottes et crâne rasé ! », insiste Die Welt. « Pas encore ce débat sur la Leitkultur ! », soupire le Tagesspiegel pour qui il s’agit d’un débat dépassé par la réalité migratoire qui a fait évolué la société allemande. « Il est bon de fixer des standards communs de base pour une société moderne : démocratie, état de droit et dignité humaine, en gros, tout ce que Th. de Maizière qualifie de ‘non négociable’, des principes auxquels presque tous les migrants adhèrent. Tout le reste n’est que folklore partisan à ne pas prendre trop au sérieux », résume le quotidien alternatif tageszeitung.

Critiques d’Ursula von der Leyen à l’encontre de la Bundeswehr

Tous les journaux font état des « graves défaillances » reprochées par la ministre de la Défense au commandement de l’armée allemande après l’accumulation, ces derniers mois, d’affaires de harcèlement sexuel et moral et, dernier scandale en date, l’arrestation d’un lieutenant xénophobe soupçonné de préparer un acte de terrorisme sous une fausse identité de réfugié syrien. Les commentaires sont peu amènes vis-à-vis de la ministre conservatrice, qu’ils accusent de se défausser une fois de trop des problèmes de son ministère. « Son attitude est d’être en permanence sur la défensive », pointe le Tagesspiegel, pour qui U. von der Leyen « tente de se tirer d’affaire avec une manœuvre risquée, alors que cela fait trois ans qu’elle est responsable de la Bundeswehr ». Le conservateur Die Welt, contempteur implacable de la ministre depuis son arrivée en poste, voit son jugement désormais partagé par la majorité des quotidiens : « le problème, c’est von der Leyen elle-même ».

  1. Europe

« Le Brexit unit l’UE » (Berliner Zeitung)

La presse s’étonne, à l’instar de la Frankfurter Allgemeine Zeitung, du peu de cas que semble faire la Première ministre britannique de la détermination de ses 27 homologues européens à imposer leurs conditions sur les négociations de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. « Theresa May persiste dans sa conviction qu’il vaut mieux pas de contrat du tout qu’un mauvais contrat », observe la Süddeutsche Zeitung. Les journaux soulignent la rapidité « remarquable » avec laquelle les 27 ont adopté, « sans la moindre controverse » (Berliner Zeitung) les lignes de négociation fermes qui seront les leurs, tout en s’interrogeant sur la fragilité de cette unité quand les discussions entreront dans une phase concrète.

Les médias se font par ailleurs l’écho de la consternation de diplomates européens, au premier rang desquels le président de la commission européenne, devant ce qu’ils considèrent comme le manque de réalisme du gouvernement britannique sur sa position de négociation. Dans son édition dominicale, la Frankfurter Allgemeine Zeitung relate, dans un compte rendu détaillé, le découragement qui aurait saisi Jean-Claude Juncker au fil d’un dîner avec Theresa May à Londres, mercredi soir à la veille du sommet européen, en constatant que ses interlocuteurs campaient sur une vision exagérément optimiste de leur position. Ayant quitté Downing Street « dix fois plus sceptique » qu’à son arrivée, selon ses propres termes, le président de la commission européenne aurait dès le lendemain matin prévenu la chancelière Merkel, laquelle s’apprêtait à faire une déclaration gouvernementale devant le Bundestag, que « Theresa May vivait sur une autre galaxie et se berçait d’illusions », écrit encore la FAS. Angela Merkel aurait, suite à ce compte rendu, martelé un message clair à l’adresse des Britanniques, provoquant l’ire des médias britanniques, rapporte le journal.

Relations UE-Turquie

La question d’une suspension des négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE, dont le ministre autrichien des Affaires étrangères s’est fait l’avocat, a été une fois de plus ajournée, déplore le tabloïd Bild. « Il faut enfin trancher, sans attendre que la Turquie réintroduise la peine de mort », considère Bild en soulignant que ces négociations, entamées depuis 15 ans, sont au point mort depuis trop longtemps :  « les hésitations et l’hypocrisie sont dangereuses, elles bloquent un nouveau départ ». La Frankfurter Allgemeine Zeitung se range, au contraire, à l’avis du chef de la diplomatie allemande, Sigmar Gabriel (SPD), estimant que l’Europe ne peut avoir intérêt à couper les ponts avec la Turquie et à précipiter Ankara dans les bras de Moscou. Estimant que la politique européenne vis-à-vis de la Turquie « a échoué sur toute la ligne », la FAZ juge que « c’est désormais à l’Otan de jouer le rôle de pont occidental » vers Ankara.

  1. International

Déplacements de la chancelière fédérale au Moyen-Orient et en Russie

Après avoir rendu compte, dans des correspondances détaillées mais peu commentées, de ses déplacements ce week-end en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, les quotidiens publient de nombreux avant-papiers sur la rencontre aujourd’hui à Sotchi de la chancelière Merkel avec le président russe, une « mission fort délicate » (Tagesspiegel) pour officiellement préparer le G20 en juin à Hambourg. Toute la presse souligne que c’est la première fois depuis deux ans qu’Angela Merkel se rend en Russie pour rencontrer Vladimir Poutine et fait un état des lieux du conflit ukrainien mais aussi des tensions intérieures croissantes en Russie. Dans ce contexte, le Handelsblatt publie une interview du ministre russe des Finances, lequel déclare ne pas espérer un assouplissement ou une levée des sanctions économiques européennes vis-à-vis de Moscou. « Les visites préparatoires du G20 sont un bon prétexte pour Angela Merkel, laquelle tente au passage d’amadouer un peu les électeurs lui reprochant une politique trop stricte envers la Russie », commente la Berliner Zeitung./.