Étudiants endettés, l’alarmante enquête sur Arte

Six mois après l’élection du premier ministre conservateur David Cameron en 2010, les parlementaires anglais débattent de l’augmentation des frais d’inscription à l’université. Au même moment, dans Londres, 40 000 manifestants affrontent les policiers et expriment leur colère face à une loi qu’ils considèrent injuste. Cette juxtaposition d’images saisissantes symbolise le signal d’alarme lancé par ce documentaire de Jean-Robert Viallet sur la financiarisation de l’enseignement supérieur.

L’exemple du Royaume-Uni est frappant. L’université s’inspire de plus en plus de l’environnement compétitif du secteur privé. L’entrée ne cesse de devenir plus chère. Gratuite en 1998, elle coûte désormais 9 000 livres (soit 10 000 €). Les étudiants deviennent un « capital humain », un « stock de compétences valorisables sur le marché », concept expliqué par le sociologue et professeur à Nanterre, Christian ­Laval. La connaissance n’a alors plus qu’une « valeur économique ». Au détriment des jeunes comme Aneta, venue de Pologne étudier le chinois en Angleterre.

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Cette enquête, aussi passionnante qu’inquiétante, s’intéresse également à ce qu’il se passe ailleurs dans le monde. Elle décrit le système suédois : en plus d’une gratuité totale, l’étudiant reçoit une bourse universelle de 300 € pendant six ans. À l’opposé, elle s’attarde sur la Chine, et sur les dérives américaines où la dette étudiante s’élève à 1 300 milliards de dollars (1 200 milliards d’euros).

En France, certains établissements prestigieux comme Sciences-Po ou Paris-Dauphine se sont engagés sur le chemin du payant. Par sa pédagogie et sa clarté, le documentaire éclaire parfaitement sur cette « économie du savoir » et ses dérives. En opposant les paroles des étudiants à ceux de certains présidents d’université, le film vise juste et fort tant les deux conceptions semblent aujourd’hui inconciliables.

Luc Magoutier
La Croix 16/05/2017