L’Estonie, vitrine mondiale de l’e-gouvernement

Le pays balte s’est engagé depuis bientôt vingt ans dans la numérisation de ses services publics. Il fait aujourd’hui référence.

Ce n’est pas Cannes, mais presque. A Tallinn, la capitale estonienne, le défilé de personnalités est incessant. « Depuis le début de l’année, nous avons eu la visite du président suisse, de la ministre des affaires étrangères australienne, du premier ministre luxembourgeois. L’an dernier, c’est Angela Merkel qui était ici. Et le prince Andrew », liste Indrek Önnik, le responsable du « e-Estonia Showroom ».

Si les dirigeants du monde entier se rendent dans le petit pays balte, ce n’est pas pour la beauté de ses forêts de bouleaux et de ses lacs mais pour l’état d’avancement de sa numérisation . Dès la fin des années 90, peu après avoir accédé pour la deuxième fois de son histoire à l’indépendance, les Estoniens ont en effet décidé de miser fortement sur les technologies. Près de vingt ans plus tard, l’Estonie est devenue un cas d’école.

Vote électronique

Aujourd’hui, toutes les démarches administratives effectuées par les 1,3 million d’habitants sont dématérialisées. A trois exceptions près : les mariages, les divorces et les ventes immobilières… « pour l’instant », précise Indrek Önnik, qui insiste sur le fait que ce choix n’est en aucun cas dû à des contraintes techniques. Le pays a relevé des défis technologiques autrement ambitieux.

Son système de e-administration repose aujourd’hui sur une carte d’identité sécurisée qui, bien qu’elle ne soit obligatoire qu’à partir de 15 ans, est dans la poche de 95% des habitants. Elle permet de s’identifier pour accéder à une multitude de services (plus de 2.000 actuellement), qu’il s’agisse de payer ses impôts, de payer son trajet de bus ou même de voter. Premier pays à introduire le bulletin électronique en 2005, l’Estonie n’a pas vu la participation augmenter, mais près d’un tiers des votes sont aujourd’hui effectués en ligne.

98% des ordonnances médicales sont aujourd’hui virtuelles

Lors du dernier scrutin parlementaire, des citoyens estoniens ont ainsi participé depuis 116 pays du monde, dont 80 sans ambassade ou consulat pour voter physiquement. Autre exemple, 98% des ordonnances médicales sont désormais virtuelles. Le patient se présente à la pharmacie muni de sa carte d’identité et le commerçant, d’un simple scan, sait quelles gélules aller chercher. Pour les affections chroniques et les allergies, la carte peut également servir d’ordonnance permanente.

Depuis dix ans, une part importante de ces formalités peut également être réalisée avec un simple smartphone. Les opérateurs télécoms du pays, en concertation avec le gouvernement, ont équipé les clients de cartes SIM sécurisées. Plus chères (de l’ordre de 40 à 50 % en plus), ces puces, comme celles qui permettent le paiement mobile, disposent d’une partie sécurisée qui contient une clef cryptographique privée permettant de signer des transactions à l’aide d’un simple code PIN.

Reposant sur plusieurs bases de données hébergées et partagées par les différentes administrations, le système de e-administration estonien ne mobilise aujourd’hui que 1.000 informaticiens pour un budget de 60 à 65 millions d’euros par an. De quoi faire réfléchir les gouvernements étrangers.
Les Echos 02/06/2017