Think Tanks Hebdo du 7 au 14 Juin 2017

 

Synthèse hebdomadaire des publications des think tanks 

A LA UNE

Elections législatives françaises et britanniques

De nombreux think-tanks américains (Carnegie, CSIS, Atlantic Council, Council on Foreign Relations, American Enterprise Institute, Wilson Center, Center for a New American Security) reviennent sur les élections législatives qui ont eu lieu au Royaume-Uni et en France. D. Ruy et H. Conley du CSIS qualifient la victoire de La République en Marche de « coup de grâce » pour les institutions politiques françaises, « détruites » en quelques semaines par le parti d’E. Macron. L’auteur s’interroge néanmoins sur la pérennité d’un système démocratique qui ne fait face à aucune opposition. J. Dempsey de la Carnegie met en opposition E. Macron, qui est sur le point d’obtenir « un mandat clair » pour réaliser sa politique et T. May qui a considérablement diminué l’influence du Royaume-Uni en Europe.

La défaite du parti conservateur de T. May est considéré comme « cuisante et humiliante », « un pari raté » par R. Dale et A. Kumar Sen de l’Atlantic Council. Ce dernier souligne la difficulté de l’alliance que T. May veut mettre en place avec le parti unioniste nord-irlandais, le DUP, celui-ci ayant une vision opposée à la sienne sur le Brexit. La chercheure H. Conley du CSIS partage l’incertitude dans laquelle se trouvent désormais les négociations sur le Brexit à la suite de ces élections, certains estimant qu’il s’agit d’un véritable « chaos » alors que d’autres ont partagé leur « optimisme ». Selon elle, même si le Royaume-Uni décide d’adoucir le ton, il est peu probable que l’Union européenne fasse de même, puisqu’elle pourrait saisir cette occasion pour montrer aux Etats membres le « coût » d’une sortie. Pour D. Rohac (AEI), la raison principale de ce revers est que le message de T. May, offrant un « nationalisme nostalgique », n’a pas su trouver de relai chez les jeunes. D. Villiers Negroponte (Wilson Center) estime que les coupes budgétaires dans le domaine de la santé a aliéné une partie de sa base électorale conservatrice, notamment les personnes âgées.

Sécurité européenne

Les relations transatlantiques et la sécurité européenne demeurent au cœur de la réflexion des think tanks (Atlantic Council, Carnegie, German Marshall Fund) notamment face à la menace russe en l’Europe de l’Est. A la suite de la visite du président roumain à la Maison Blanche, A. Inayeh (German Marshall Fund) exprime son inquiétude sur la militarisation de l’Europe orientale entreprise par Moscou en Crimée, dans la mer Noire et dans la mer Baltique. Selon lui, il est crucial que les Etats-Unis, l’UE et l’OTAN fassent prévaloir « la coopération » sur la « compétition » pour répondre à ces problématiques sécuritaires. A cet égard, T. Valasek (Carnegie) salue la récente proposition de la Commission européenne pour approfondir l’Europe de la défense qui incite les pays à y participer davantage au travers de subventions, procédé « plus efficace » que d’attaquer en justice les pays réfractaires. Dans son article How to Putin-proof your elections, J. Janda (Atlantic Council) revient sur les moyens de limiter les interférences russes dans les différentes élections occidentales. Selon l’auteur, depuis 2014, 39 des 50 Etats-membres de l’OTAN ont été touchés par Moscou dans leurs processus électoraux, le dernier en date étant Malte. Enfin, E. Brattberg (Carnegie) dresse un panorama des relations transatlantiques en général – politique étrangère, commerce, humanitaire, environnement – sous l’administration Trump qui préférera traiter de « manière bilatérale » avec les capitales européennes qu’avec l’UE dans son ensemble.

LE FOCUS DE LA SEMAINE

Qatar

Les think tanks américains (Atlantic Council, Middle East Institute, Carnegie, CSIS, Council on Foreign Relations, Cato, American Enterprise Institute, Wilson Center, Washington Institute for Near East Policy) ont largement développé la crise diplomatique entre le Qatar et les Etats arabes et notamment ses conséquences pour les intérêts américains dans la région.

La Carnegie et l’Atlantic Council reviennent sur les causes de cette crise, plus « profondes » que les explications officielles. Au-delà des liens entre Doha et des groupes terroristes, c’est surtout la politique étrangère qatarie « semi-autonome » qui inquiète particulièrement les autres Etats du Golfe, à la tête desquels l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. Depuis le coup d’Etat en 1995 du père de l’actuel émir du Qatar, Doha s’est engagé dans une diplomatie plus indépendante et entreprenante. Il s’agit donc, pour les chercheurs, davantage d’une crise de « pouvoir » dans la région, l’Arabie Saoudite souhaitant renforcer sa mainmise au-delà du Golfe. La politique du Qatar d’engagement avec toutes les parties – y compris extrémistes – dans les différents conflits n’est également pas du goût de ses voisins qui refusent de traiter avec celles-ci. L’Arabie Saoudite par cette décision chercherait donc à faire « capituler définitivement » le Qatar.

Pour M. Young (Carnegie), D. Trump, en insistant sur la problématique sécuritaire lors de sa visite à Riyad, a donné un « faux sentiment de confiance » aux Etats arabes, les encourageant implicitement à prendre des mesures contre le Qatar. B. Riedel (Wilson Center) estime à cet égard que le discours pro-saoudien de D. Trump lors de ce séjour a constitué une « erreur » qui allait hanter son administration. Il souligne la position difficile dans laquelle se trouvaient désormais les Etats-Unis qui, selon, A. Bowen (AEI) ne peuvent se permettre une escalade dans le conflit. En effet, le chercheur met l’accent sur l’importance stratégique de la base aérienne militaire américaine au Qatar qui compte actuellement 11 000 soldats. Il met en garde contre la possibilité pour la Russie, l’Iran et la Chine de tirer profit de cette situation si les tensions venaient à perdurer. Pour E. Ashford (Cato), en prenant si ouvertement la défense de l’action saoudienne, les Etats-Unis risquent de détériorer les relations entre les pays de la région et de compliquer davantage le travail de la coalition contre Daech. L. Plotkin Boghart (Washington Institute for Near East Policy) appelle l’administration américaine à déterminer les intentions réelles de l’Arabie Saoudite et des Emirats sans prendre parti pour ne pas déstabiliser le Qatar, ce qui serait le pire scénario envisageable.

Le CSIS met en garde contre les répercussions que cette crise pourrait avoir dans la bande de Gaza. En effet, l’équilibre fragile de cette dernière repose sur la capacité du Hamas à maintenir l’ordre dans la zone, une stratégie appuyée dans une certaine mesure par Israël, pour éviter que des groupes plus radicaux ne prennent le pas, et par le Qatar. Toutefois, si le Qatar se voyait contraint à devoir arrêter son soutien au Hamas, une confrontation plus directe avec Israël à Gaza serait alors à craindre.