Synthèse hebdomadaire des publications des think tanks du 5 au 12 juillet 2017

Ambassade de France à Washington

A LA UNE

Rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine

Les think tanks reviennent sur la rencontre qui a eu lieu entre Donald Trump et Vladimir Poutine en marge du G20. Maxim Trudolyubov (Wilson Center) remarque que la Russie a réussi à mener la conversation à son avantage. D’après lui, la discussion n’a pas fait avancer les sujets qui dominaient l’agenda des Etats-Unis – la Corée du Nord et l’ingérence russe dans les élections de 2016, alors que la Syrie, et dans une moindre mesure l’Ukraine, importants pour la Russie, ont donné lieu à des annonces.

L’ancien ambassadeur américain aux Nations Unies John Bolton (American Entreprise Institute) estime que les résultats de cette rencontre sont décevants et se distancient trop peu de la politique de Barack Obama. Il considère que le cessez-le-feu en Syrie renforce à terme Bashar Al-Assad et que l’espoir d’une solution diplomatique en Corée du Nord a déjà montré ses limites. Selon lui cependant, l’élément le plus important que doit retenir Donald Trump de cette rencontre en vue de ses futures discussions avec Vladimir Poutine est que le président russe n’aura eu aucun scrupule à lui mentir, « les yeux dans les yeux », en niant l’ingérence russe dans les élections américaines : « qui négocie avec la Russie le fait à ses risques et périls », conclut l’auteur.

A l’inverse, Alexey Khlebnikov (Middle East Institute) estime que cette première rencontre est prometteuse pour le futur de la relation Etats-Unis-Russie et pour l’établissement d’un dialogue constructif en Syrie. D’après lui, l’accord sur le cessez-le-feu dans le Sud de la Syrie est une étape majeure. Cette décision confirme le rôle accru des Etats-Unis en Syrie et son engagement à protéger les intérêts d’Israël et de la Jordanie. Elle montre également que Moscou cherche un compromis avec les Etats-Unis, la Jordanie et Israël. Reste à savoir comment l’Iran réagira à ce qui semble être un adoucissement de position de la part de la Russie sur le conflit syrien.

Syrie

Dans un article publié par le WINEP, Nikolay Koshanov a appelé l’administration Trump à développer une nouvelle stratégie pour la Syrie. Sans vision américaine claire, Moscou resterait le principal acteur du conflit syrien et se tournerait en priorité vers la Turquie et l’Iran.

Sur le plan humanitaire, Fabrice Balanche (WINEP), de retour d’une visite de terrain au Liban, décrit une autre réalité derrière les chiffres donnés par le HCR selon lequel 500 000 Syriens sont retournés chez eux entre janvier et mai 2017. Le chercheur fait la distinction entre le retour des personnes déplacées en Syrie (443 000), et celui des réfugiés qui étaient sortis du pays (31 000). Il souligne par ailleurs que le nombre de réfugiés qui quittent la Syrie continue d’augmenter. Les obstacles principaux à leur retour sont l’insécurité, la crainte de se faire enrôler par l’une des parties au conflit, la corruption des officiels syriens et l’espoir de se voir accorder un visa par un pays occidental.

G20 et climat

David Goldwin (Atlantic Council) analyse les résultats du G20 sous l’angle de la politique de l’énergie et de la lutte contre le changement climatique. Il faut en retenir selon lui que l’insistance des Etats-Unis à faire apparaître leur retrait  de l’accord de Paris dans le communiqué final a encouragé les 19 autres pays à exprimer avec force leur adhésion à l’accord. David Goldwin remarque également que les Etats reconnaissent que le gaz naturel peut jouer un rôle dans la transition énergétique, position qui concorde avec celle de l’administration américaine et qui s’éloigne de l’approche centrée sur les énergies renouvelables. Enfin, l’auteur considère que ce sommet a vu les contours d’une politique américaine sur l’énergie et le climat se dessiner ; il souligne cependant que l’engagement réel de l’administration Trump ne sera confirmé que par le budget et le personnel qu’elle y consacrera.

LE FOCUS DE LA SEMAINE : Coree du Nord

Le tir d’un missile intercontinental par la Corée du Nord le 4 juillet, jour de la fête nationale américaine, a fait réagir de nombreux think tanks (Brookings, Carnegie, CSIS, CNAS, Heritage Foundation).

Pour Jonathan Pollack (Brookings), la seule voie possible est d’admettre la réalité de la force nucléaire et balistique de la Corée du Nord et d’intensifier la pression sur le régime nord-coréen. D’après lui, il faut redoubler d’efforts pour dissuader toute attaque directe contre un allié américain, renforcer les mesures de défense en collaboration avec la Corée du Sud et le Japon et priver la Corée du Nord d’accès aux financements extérieurs qui font avancer ses programmes nucléaires. De même, pour Peter Brookes (Heritage Foundation), les Etats-Unis doivent envisager le pire et, pour l’éviter, se lancer dans une démonstration de force dans la région, à la fois militaire et économique, notamment en ciblant les ressources que procurent au régime les travailleurs nord-Coréens exploités à l’étranger.

Une analyse partagée par Evans Revere (Brookings), selon qui l’approche prometteuse de l’administration consiste à convaincre Kim Jong-un que la stabilité de son régime serait menacée s’il n’acceptait pas de dénucléariser. L’ancien diplomate s’interroge toutefois sur la sincérité de la détermination affichée par l’administration Trump à adopter cette ligne dure, soulignant qu’elle manque encore en son sein des experts nécessaires pour coordonner une telle politique.

Michael O’Hanlon (Brookings) défend l’idée d’un gel des tests nucléaires et des tirs de missiles nord-coréens en échange de l’arrêt des exercices militaires américains et sud-coréens, considérés par Pyongyang comme une menace à sa sécurité. Il propose que le gel s’applique également à la production de matériel nucléaire et à l’enrichissement d’uranium et que ce moratoire soit vérifié et surveillé. Il défend l’idée que l’essentiel des sanctions contre la Corée du Nord soient maintenues à ce stade, et que Washington et Séoul continuent à préparer militairement la défense de la Corée du Sud avec des exercices certes de moindre envergure, mais en maintenant leur fréquence et leur intensité. Michael O’Hanlon encourage Washington à la fermeté, tout en se montrant prêt à accepter un accord intérimaire de moindre ampleur en attendant un désarmement nucléaire total.

Dans un article conjoint, Jack Sullivan (Carnegie, ancien conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden) et Victor Cha (CSIS, ancien conseiller de George W. Bush pour la Corée du Nord) rejettent l’idée du « double moratoire » défendue par la Chine. Ils considèrent que Pékin doit jouer pleinement son rôle dans la négociation et utiliser son levier économique pour contraindre son allié nord-coréen à cesser ses activités nucléaires. Les experts estiment que Donald Trump est dans une meilleure position que ses prédécesseurs pour en convaincre la Chine, dans la mesure où le Président Xi Jinping cherche visiblement à établir une bonne relation avec le nouveau président américain, et que ses relations avec la Corée du Nord se sont dégradées.

Pour Richard Fontaine, président du CNAS, il est illusoire de penser que la Chine peut régler le problème de la Corée du Nord. Dans un article publié sur le blog War on the Rocks, il prône une approche plus réaliste et appelle à mettre en place une politique de dissuasion nucléaire, une défense antimissile, des opérations clandestines (cybersabotage), des sanctions économiques plus sévères et des campagnes d’information vis-à-vis de la population pour fragiliser à long terme le régime.

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