Synthèse hebdomadaire des publications des think tanks du 19 juillet au 2 août 2017

Ambassade de France à Washington

Think Tank Hebdo 

 

A LA UNE

Politique étrangère américaine

A l’occasion de la 14ème table ronde Brookings Blum qui se tient du 2 au 4 août sur le thème de l’assistance internationale américaine, la Brookings propose six essais revenant sur les questions qui y seront abordées : les défis actuels de l’aide au développement, le futur du multilatéralisme et la fragilité des Etats.

Le rapport du Pew Research Center sur la perception des Etats-Unis dans le monde continue d’avoir de l’écho dans les think tanks, le Council on Foreign Relations et la Brookings proposant tous deux une étude de ses résultats. Si, globalement, l’arrivée de la nouvelle administration a entrainé une perte de confiance dans les Etats-Unis, les chercheurs soulignent que cette analyse intervient très tôt dans le mandat de Donald Trump, les perceptions du public restant susceptibles d’évoluer tout comme celle des autres dirigeants. Le Chicago Council on Global Affairs relève ainsi que les chef d’Etats et de gouvernements européens ont d’ores et déjà commencé à adapter leur mode de communication avec le président américain pour maintenir une bonne relation avec les Etats-Unis.

Venezuela

Les think tanks américains se penchent sur la détérioration de la crise « politique, économique, financière, sociale et humanitaire » au Venezuela qui pousse le pays à son point de rupture (Brookings, Baker Institute). A cet égard, Ricardo Hausmann (Council on Foreign Relations) fustige les politiques menées par Hugo Chavez et son successeur Nicolas Maduro qui sont les « responsables » de l’actuelle situation du pays. Face à l’isolement du gouvernement vénézuélien et l’absence de stratégie de celui-ci, il préconise un changement à la tête du pays afin de mener à bien les réformes structurelles que nécessite le Venezuela.

Alors que les Etats-Unis ont adopté des sanctions juridiques et financières à l’encontre de Nicolas Maduro, le secrétaire général de l’Organisation des Etats Américains lors d’une visite à l’Atlantic Council a appelé l’administration Trump à prendre des sanctions ciblées contre le secteur pétrolier vénézuélien. De telles mesures viendraient compliquer davantage une sortie de crise selon A. Francisco J. Monaldi (Baker Institute), l’industrie du pétrole et les défis économiques et politiques étant intrinsèquement liés.

Moises Rendon, dans un rapport publié par le CSIS et à destination des décideurs politiques, étudie les mesures qui doivent être prises à la fois par le pouvoir vénézuélien, les Etats-Unis, les institutions multilatérales et la communauté internationale pour aider à relever le pays.

Brexit

            Reginald Dale (Atlantic Council) rapporte les « premiers signes de doutes » des parlementaires britanniques sur le Brexit alors que le gouvernement de Theresa May est en pleine tourmente, divisé par des conflits internes. Un retour sur la décision de quitter l’Union européenne serait « techniquement et légalement » possible et cette option commence en effet à être relayée par plusieurs élus. Toutefois, Reginald Dale souligne que les dissensions au sein du pouvoir britannique ne sont pas « surprenantes » compte tenu des difficultés à mettre en œuvre une telle décision. Reste à savoir si les interrogations suscitées par le Brexit seront suffisamment importantes pour faire changer d’avis l’opinion publique avant l’échéance de mars 2019.

Le Brexit constitue une diminution « sans précédent » de l’influence britannique, s’alarme Denis MacShane (Carnegie). Pour le chercheur, l’impact de la sortie de l’Union Européenne sur la politique étrangère du Royaume-Uni est largement « sous-estimé » alors que Londres est sur le point de perdre une place déterminante dans la conduite de la politique européenne.

Pologne

L’AEI s’alarme du projet de loi « dramatique » proposé par le parti au pouvoir, Droit & Justice, qui permettrait aux politiciens d’avoir un contrôle inédit sur les juges. L’auteur met en garde contre la tournure « autoritaire » que prend le régime. L’Atlantic Council livre une analyse plus optimiste en saluant la décision du président Duda d’opposer son veto à cette réforme constituant ainsi l’opportunité pour le pays de renouer avec l’Union européenne. A cet égard, plusieurs experts de la Carnegie déplorent l’incapacité de l’Union à lutter contre les violations des normes démocratiques dans ses pays membres. Mariann Ory s’inquiète quant à elle des critiques « constantes » visant l’Europe orientale, une attitude « humiliante et imprudente » de la part des autres pays européens.

LE FOCUS DE LA SEMAINE : russie

Etats-Unis – Russie    

Les mesures de représailles de la part de Moscou ont largement été commentées dans les médias ce qui, pour Daniel Fried, (Atlantic Council) donne de l’importance à une décision qui n’aura en réalité aucun effet néfaste sur le long terme. Dans un article revenant sur les relations entre les Etats-Unis et la Russie sous l’administration Trump, Steven Pifer (Brookings) relève cependant l’absence d’amélioration dans la relation bilatérale malgré la volonté du président américain. Selon lui, en dépit de l’approche raisonnée du secrétaire d’Etat Rex Tillerson, il est peu probable que des progrès soient à attendre dans un futur proche. Dans ce contexte, Robert Kahn (Council on Foreign Relations) s’interroge sur la pertinence du recours aux sanctions par l’administration américaine dont l’utilisation répétée (Russie, Iran, Corée du Nord, Venezuela) pourrait à terme nuire à son efficacité.

Le Center for a New American Security propose une analyse détaillée des sanctions adoptées par le Congrès à l’encontre de la Russie. Lukas Trakiavicius (Atlantic Council) partage une vision optimiste de ces nouvelles mesures malgré l’absence de répercussions sur l’industrie pétrolière russe pour le moment. Selon lui, il ne s’agit que d’une question de temps, le secteur énergétique russe ne pouvant soutenir un tel rythme de production du fait des sanctions et de la faiblesse du cours du prix de l’énergie.

Plus prudente, Ellen Scholl (Atlantic Council) met en garde contre les conséquences négatives qui pourraient découler de ces sanctions en portant notamment préjudice aux intérêts européens. Une crainte partagée par Judy Dempsey (Carnegie) pour qui ce projet de loi vient détériorer davantage les relations transatlantiques déjà au plus bas, au risque de rompre totalement l’unité du bloc occidental au profit de la Russie. Pour sa part, Dalibor Rohac (AEI) s’étonne de la virulente réaction des Européens face à des mesures qui s’inscrivent pourtant dans la continuité de la politique européenne à l’égard du Kremlin. Selon lui, les voix s’opposant à ce projet défendent des intérêts commerciaux sur le court-terme, une situation qu’il regrette d’autant plus qu’elle empêcherait l’Europe de s’affirmer de manière crédible sur la scène internationale. Daniel Fried explique ces réactions par le contexte électoral, notamment en Allemagne où l’opposition frontale à Washington est particulièrement populaire.

Politique étrangère russe

Les think tanks reviennent également sur la stratégie russe en matière de politique étrangère. En Ukraine, Gwendolyn Sasse (Carnegie) note le succès « limité » de Moscou, les populations des territoires occupés demeurant largement divisées sur le futur à donner à leurs régions – une majorité souhaite rester dans l’Ukraine alors que le reste de la population souhaite obtenir un statut spécial au sein du pays ou au sein de la Russie. Au Moyen-Orient, c’est une Russie en compétition avec les Etats-Unis que décrit Jon Alterman (CSIS). Moscou s’implique principalement dans le domaine militaire et de sécurité dans le but de contrebalancer la présence américaine et occidentale dans la région. Par son implication croissante, le Kremlin cherche également à s’assurer que les mouvements populaires qui ont ébranlé les régimes arabes ne se diffusent pas à l’intérieur de ses frontières. Selon l’auteur, la Russie semble percevoir l’arène internationale comme un jeu à somme nulle – une amélioration de la situation américaine se fera inévitablement au détriment des intérêts russes.

La Russie inscrit son action dans une stratégie plus globale, celle de la « Grande Eurasie » décrite par Dmitri Trenin (Carnegie) qui s’interroge sur les chances de succès de cette nouvelle politique. Cette stratégie viserait à développer la puissance russe de la péninsule coréenne au Portugal et de l’Arctique à l’océan indien. Lancé en 2016, ce projet marque une rupture avec la politique traditionnelle de Moscou qui ne fait plus référence ni à son empire historique ni à ses aspirations européennes mais souhaite désormais développer de nouveaux partenariats, notamment en Asie pour se libérer de la domination américaine.

PUBLICATIONS A SIGNALER