Des seniors franciliens incités à céder leur place en HLM

« Changer de vie » ! Derrière ce mot d’ordre se cache l’ambitieux programme que l’organisme HLM Polylogis propose à quelque 8 000 de ses locataires d’Ile-de-France âgés de plus de 58 ans. Son objectif : libérer des logements sociaux dans et près de Paris, pour répondre à la demande pressante de candidats locataires actifs, tout en proposant aux « seniors » franciliens d’occuper des logements vacants en province.

« Notre taux moyen de vacance est de 5 % à 6 %, mais peut approcher les 8 %, comme à Angers, où nous comptons 400 logements vides sur un peu plus de 5 000, voire 28 % comme à Forges-les-Eaux [Seine-Maritime] », explique Alain Chevolleau, directeur général de LogiOuest, filiale de Polylogis, à l’initiative de la démarche, engagée en 2014. Une telle vacance est d’abord la conséquence de la crise économique, qui a désindustrialisé des régions entières, dont la Normandie. Mais elle tient aussi à la surproduction de logements, en particulier grâce aux dispositifs fiscaux qui, à des prix de loyers très voisins, concurrencent le parc ancien ou le secteur social de villes étudiantes comme Angers.

« Ici, pas de voitures brûlées »

Accepter de déménager repose évidemment sur le volontariat. En 2014, seize ménages seulement, sur les 7 000 sollicités par Polylogis, ont franchi le pas. Certains ont choisi Cerbère, dernière commune des Pyrénées-Orientales avant l’Espagne, au bord de la Méditerranée, très loin des tours de Bobigny (Seine-Saint-Denis).

Joëlle Zanetti, 66 ans, a quitté sans état d’âme la cité des Francs-Moisins, à Saint-Denis, pour un grand trois-pièces avec balcon, à Forges-les-Eaux, une ville où elle n’a pas d’attaches particulières : « C’est très bien, très calme : ici, pas de voitures brûlées ! J’ai l’impression d’habiter un petit village. Depuis mon balcon, je ne vois que des arbres et le centre-ville est à dix minutes à pied. » Malgré l’accueil aimable de ses voisins, elle n’a pas encore noué de relations amicales, mais reçoit régulièrement la visite de ses enfants et petits-enfants, tous Parisiens.

Un coût de la vie identique

Avec sa retraite de 1 300 euros, le coût de la vie est à peu près identique : les courses quotidiennes sont plus économiques, mais les charges plus élevées, notamment la facture d’eau, sans compter les transports. « J’ai dû m’acheter une voiture, explique Joëlle Zanetti, car je me rends chaque mois à Paris [120 km] en raison d’un traitement médical, mais surtout pour explorer la région – Dieppe, Rouen, Caen, où il y a tant de choses à découvrir. » La route ne fait pas peur à cette jeune retraitée, qui a été chauffeur de poids lourds durant une vingtaine d’années.

« Le projet de quitter une grande ville pour un cadre plus bucolique, mais qui n’a pas les mêmes commodités, doit être mûrement réfléchi. Car, en l’absence d’attaches amicales ou familiales fortes dans la région d’accueil, il y a beaucoup d’échecs », avertit Sylvie Lidgi, fondatrice de Boom Génération, un site de conseil aux jeunes retraités. Selon elle, l’attrait pour les régions ensoleillées est moins vif qu’auparavant : les seniors leur préfèrent les centres-villes et la proximité de leurs enfants.