Dans le quotidien britannique The Guardian, samedi, une question angoissante : « où sont passés les grands penseurs français ? », méchamment illustrée d’un coq gaulois portant l’étiquette « made in China » (ah, perfide Albion…).
La question, que nous nous posons aussi, est formulée par un bon connaisseur de la France, le professeur d’Oxford Sudhir Hazareesingh, qui publie prochainement un livre, en anglais, sur le sujet : « How the French Think : An Affectionate Portrait of an Intellectual People » (éd. Allen Lane).
Dans le long texte que publie The Guardin, tout y passe de la grandeur passée des intellectuels français, de Sartre et Camus à Foucault et Derrida. Avec le constat, connu, du grand désert actuel, dû à plusieurs facteurs dont le formatage des élites actuelles, le poids de la technocratie, etc.
Sudhir Hazareesingh ne désespère toutefois pas d’un réveil de la pensée française. Sa conclusion :
« Les penseurs progressistes français ne produisent plus le genre de grandes théories englobantes qui faisaient la marque du Quartier Latin à son heure de gloire. Ils produisent aujourd’hui une forme antique de marxisme (Alain Badiou), un républicanisme nostagique et réactionnaire (Régis Debray), ou offrent le spectacle permanent de la frivolité et de l’auto-illusion (Bernard-Henri Lévy).
Le sociologue Bruno Latour avait cette évolution en tête lorsqu’il observait : “ça fait longtemps que les intellectuels ne sont plus à l’avant-garde. En fait, ça fait même longtemps que le concept même d’avant-garde a disparu‘.
Mais il ne faut pas oublier que, particulièrement en France, il y a toujours le potentiel d’inversions brutales. La régénérescence est l’un des mythes essentiels de la culture française’.