Les Grecs se tournent vers la monnaie virtuelle

De peur de perdre leur épargne, de plus en plus de Grecs placent leur argent dans le Bitcoin, une monnaie virtuelle qui ne dépend d’aucun État.

L’euro fait-il plus peur aux Grecs qu’une monnaie virtuelle? La plus célèbre de toutes, le Bitcoin, est connue pour sa volatilité. Mais depuis six mois, elle s’est stabilisée dans une tendance haussière. Pendant ce temps, la probabilité que la Grèce sorte de l’euro («Grexit») n’a cessé de grandir. Pour beaucoup d’analystes, ce n’est pas une coïncidence. D’une part, on ne sait pas quelle monnaie remplacerait l’euro: «pourquoi pas le Bitcoin?», se disent certains. Et surtout, les banques grecques pourraient bloquer tous les comptes en euros pour faire face à leurs dettes. Le Bitcoin, qui ne dépend d’aucun État ni d’aucune banque centrale mais seulement de l’offre et de la demande, présente une alternative pour placer son argent. Mardi, le Bitcoin a atteint son plus haut depuis deux mois au-dessus de 252 dollars, un niveau qu’elle a conservé mercredi (consultable sur des plateformes d’échange comme Bitstamp, Coinbase ou Coindesk). Elle enregistre ses plus belles performances depuis janvier 2014.

La plateforme Vaultoro, qui permet d’échanger des bitcoins contre de l’or et inversement, a constaté ces deux derniers mois un pic de 124% des flux entrants venant de connexions grecques. Le cofondateur du site, Joshua Scigala, en est convaincu: les Grecs achètent des bitcoins à mesure que leur confiance en les autorités décline. «Ils n’attendent pas que le gouvernement trouve un plan de sortie et se débrouillent tout seuls», avance-t-il auprès de l’agence Reuters. «Vous avez des gens qui s’inquiètent pour la fortune familiale, les économies de toute une vie, qui ont peur que leur argent soit coincé dans une banque… ils préfèrent le garder dans un actif privé comme l’or ou le bitcoin».

Le spectre de Chypre

Beaucoup d’analystes tracent un parallèle avec la crise financière de Chypre au printemps 2013. Le pays avait interdit les retraits et gelé les dépôts, puis en avait taxé une partie. En un mois, la valeur du bitcoin s’était envolée de 700%. Pour le fondateur de la plateforme Quantave et membre de l’association britannique des monnaies digitales Paul Gordon, Chypre n’était pas forcément à l’origine du bond du Bitcoin ; mais la Grèce pourrait bien l’être pour l’embellie actuelle. Depuis deux ans, beaucoup de personnes se sont familiarisées avec la monnaie, et «cette fois-ci, les inquiétudes sur la Grèce peuvent jouer». D’autres analystes vont encore plus loin: le blog de finance Zerohedge explique les variations du bitcoin en fonction des rumeurs sur la Grèce et des discours de son dirigeant Alexis Tsipras.

Quand le ministre des Finances fait de la pub pour le Bitcoin

Que la Grèce n’utilise à l’avenir que des bitcoins est peu crédible, voire loufoque, puisque la monnaie échappe à tout contrôle. Le ministre des finances grec Yanis Varoufakis en a même fait un poisson d’avril, partageant sur son compte Twitter de fausses déclarations avec la mention «Joyeux poisson d’avril à tous…». Dans celles-ci, il menace que la Grèce adopte le Bitcoin comme monnaie officielle si elle n’obtient pas de nouvel accord de l’Europe. Mais un an plus tôt, c’est très sérieusement que le ministre grec a suggéré une nouvelle monnaie indépendante fonctionnant sur le modèle du bitcoin, et adossée… aux futurs revenus fiscaux. «Y a-t-il quelque chose que les pays périphériques peuvent faire pour se donner un peu d’air et négocier face à Berlin, Francfort et Bruxelles?» peut-on lire sur son blog dans un billet de février 2014. «La réponse est oui: […] ils peuvent utiliser un algorithme semblable au Bitcoin pour créer leur propre système de paiement adossé aux impôts à récolter. Appelons-le «TF-coin», TF faisant référence… aux taxes futures [FT-coin, Future Taxes]».

Le Figaro 18/06/2015