Sondage : La santé, frontière difficile à franchir pour les géants du Web

Tandis que le secteur des objets connectés est en plein essor, les Français sont réticents à mettre en ligne des informations relatives à leur santé.

Avouer son taux de cholestérol en ligne comme on posterait un statut sur Facebook, ce n’est pas encore pour demain. Seuls 18 % des Français se déclarent prêts à mettre en ligne des informations relatives à leur santé, selon un sondage publié lundi par l’association ACSEL. Ce taux, déjà faible, est en baisse: il était de 29 % en 2013.

À l’heure où nous confions la plupart de nos données personnelles à des services en ligne, ce constat peut paraître surprenant. Pourquoi ne pas en faire de même pour notre rythme cardiaque? Jusque-là, la question ne se posait pas vraiment: le grand public ne disposait pas d’appareils connectés fiables pour mesurer son état de santé. Ce secteur est en plein boom aujourd’hui. Les bracelets connectés, plutôt destinés aux sportifs, permettent de mesurer des données sommaires: le nombre de pas, le pouls ou la qualité du sommeil. Depuis deux ans, les montres connectées ont pris le relais. L’Apple Watch est dotée d’un cardiofréquencemètre et d’autres capteurs permettant de mesurer le nombre de calories brûlées ou la distance parcourue par jour.

Apple a également mis au point une application de santé très complète, où l’on peut enregistrer une multitude de données: taux de cholestérol, glycémie, aliments consommés, poids, etc. L’entreprise a aussi lancé une plateforme de santé, ResearchKit, qui permet à des laboratoires de développer des applications pour recueillir les données – anonymes – des propriétaires d’iPhone.

Intérêts commerciaux

D’autres géants de la Silicon Valley s’intéressent de près à la santé: Google, notamment, a déjà investi le secteur grâce à son laboratoire d’expérimentation Google X. Ce dernier a par exemple produit un bracelet connecté dédié à la mesure de données de santé d’un patient ou d’un participant à une étude médicale.

Google finance plusieurs initiatives de recherche, dont «Baseline Study», une étude sur l’ADN de plusieurs centaines de personnes qui doit déterminer le profil type d’un patient en bonne santé. Enfin, depuis 2013, Google dispose d’une filiale spécialement consacrée à des travaux de santé, Calico. Une évidence pour Larry Page, cofondateur de Google. «La maladie et la vieillesse nous concernent tous», avait-il commenté au moment du lancement de Calico. Admettant ensuite, presque sans rire, vouloir percer le secret de l’immortalité. Ces belles intentions ne suffiront pas à rassurer les internautes, désormais plus éduqués aux enjeux de la protection des données en ligne. Le scandale de la NSA ou la multiplication des affaires de cybercriminalité les ont rendus méfiants.

Par ailleurs, ils ne sont pas dupes des intérêts commerciaux liés à l’exploitation de ces données pourtant très intimes. Ces dernières pourraient être utilisées au même titre que nos autres informations personnelles, par exemple pour cibler de la publicité. D’autres s’inquiètent de possibles partenariats avec des compagnies d’assurance, qui pourraient utiliser ce genre de données pour adapter leurs contrats selon l’état de santé d’un client. Face à ces craintes, Apple ou Google mettent en avant l’anonymisation des informations récoltées et l’efficacité de leurs appareils. Une montre connectée pourrait ainsi sauver la vie d’une personne cardiaque. Encore faut-il qu’elle accepte de la porter.

Le Figaro 10/07/2015