Sondage. Est-ce si difficile de manager la génération Y ?

Management // Et si les « Yers » n’étaient que des « jeunes » comme les autres ?

Ils ont entre 20 et 30 ans, représentent selon l’Insee 11,7 % de la population française, et commencent à prendre pied dans les entreprises. Appartenant à une génération baptisée « Y », les « Yers » ont grandi dans la crise, Internet et la culture du changement. Caricaturés par la presse et redoutés des managers, ils sont notre relève et méritent, à ce titre, d’être un peu mieux considérés.

Victimes de préjugés
« Quand il arrive à l’heure, c’est un miracle ! », lâche ce responsable de magasin, « la première chose dont elle m’a parlé en entretien, c’est des vacances » confesse un DRH, « depuis qu’il travaille ici, il n’a jamais ôté ses écouteurs ni lâché son smartphone », se désole un chef d’équipe. Ces quelques citations lues dans la presse ou rapportées aux abords d’une machine à café par l’homme qui a vu l’homme qui a vu un Yer sont le triste reflet de l’idée que nombre d’entreprises se font des moins de 30 ans. Le 21e Observatoire du travail*, publié en 2013 et portant sur « les jeunes et le monde du travail : choc des générations ou passage de témoin ? », ne dit pas autre chose. À en croire cette étude, les plus de 30 ans considèrent avant tout leurs jeunes collègues comme des êtres immatures (35 %), individualistes (34 %) et paresseux (26 %). Le Yer serait donc une espèce de Gaston Lagaffe 2.0 pour qui l’on pourrait avoir une certaine tendresse s’il n’avait eu l’idée saugrenue de rejoindre les rangs de l’entreprise.

A l’image de notre société
Avec un chômage des jeunes de plus de 20 %, il est difficile d’imaginer qu’une recrue, au motif qu’elle appartient à la génération Y, prenne le risque de renverser la table en arrivant dans l’entreprise. Certes, après avoir « enquillé », à moins de 30 ans, plus d’une dizaine de stages et autres contrats précaires, ladite recrue risque d’être moins fidèle que les anciens. Un fait assumé, selon l’étude, par les Yers eux-mêmes pour qui obtenir un emploi stable n’est qu’une attente secondaire (19 %) alors qu’elle mobilise encore 36 % des plus de 30 ans. Exigeants, les Yers le sont assurément. Élevés dans une société de consommation, ils ont la culture du « donnant-donnant » et attendent ainsi des contreparties à leur engagement professionnel. Outre de bonnes conditions de travail (60 %), ils souhaitent qu’on leur fasse confiance (43 %) et que l’on favorise le développement de leurs compétences. Sans surprise, bercés par le « c’était mieux avant », ils veulent profiter de la vie en évoluant rapidement vers des postes à responsabilité (13 %) tout en préservant le meilleur équilibre possible entre leur vie professionnelle et leur vie privée (50 %). Et alors que les plus de 30 ans sont 37 % à attendre une meilleure répartition des profits dans l’entreprise, seuls 31 % des Yers s’en soucient.

L’avénement du collaboratif
Les Yers n’aiment pas l’autorité dit-on… comme tous les jeunes, à part peut-être ceux qui optent pour une carrière militaire. Habitués à négocier (notamment avec leurs parents et leurs enseignants), ils acceptent difficilement l’arbitraire et n’hésitent pas à donner du « pourquoi ? » aux personnes qui les encadrent lorsque la clarté n’est pas au rendez-vous. Inutile donc de tourner autour du pot. Être « cash » s’impose, comme d’ailleurs le fait d’être exemplaire. Car si le Yer rechigne à travailler pour son chef, il est toujours d’accord pour travailler avec lui. Les managers trop directifs risquent donc de mal vivre l’arrivée de ces « rebelles » ; en revanche ceux qui n’hésitent pas à mettre les mains dans le cambouis et prônent le travail collaboratif n’ont pas trop de soucis à se faire.
*21e Observatoire du travail « les jeunes et le monde du travail : choc des générations ou passage de témoin ? » Sondage réalisé par BVA pour BPI group.
Les Echos, 22/07/2015