Les femmes sont plus nombreuses aujourd’hui à anticiper une pause dans leur carrière pour élever des enfants

Les jeunes femmes de la génération Y seraient plus pessimistes (ou réalistes) que leurs aînées sur la capacité à concilier vie familiale et vie professionnelle.

C’est une série de chiffres qui peuvent paraître très surprenants aux lecteurs qui ont vu les progrès de l’égalité des sexes. Selon un sondage repéré par le quotidien américain New York Times et réalisé par la prestigieuse école de commerce Harvard Business School, 37% des jeunes femmes sorties de cette école et relevant de ce qu’on appelle la génération Y (elles sont âgées de 25 à 30 ans aujourd’hui selon l’étude) auraient prévu et pensé à la sortie de leurs études qu’elle devraient un jour interrompre leur carrière pour avoir des enfants, contre 28% des femmes de la génération X (âgée de 31 à 47) et seulement 17% des femmes de la génération des baby-boomers (âgée de 48 à 66 ans au moment de la réalisation du sondage). Les femmes les plus jeunes, donc, seraient plus pessimistes que leurs aînées sur la capacité à concilier vie familiale (ou vie personnelle) et vie professionnelle, ou plus réalistes, ou plus enclines à mettre de côté leur carrière.

Des chiffres qui interpellent, quand on sait que l’égalité professionnelle a, sur beaucoup de points, et notamment sur l’écart de salaire, objectivement (mais lentement) progressé. Et quand on sait que les jeunes générations sont mieux sensibilisées à l’égalité hommes-femmes et que la société dans son ensemble se conçoit sur un modèle de relation plus équilibré entre les sexes, avec notamment la reconnaissance de plus en plus affirmée que les tâches domestiques ou le soin des enfants doivent être partagés. En 2015, 67% des sondés de cette étude du Crédoc étaient par exemple en désaccord avec l’affirmation «Il est normal que les mères assurent l’essentiel des tâches domestiques, de soins et d’éducation des enfants», contre 58% en 1997.

Les générations du babyboom très (trop?) optimistes…

Pourquoi ces jeunes femmes prévoient-elles alors de faire des pauses dans leur carrière, et le prévoient-elles encore plus que leurs aînées, qui ont plus vécu de discriminations de genre? Ces jeunes femmes ont-elles l’impression d’affronter des conditions plus difficiles que leurs aînées? Ont-elles tout simplement envie de faire des «pauses» pour respirer et prendre soin de ce qui leur paraît essentiel? Ou sont-elles devenues tout simplement plus réalistes que leurs mentores, qui, quand bien même elles semblaient plus optimistes au départ, ont massivement dû arrêter leur carrière?

Car les chiffres sur le nombre réel d’interruptions réelles du parcours professionnel ayant pour cause, selon les sondées, l’arrivée d’enfants, sont éloquents. Toutes générations confondues (en incluant la génération Y, parmi laquelle seulement 10% des femmes étaient effectivement mères), les femmes ont été deux fois plus nombreuses à s’arrêter pour s’occuper de leurs enfants que ce qu’elles estimaient au départ. Chez les «babyboomeuses», le chiffre est même plus de trois fois plus élevé, près de 56% des femmes affirmant avoir interrompu leur carrière pour s’occuper de leurs enfants, alors qu’elle n’étaient que 17% à estimer au départ devoir le faire.

Souplesse de la «génération du planning»

Il n’empêche, issues d’une génération plus sensible à l’égalité et ayant mis en place plus de choses pour concilier vie professionnelle et vie familiale, on aurait pu supposer que ces jeunes femmes seraient plus optimistes quant aux possibilités octroyées par leur entourage, leur travail et même le système social dans son ensemble pour leur permettre de concilier les deux aspects, enfants et travail. Il n’en est rien.

La raison en est, selon le New York Times, qui a interrogé de nombreux spécialistes et compulsé plusieurs études sur le sujet, que les jeunes femmes d’aujourd’hui envisageraient leur carrière de manière moins linéaire que leurs prédécesseures,  loin du «tout ou rien» de leurs aînées. Cette génération-ci, celle de jeunes pousses nées avec la conscience du chômage et des crises économiques, est celle du «planning», note la journaliste Claire Cain Miller, qui signe l’article pour le quotidien américain, au sens de plan de carrière comme de plan de vie personnelle. Les femmes actives du XXIe siècle élaboreraient une véritable stratégie de vie, un projet souple, et qui s’adapterait ensuite en fonction des périodes traversées. «Les enfants du millénaire [l’autre nom de la génération Y] recherchent d’avantage d’équilibre» entre leur vie pro et leur vie perso, fait remarquer Laura Sherbin, la directrice des recherches du Centre pour l’innovation et le talent (Center for Talent Innovation).

Loin de renoncer à leurs ambitions, les jeunes femmes ont donc, avance le New York Times, plus conscience des difficultés. Une autre étude citée par le quotidien, cette fois du Pew Research Center, va dans le même sens d’un certain «réalisme»: 58% des mères de moins de 30 ans estiment que travailler tout en ayant des enfants rend les choses plus difficiles pour l’avancement de leurs carrières, contre 38% des femmes plus âgées.

Les jeunes femmes de la génération Y seraient plus pessimistes (ou réalistes) que leurs aînées sur la capacité à concilier vie familiale et vie professionnelle.

C’est une série de chiffres qui peuvent paraître très surprenants aux lecteurs qui ont vu les progrès de l’égalité des sexes. Selon un sondage repéré par le quotidien américain New York Times et réalisé par la prestigieuse école de commerce Harvard Business School, 37% des jeunes femmes sorties de cette école et relevant de ce qu’on appelle la génération Y (elles sont âgées de 25 à 30 ans aujourd’hui selon l’étude) auraient prévu et pensé à la sortie de leurs études qu’elle devraient un jour interrompre leur carrière pour avoir des enfants, contre 28% des femmes de la génération X (âgée de 31 à 47) et seulement 17% des femmes de la génération des baby-boomers (âgée de 48 à 66 ans au moment de la réalisation du sondage). Les femmes les plus jeunes, donc, seraient plus pessimistes que leurs aînées sur la capacité à concilier vie familiale (ou vie personnelle) et vie professionnelle, ou plus réalistes, ou plus enclines à mettre de côté leur carrière.

Des chiffres qui interpellent, quand on sait que l’égalité professionnelle a, sur beaucoup de points, et notamment sur l’écart de salaire, objectivement (mais lentement) progressé. Et quand on sait que les jeunes générations sont mieux sensibilisées à l’égalité hommes-femmes et que la société dans son ensemble se conçoit sur un modèle de relation plus équilibré entre les sexes, avec notamment la reconnaissance de plus en plus affirmée que les tâches domestiques ou le soin des enfants doivent être partagés. En 2015, 67% des sondés de cette étude du Crédoc étaient par exemple en désaccord avec l’affirmation «Il est normal que les mères assurent l’essentiel des tâches domestiques, de soins et d’éducation des enfants», contre 58% en 1997.

Les générations du babyboom très (trop?) optimistes…

Pourquoi ces jeunes femmes prévoient-elles alors de faire des pauses dans leur carrière, et le prévoient-elles encore plus que leurs aînées, qui ont plus vécu de discriminations de genre? Ces jeunes femmes ont-elles l’impression d’affronter des conditions plus difficiles que leurs aînées? Ont-elles tout simplement envie de faire des «pauses» pour respirer et prendre soin de ce qui leur paraît essentiel? Ou sont-elles devenues tout simplement plus réalistes que leurs mentores, qui, quand bien même elles semblaient plus optimistes au départ, ont massivement dû arrêter leur carrière?

Car les chiffres sur le nombre réel d’interruptions réelles du parcours professionnel ayant pour cause, selon les sondées, l’arrivée d’enfants, sont éloquents. Toutes générations confondues (en incluant la génération Y, parmi laquelle seulement 10% des femmes étaient effectivement mères), les femmes ont été deux fois plus nombreuses à s’arrêter pour s’occuper de leurs enfants que ce qu’elles estimaient au départ. Chez les «babyboomeuses», le chiffre est même plus de trois fois plus élevé, près de 56% des femmes affirmant avoir interrompu leur carrière pour s’occuper de leurs enfants, alors qu’elle n’étaient que 17% à estimer au départ devoir le faire.

Souplesse de la «génération du planning»

Il n’empêche, issues d’une génération plus sensible à l’égalité et ayant mis en place plus de choses pour concilier vie professionnelle et vie familiale, on aurait pu supposer que ces jeunes femmes seraient plus optimistes quant aux possibilités octroyées par leur entourage, leur travail et même le système social dans son ensemble pour leur permettre de concilier les deux aspects, enfants et travail. Il n’en est rien.

Les jeunes femmes d’aujourd’hui sont loin du «tout ou rien» de leurs aînées

La raison en est, selon le New York Times, qui a interrogé de nombreux spécialistes et compulsé plusieurs études sur le sujet, que les jeunes femmes d’aujourd’hui envisageraient leur carrière de manière moins linéaire que leurs prédécesseures,  loin du «tout ou rien» de leurs aînées. Cette génération-ci, celle de jeunes pousses nées avec la conscience du chômage et des crises économiques, est celle du «planning», note la journaliste Claire Cain Miller, qui signe l’article pour le quotidien américain, au sens de plan de carrière comme de plan de vie personnelle. Les femmes actives du XXIe siècle élaboreraient une véritable stratégie de vie, un projet souple, et qui s’adapterait ensuite en fonction des périodes traversées. «Les enfants du millénaire [l’autre nom de la génération Y] recherchent d’avantage d’équilibre» entre leur vie pro et leur vie perso, fait remarquer Laura Sherbin, la directrice des recherches du Centre pour l’innovation et le talent (Center for Talent Innovation).

Loin de renoncer à leurs ambitions, les jeunes femmes ont donc, avance le New York Times, plus conscience des difficultés. Une autre étude citée par le quotidien, cette fois du Pew Research Center, va dans le même sens d’un certain «réalisme»: 58% des mères de moins de 30 ans estiment que travailler tout en ayant des enfants rend les choses plus difficiles pour l’avancement de leurs carrières, contre 38% des femmes plus âgées.

Illusion du beurre et de l’argent du beurre

Mais ce réalisme est-il vraiment une bonne chose, ou n’est-il que le reflet d’une régression des ambitions d’accomplissement professionnel et individuel? C’est le débat qui a animé nombre d’éditorialistes américains, après la parution de l’article du New York Times. Pour Jessica Roy, éditorialiste au New York Magazine, ce sondage est une bonne nouvelle et montre la sagesse des nouvelles venues, qui ont abandonné l’idée, illusoire selon elle et de nombreux commentateurs qui se sont exprimés sur le sujet, de vouloir «tout avoir»:

«Les jeunes générations ont abandonné la fiction de la réussite sur tous les tableaux, écrit-elle. Peut-être que maintenant elles arriveront à tirer le meilleur de leur situation ce qui est après tout ce dont chacun a besoin, quoi qu’il en soit

D’autres commentateurs ont exprimé un point de vue beaucoup plus nuancé, notamment en voyant les résultats du sondage du côté masculin. Les hommes, même s’ils sont bien plus nombreux aujourd’hui qu’hier à penser devoir interrompre un jour leur carrière pour s’occuper de leurs enfants (13% des hommes de la génération Y contre 4% pour la génération X et 3% pour les baby-boomers), sont toujours une petite minorité seulement à l’envisager, et sont donc trois fois moins nombreux que leurs compagnes à y penser.

Réalisme… ou résignation?

Un constat qui donne une autre saveur, plus amère, à l’étude de la HBS, selon Emma Gray, du HuffPost Women. En lieu et place d’un «réalisme» bienvenu, voire d’un choix assumé et voulu, les projections des jeunes femmes quant à leur avenir pourraient bien n’être qu’une forme de résignation, estime la spécialiste des questions d’égalité professionnelle:

«Cela a l’air formidable, et je suis d’accord jusqu’à un certain point. Nous ne devrions pas nous sentir obligées de nous transformer en super-mamans ou avoir l’impression d’avoir raté quelque chose lorsque nous choisissons des horaires plus flexibles plutôt qu’un poste de directrice. […] Mais tandis que nous regardons avec réalisme la société dans laquelle nous vivons, que nous évaluons les options disponibles et optons pour des choix pragmatiques afin de ne pas finir en burn-out complet (soyons honnêtes), nos partenaires masculins n’ont toujours pas à se poser ces questions.

C’est une bonne chose de voir que cela évolue, mais ce n’est toujours pas suffisant pour toutes les femmes qui veulent des enfants maintenant, ou dans les dix prochaines années. […] Car est-ce que mettre sa carrière de côté pour avoir des enfants est vraiment un choix actif, ou n’est-ce pas plutôt une façon de se résigner?»

Slate