L’entreprise publique veut éradiquer le diesel de son parc d’ici à dix ans.
Pour réaliser cette conversion à l’électrique et au biogaz, la régie devra surmonter plusieurs obstacles, d’ordre technique ou économique.
Plus un seul autobus diesel à la RATP en 2025 : le mot d’ordre, lancé l’an dernier par Pierre Mongin (alors président de l’entreprise publique) sous l’impulsion du Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF), a été réaffirmé dès son arrivée par Elisabeth Borne, qui a pris la direction du groupe il y a quelques semaines. Les 4.500 bus de la RATP en Ile-de-France, dont 97 % ont aujourd’hui une motorisation diesel, devront donc être remplacés dans les dix prochaines années par un parc comptant 80 % de bus électriques et 20 % de véhicules circulant au biogaz.
Plébiscité par les élus au nom de la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique, l’objectif n’en est pas moins « ambitieux », comme le reconnaît la RATP elle-même, voire, selon un expert, difficilement tenable. Car l’opérateur public, qui assume dans ce domaine un rôle de pionnier, à plusieurs obstacles sérieux à surmonter.
Le calendrier
Pour les non-spécialistes, l’échéance de 2025 peut sembler lointaine. En réalité, le calendrier est très serré. Car il implique, pour renouveler la totalité du parc, de lancer les premiers appels d’offres dès 2017, pour des livraisons massives à partir de 2019. Et il ne faudra pas se tromper dans le choix des constructeurs retenus. La RATP se donne donc deux ans pour expérimenter les solutions disponibles sur le marché.
Une première commande de 20 bus électriques, ayant la même capacité de voyageurs que les bus « classiques » (90 passagers environ), a été passée fin 2014 à Bluebus, une filiale du groupe Bolloré. Elle vise à faire tourner dès 2016 une première ligne 100 % électrique. La 341, qui relie Charles-de-Gaulle-Etoile à la porte de Clignancourt, dans le nord de Paris, a été choisie pour ce test grandeur nature.
L’autonomie des batteries
Pour alimenter en énergie des bus électriques, deux solutions techniques sont possibles : le « biberonnage », qui consiste à recharger la batterie en quelques secondes à chaque station (avec une connexion passant par le toit du bus, par exemple), assez pour rouler jusqu’à l’arrêt suivant ; ou bien l’équipement du véhicule avec des batteries ayant une autonomie suffisante pour tenir toute la durée du service. C’est cette seconde solution que la RATP a retenue, en misant sur la faculté des industriels à répondre présent sur la capacité des batteries.
L’appel d’offres lancé fin 2014 demandait une autonomie de 180 kilomètres. Ce chiffre sera porté à 250 kilomètres en 2025. Les 20 % de bus fonctionnant au biogaz seront, eux, destinés aux lignes demandant une autonomie quotidienne supérieure à cette distance.
Sur ce sujet crucial, la RATP ne se contentera pas de belles promesses. D’autant que les moteurs auxiliaires du bus, comme celui assurant le chauffage en hiver, sont très gourmands en énergie et peuvent sérieusement raboter les distances parcourues. Outre l’expérimentation sur la ligne 341, l’entreprise publique a donc demandé en juin dernier aux constructeurs du secteur de lui prêter des bus, afin de les tester dans des conditions d’exploitation. « Nous voulons vérifier sur nos lignes les déclarations de performance contenues dans les brochures », explique Marie-Claude Dupuis, responsable du dossier à la RATP. Trois constructeurs, dont deux chinois, ont donné leur accord, mais les grands noms du secteur en Europe, comme Daimler ou Iveco, n’ont pour l’heure pas donné suite.
La mise aux normes des ateliers
La recharge des batteries s’effectuera de nuit, dans les 25 centres bus de la régie, ce qui présentera l’avantage de ne pas « tirer » sur le réseau électrique aux heures de pointe. Mais ces centres, dont certains sont plus que centenaires, vont devoir être adaptés afin de recevoir les 10 à 15 mégawatts nécessaires pour recharger 200 bus simultanément. La question de la sécurité incendie devra également être posée, prévient Marie-Claude Dupuis.
Le coût
Aujourd’hui, un bus électrique coûte 500.000 euros à l’achat, soit deux fois plus qu’un diesel. « Il faut que les prix baissent ! plaide Marie-Claude Dupuis. Les constructeurs promettent que ce sera le cas avec l’effet de série. » En annonçant des appels d’offres portant sur plusieurs milliers de bus, la RATP entend donner de la visibilité aux industriels et déclencher cet effet de série qui débouchera sur une baisse des prix, dont pourront profiter d’autres villes désireuses de passer à l’électrique. Selon un expert, le coût restera toutefois, in fine, supérieur à celui du diesel. La RATP espère se rattraper sur les coûts de maintenance qui, eux, seraient plus faibles.