Un projet de déménagement inquiète les personnels, qui ont connu de fâcheux précédents.
Qui n’a pas connu les canards de la rue Saint-Dominique et leur douce vie dans le jardin de l’hôtel particulier qui abritait, à deux pas des Invalides, la Direction du théâtre, de la musique, de la danse, ne sait rien du bonheur d’être un fonctionnaire du ministère de la Culture… Hélas! C’est là une image d’un temps révolu ! Et qui n’est pas près de revenir.
Parue récemment sur le portail du ministère de l’Économie et des Finances, l’annonce est éloquente : «L’État (France Domaine) recherche une solution immobilière pour le relogement des services de l’administration centrale du ministère de la Culture ; selon le scénario, la recherche porte sur une surface maximale de 6000 m2 ou 27.000 m2 à la location (avec option d’achat) dans un immeuble bien desservi par les transports en commun, situé à environ trente minutes du site de la rue de Valois, Paris Ier.» Si la rumeur d’un déménagement bruissait depuis un certain temps dans les couloirs, elle vient de prendre forme.
On sait depuis longtemps que dans le cadre de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière, le ministère de la Culture – comme tous les autres ministères et organismes de l’État – cherche à réduire les coups et à rationaliser ses implantations dans la capitale. Il s’agit d’abandonner des baux locatifs, tel celui du 62, rue Beaubourg (Paris IIIe) qui abrite la Direction générale de la création artistique et vient à échéance en mars 2017, de mettre en vente des bâtiments détenus en pleine propriété, tel celui du 6, rue des Pyramides (Paris Ier), où est, entre autres, installée la Délégation à la langue française et aux langues de France. Ce sont plusieurs centaines de personnes que l’on devra ainsi recaser alors que les tutelles sont soupçonnées de vouloir réduire de 12 à 10 m2 la taille de l’espace par agent…
Quelques exemples de gabegie
Or les fonctionnaires ont de la mémoire. L’hôtel Kinski de la rue Saint-Dominique, du nom de la princesse qui en fut propriétaire au XVIIIe siècle, appartenait à l’État depuis 1945. Mis en vente en septembre 2006 et acheté par un membre de la famille régnante du Qatar pour 28 millions d’euros, il provoqua une polémique : l’hôtel était estimé près du double, soit 70 millions d’euros. À la même époque furent vendus les hôtels Vigny-Croisille, eux aussi bradés pour 28 millions d’euros alors qu’ils étaient estimés 50 millions d’euros. Ces exemples de gabegie inquiètent personnels et syndicats du ministère de la Culture, comme les inquiètent les projets de regroupements de certains services et de délocalisation en banlieue.
Que va-t-il se passer ? Évidemment, pas question d’abandonner la rue de Valois. L’immeuble des Bons-Enfants, inauguré en janvier 2005, 19.000 m2 pour 76 millions d’euros de travaux, près du Palais-Royal, peut-il accueillir plus de monde ? Non, disent les syndicats CGT, SUD, Unsa qui ont lancé une lettre-pétition à l’attention de Manuel Valls. Et les bâtiments des Archives, en partie déjà installés à Pierrefitte depuis 2013? Ces mêmes syndicats font valoir qu’il faudrait engager de dispendieux travaux pour adapter ces locaux de stockage.
Bref ce grand Monopoly risque de se terminer en banlieue parisienne. Mais où ? Nul ne le sait pour le moment. Seule certitude : l’appel d’offres est clos le 28 août.
Le Figaro 05/07/2015