Les compagnies aériennes développent des offres de lecture complémentaires à la presse papier.
RESSE Entre le sirotage d’un jus de tomate et le visionnage d’un film, tout voyage en avion comporte son autre petit rituel : la lecture du journal. Chaque grande compagnie aérienne propose gracieusement à ses passagers des exemplaires papier de la presse du jour, à attraper lors de son entrée dans l’appareil ou bien distribué en cabine. Une tradition vieille comme l’aviation commerciale qui commence toutefois à être bousculée par l’arrivée dans les avions de la presse numérique.
En 2013, Air France a été la première compagnie aérienne au monde à proposer à ses clients de télécharger journaux et magazines directement sur tablette ou smartphone. Il leur faut pour cela installer sur leur appareil une application et télécharger les titres de leur choix à partir de 30 heures avant le décollage. Le nombre d’exemplaires consultables diffère en fonction de la cabine du voyageur (Économie, Première, Business…) et de sa carte de fidélité. La diversité des titres proposés – plus d’une cinquantaine – est sans commune mesure avec l’offre papier, qui est toujours proposée en vol.
D’autres compagnies ont depuis adopté ces applications de lecture. Dernières en date, l’australienne Qantas, qui a signé un partenariat avec le distributeur canadien PressReader, et la portugaise TAP, qui, elle, a choisi le toulousain Adaptive Channel. Ces applications sont présentées comme complémentaires de l’offre papier, toujours présente en vol. Mais pour combien de temps ? À ce jour, deux grandes compagnies ont déjà fait leur bascule 100 % numérique : la scandinave SAS et la française Air Caraïbes.
Économies de carburant
« En 2015, il est anachronique de transporter dans les avions des tonnes de journaux », plaide Laurent Safar, PDG d’Adaptive Channel, société prestataire de SAS et d’Air Caraïbes. Cette dernière affirme économiser 58 tonnes de carburant par an en renonçant à placer dans ses avions 178 tonnes de papier. Outre l’argument écologique, la numérisation permet aux compagnies de s’affranchir de coûteux frais de logistique pour acheminer les journaux dans les appareils. Les passagers, notamment étrangers, sont, eux, « assurés d’avoir le journal ou magazine qu’ils souhaitent, avec sa toute dernière édition », ajoute Laurent Safar, dont la société devrait bientôt annoncer de nouveaux partenariats.
La numérisation change toutefois les relations entre éditeurs de presse et compagnies aériennes. En leur commandant des dizaines de milliers d’exemplaires par jour pour leurs avions, ces dernières représentent jusqu’à 15 % de la diffusion quotidienne des journaux. Une manne menacée par la digitalisation : avec les applications, seuls les téléchargements réellement effectués par les passagers sont comptabilisés par l’OJD. L’organisme nuance toutefois : « Un exemplaire numérique téléchargé volontairement par un passager a bien plus de valeur qu’un exemplaire papier, qui ne quittera peut-être jamais son présentoir. »
De quoi amener à renégocier les contrats entre les éditeurs et les compagnies ? La question n’est pas encore d’actualité. Les téléchargements numériques dans les avions sont en effet encore très faibles : à peine quelques centaines d’exemplaires par jour pour les principaux quotidiens français… L’impossibilité technique de télécharger ses journaux en vol est à ce jour un frein indéniable au développement de ce service. Les compagnies communiquent également insuffisamment sur ces applications et ne rappellent pas toujours à leurs clients, par e-mail ou par SMS, de faire leur choix de journaux avant leur départ. « Cela doperait pourtant nettement les téléchargements », note Jean-Paul Dietsch, directeur des nouveaux médias à l’OJD. « Mais avant cela, éditeurs et compagnies doivent mesurer l’impact économique d’une telle bascule numérique. » Une fois généralisée à l’échelle mondiale, cette dernière est pourtant prometteuse. Les voyageurs français seraient assurés de pouvoir lire leurs titres nationaux préférés partout sur le globe, quel que soit le choix de leur compagnie aérienne.
Le Figaro 10/08/2015