Comment se déplacera-t-on à l’horizon 2030 ?

Les technologies numériques, d’ici 15 ans, devraient transformer en profondeur le secteur du transport et faciliter nos déplacements.

Mardi 28 mai 2030, 22h24, gare Saint-Lazare. Vous rentrez d’une longue journée de déplacement professionnel. En sortant du TGV, vous vous installez confortablement dans un taxi partagé, réservé au préalable sur une borne dans le train qui vous a ramené à Paris. Le stress d’arriver en retard, de ne pas trouver de chauffeur et d’être pris dans un embouteillage : c’est du passé.

Les technologies numériques ont révolutionné votre mobilité. Vous vous trouvez donc, ce soir de mai 2030, dans un taxi électrique à conduite autonome, qui parcourt les rues de Paris, partagé avec d’autres usagers, où vous êtes installé comme dans votre salon, avec accès à vos données et applications favorites.

Le numérique au service du secteur des transports

Chimère ? La révolution numérique transforme tous les secteurs. Dans les années 1980, les premiers signes de ce qui est considéré comme un bouleversement de notre monde apparaissent avec la naissance d’Internet et les ordinateurs personnels. Elle se poursuit avec l’arrivée d’Internet dans les foyers dans les années 1990.

Les années 2000 marquent une étape essentielle avec l’explosion d’Internet et l’apparition des smartphones. En quelques années, la révolution numérique a provoqué un bouleversement des sociétés des pays industrialisés par l’essor des techniques numériques, impactant tous les domaines : commerce, éducation…

La mobilité n’est pas exclue de cette mutation de fond. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) transforment le paysage de la mobilité en la rendant plus transparente, plus collaborative, plus propre, optimisée et plus basée sur les usages. On parle de mobilité intelligente, expression qui recouvre toutes les innovations centrées sur les technologies ou les services et usages issus de la coopération entre les TIC et les technologies du transport, soit tout ce que le numérique et l’informatique peuvent apporter à la mobilité.

La mobilité face à ses nouveaux défis

Si les technologies du numérique bouleversent autant notre mobilité, c’est bien parce qu’elles apportent des réponses pertinentes à nos attentes : se déplacer à moindre coût, plus proprement et mieux.

Se déplacer à moindre coût. Économie du partage, hausse de la rentabilité des mobiles, par exemple par le covoiturage, et des infrastructures avec notamment l’utilisation partagée des parkings, sont des nouveaux usages permis par le numérique qui, par la mise en réseau directe et quasi immédiate des besoins et des offres entre les personnes et la facilitation des échanges, permettent de se déplacer en dépensant moins que le modèle traditionnel de la propriété exclusive et individuelle du véhicule. Par ailleurs, le smartphone et les applications permettent à l’usager de disposer d’outils simples et moins coûteux pour se déplacer, par exemple Uber et ses VTC contre les taxis traditionnels ou encore les applications « Map » gratuites d’un smartphone contre le GPS traditionnel.

Se déplacer plus proprement. Partager un véhicule plutôt qu’une utilisation individuelle réduit le trafic et a donc des effets sur les impacts environnementaux des déplacements. L’intermodalité facile optimisée, c’est-à-dire l’utilisation de plusieurs modes de transports, encourage l’utilisation des modes de déplacement doux et des transports en commun. Les systèmes embarqués dans les véhicules sont aussi des outils d’écoconduite.

Se déplacer mieux. « Les ingénieurs de la Silicon Valley sont tournés vers le grand public et innovent pour le grand public », c’est le message qu’Henri Seydoux, fondateur et PDG de Parrot, faisait passer lors des Mov’eo Days en 2014. Innover aujourd’hui et demain, c’est se placer au plus près des besoins des usagers. Cela n’exempte pas la mobilité. On se dirige ainsi vers une mobilité plus collaborative, où chacun peut à la fois être utilisateur et contributeur, comme le fait Waze, application smartphone de trafic et de navigation communautaire. Cette révolution touche tous les domaines de la mobilité : conduite, stationnement, etc. On change de paradigme, de la propriété du véhicule à son utilisation, du transport à la mobilité, le secteur se redéfinit. Des acteurs apparaissent, des géants de l’informatique (Google, etc.) aux start-up disruptrices (Blablacar, Waze, Ubeeqo etc.). Comme le note Claude Laurgeau, spécialiste de la robotique, dans « Le Futur de la mobilité » : « les constructeurs automobiles se trouvent dans une situation comparable à celle des constructeurs de diligences et de fiacres en 1913. […] Le XXe siècle a été celui de l’automobile objet, le XXIe sera celui de la mobilité service. »

Qui, alors, vous transportera jusqu’à chez vous en taxi autonome ce mardi 28 mai 2030 ? Les constructeurs traditionnels, qui présentent déjà des démonstrations ? Google, qui communique à grands effets sur sa Google Car ? Uber, qui s’intéresse aux véhicules autonomes ? La bataille de la mobilité 3.0 ne fait que commencer. Les gagnants seront ceux capables de travailler ensemble en mode collaboratif en utilisant toutes les compétences de l’écosystème.

Par Marie Eldin, responsable de projets de R&D pour la mobilité intelligente et la sécurité au sein du pôle de compétitivité Mov’eo

Les Echos 04/09/2015