Airbnb : enquête sur un business lucratif

Grâce à la plate-forme de location immobilière, des propriétaires touchent des revenus faramineux en faisant appel à des nouvelles sociétés qui gèrent leurs biens. Enquête sur un business lucratif.

Sa petite entreprise ne connaît pas la crise. Adam, 29 ans, est banquier aux heures de bureau. Et rentier sur Airbnb 24 heures sur 24. De son smartphone, il gère son petit empire immobilier, vérifie les disponibilités de ses deux studios parisiens, jette un œil aux commentaires de ses visiteurs

 

.. Et encaisse le jackpot à la fin du mois. En moyenne entre 2 500 et 5 000 € mensuels par studio, à deux pas des Champs-Elysées. Sans compter son propre appartement du IXe arrondissement, qu’il loue à l’occasion de ses déplacements personnels et qui lui rapporte environ 1 000 € par mois. « C’est beaucoup plus rentable que de louer de manière traditionnelle, assure-t-il. Pour chacun de mes studios, je pourrais obtenir 1 500 € grand maximum ! »

Comme lui, de nombreux propriétaires de petites surfaces ont basculé sur la plate-forme de location de particulier à particulier, bien plus lucrative. Selon la mairie de Paris, près de 30 000 logements jadis loués à des personnes travaillant et vivant à Paris sont devenus des meublés touristiques à plein temps. Pour les propriétaires parisiens, la tentation est grande vu la demande : 5 millions de touristes ont visité la capitale depuis 2008 en se logeant via Airbnb. La moitié d’entre eux rien que depuis début 2015 !

A Paris, dix agents postés pour contrôler les locations meublées

Du coup, le business s’organise. Avec ceux (comme Adam) qui ont investi dans des logements avec un bail commercial « pour être dans les clous » de la législation parisienne. Mais aussi ceux (comme Caroline) qui possèdent une poignée d’appartements à Montmartre mis illégalement en location sur Airbnb et qui préfèrent « jouer la discrétion ». Impossible de dire combien font comme elle. La mairie de Paris tente de limiter les dérives avec dix agents postés pour contrôler les locations meublées. Mais la tâche n’est pas aisée, d’autant que des sociétés se sont engouffrées dans le filon pour faciliter la vie des multipropriétaires qui veulent louer leurs biens.

Exemple avec Bnb Sitter, qui propose depuis plus d’un an des services de concierges à la carte dans une dizaine de villes françaises. Il compte plus de 2 000 clients et a enregistré une croissance de 100 % par trimestre cette année. Son dada : séduire ces propriétaires qui n’ont pas le temps ou l’envie de gérer les aspects logistiques des locations. Quitte à s’occuper de meublés illégaux ? « Ce n’est pas notre problème, assure Biagio Tumino, l’un des fondateurs de la société. Nous ne sommes pas censés savoir si le logement où nous réalisons une prestation de ménage est loué légalement ou non. »

La mairie de Paris reconnaît cet effet pervers. « C’est vrai que ces sociétés facilitent la mise en location de logements qui peut parfois se faire illégalement, commente Jean-François Martins, l’adjoint chargé du tourisme à la mairie de Paris. Mais cela crée un écosystème économique favorable à l’emploi. »

Chez Bnb Sitter, on assure la discrétion des clients (les propriétaires). Simon — ou l’un de ses acolytes — est là pour accueillir les hôtes. Il est d’ailleurs sur place ce matin-là, dans l’un des studios d’Adam. Avant l’arrivée d’Indre et Kent, un couple d’Américains, il est venu faire un peu de ménage. Avec le check-in (réception des locataires, état des lieux, remise des clés…), pour deux heures de travail, Simon empochera environ 50 €. Tout sourire, il accueille — en parlant l’anglais — les quadras californiens, lance quelques blagues bien rodées, joue au bon copain qu’on peut déranger sur son téléphone « de 6 heures à minuit ». Les Américains sont ravis.

Adam, lui, ne se soucie pas de ces détails logistiques. Il a payé 60 € pour le package check-in, check-out, ménage. Le prix de la tranquillité, selon lui, mais qu’il n’oublie pas pour autant de faire payer à ses hôtes dans une prestation ménage facturée en plus des 150 € la nuitée. « Les touristes américains ont l’habitude, ça ne les gêne pas. Et, pour moi, c’est un service qui ne me coûte rien. »

Le Parisien 26/09/2015