Les pressings, prochaines cibles de l’ubérisation ?

De nombreuses start-up bousculent le secteur en se lançant sur le créneau écologique ou le pressing 2.0. Le réseau traditionnel, qui a déjà fondu de moitié, est fragilisé par la fin programmée du « perchlo » en 2022.

Des pressings mais sans magasin, sans ticket ni repasseuse apparente… après les taxis, les banques, les pressings aussi sont eux aussi saisis du virus de l’économie collaborative. Cleanio, une jeune start-up parisienne, qui tourne aujourd’hui avec 5 personnes, s’est lancée en mars 2014 avec une idée simple : mettre fin aux queues interminables dans les pressings du quartier. En un clic, sur le site Internet ou via l’appli sur iPhone, il est possible de programmer le passage d’un groom qui récupère les vêtements et les rapporte lavés et repassés de vingt-quatre heures à quarante-huit heures plus tard. Et ce, sept jours sur sept et jusqu’à 23 heures. Pour cela, la jeune pousse passe des partenariats avec des pressings de la capitale. Rapidité, souplesse… l’objectif est de coller aux nouvelles habitudes des consommateurs. Plusieurs entrepreneurs s’engouffrent dans ce créneau du pressing 2.0 : soyezBCBG, La Cleanbox, Decompressing… Le leader historique du secteur, 5àSec, a bien compris qu’il lui fallait, lui aussi, aller sur ce terrain. L’entreprise sortira une appli pour smartphone début 2016. « Il y a des besoins dans le domaine du nettoyage. Mais il faut créer un nouveau type de pressings, comme l’a fait Uber dans les taxis. Ce type de structure permettra au secteur de retrouver des couleurs », vante Nicolas Boucault, le nouveau dirigeant de 5àSec. Le poids lourd a même avalé Groom Box, qui s’est spécialisé dans les conciergeries d’entreprise, un autre segment du nettoyage en plein développement. Il faut que les pressings mutent. Le secteur dégringole depuis une bonne cinquantaine d’années. Le réseau a fondu de 12.000 magasins environ dans les années 1970 à 5.000 aujourd’hui. C’est une question de survie.

Les contraintes réglementaires, prises en mars 2013 puis renforcées en septembre 2014, ont aggravé les difficultés du secteur aux marges déjà faibles. Pour éradiquer l’utilisation du perchloroéthylène, dit « perchlo », classé comme cancérogène depuis 1995 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les machines fonctionnant à ce solvant doivent progressivement disparaître avec date définitive à l’horizon 2022. Il reste encore à faire. Selon la Fédération française des pressings et blanchisseries, 50 % du parc des machines devraient avoir été remplacés d’ici à la fin 2015, dont une bonne moitié par de l’aquanettoyage (et une autre partie par des solvants alternatifs). Cette transformation ne se fait pas sans casse. Nombre de ces petits artisans, souvent indépendants, ont fermé, incapables de s’adapter. « L’interdiction du « perchlo » a accéléré la fermeture des magasins. 10 % disparaissent chaque année en raison de ce changement de technologie. Ce sont des investissements importants à réaliser même s’il existe des aides de l’Etat », témoigne Olivier Risse, président de la fédération. Selon ce dernier, les aides couvrent de 40 % à 70 % de l’achat d’une nouvelle machine d’aquanettoyage en fonction des régions. Dans le cas des solvants alternatifs, ce chiffre tombe à 15-30 %. Selon le ministère de l’Ecologie, au 30 juin 2015, le montant total des aides dédiées à la substitution des machines s’élève à 13,2 millions d’euros. Mais l’hécatombe n’est pas finie. Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, a annoncé fin mai une nouvelle campagne de contrôle des concentrations en perchloroéthylène dans les logements voisins des installations de nettoyage à sec. De quoi faire frémir les professionnels.