Sondage. Plus des trois quarts des Français redoutent les conséquences du dérèglement climatique

Le dérèglement climatique inquiète les Français. Dans un sondage fait par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) – auprès de 1 004 personnes entre le 29 septembre et le 1er octobre – et présenté par le Fonds mondial pour la nature (World Wide Fund, WWF) France mercredi 7 octobre, plus des trois quarts des Français (79 %) jugent que le réchauffement climatique est lié aux activités de l’homme et 72 % estiment que ce dérèglement constitue une menace pour eux ou leur mode de vie.

Ce niveau élevé de conscience n’est pas nouveau. Il reste même à peu près stable dans chaque édition de cette étude, conduite par l’organisation écologiste tous les ans depuis la conférence sur le climat de Copenhague en 2009. Mais le sentiment de menace progresse et s’installe de façon diffuse dans l’opinion publique. « Le constat est bien installé dans la population, il y a bien un réchauffement et un dérèglement climatiques, explique Jérôme Fourquet, directeur du département opinions de l’IFOP. Sachant que le sondage a été réalisé avant les graves intempéries qui ont frappé le sud-est de la France, samedi 3 octobre, on voit qu’il ne s’agit pas d’une réaction à chaud, mais bien d’une infusion de cette thématique dans l’opinion. »

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Sécheresses, inondations et canicules

Parmi les conséquences de ce dérèglement climatique, les personnes interrogées classent en premier le renforcement des phénomènes climatiques extrêmes de type ouragan (57 %), puis l’augmentation des sécheresses et des inondations (42 %), la réduction de la glace et des neiges et l’élévation du niveau de la mer (39 %), l’augmentation des périodes de forte chaleur, la canicule (28 %) et enfin le renforcement des inégalités et le développement des migrations internationales (27 %).

On constate particulièrement une forte augmentation de la conscience des sécheresses et des inondations (+ 15 % depuis 2009), et des périodes de forte chaleur (+ 8 %). Les habitants des communes rurales citent plus facilement les phénomènes climatiques extrêmes (63 %) ou l’augmentation des sécheresses et des inondations (38 %), alors que les résidents de l’agglomération parisienne se sentent plus menacés par les périodes de forte chaleur (34 %). « On constate que la perception des menaces progresse globalement et qu’elles se précisent, les phénomènes climatiques ou les sécheresses en dehors des villes, alors que les urbains craignent les canicules, difficiles à supporter en ville », avance Jérôme Fourquet.

Le développement des migrations internationales, lui, arrive en dernière position des conséquences du dérèglement climatique dans l’opinion publique. « C’est assez normal car les réfugiés syriens, par exemple, qui tentent de rejoindre l’Europe, ne sont pas vécus comme des conséquences d’une crise climatique, analyse M. Fourquet. Ce ne sont pas des Africains qui fuient l’avancée du désert ou la sécheresse. »

Sentiment de « menace sérieuse »

La principale évolution perceptible dans ce sondage par rapport aux éditions précédentes tient dans la progression du sentiment de « menace sérieuse » que représente le changement climatique pour les personnes interrogées. Elles étaient 63 % à l’exprimer en mars 2011 ; elles sont 72 % en septembre 2015. Ce sentiment est plus fort chez les jeunes, 78 % chez les 18-24 ans, 75 % chez les 25-34 ans ; alors qu’il concerne 64 % des plus de 65 ans. « On assiste à une montée de cette angoisse qui s’ajoute aux autres craintes, économiques, sécuritaires, analyse Jacques-Olivier Barthes, directeur de la communication du WWF France. Face à ces peurs, les Français sont traditionnellement en demande de protection de la part de l’Etat. »

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De fait, le reproche fait aux gouvernements de ne pas agir suffisamment est assez partagé : à la question « Pensez-vous que les gouvernements répondent sérieusement à l’urgence climatique ? », ils sont 82 % à répondre non. Et ils sont plus de la moitié (54 %) à estimer que la lutte la plus efficace se mène au niveau des Etats. Vingt et un pour cent la voient au niveau des entreprises, et seulement 11 % au niveau des foyers et des ménages. Si les pays et les gouvernements semblent le niveau le plus pertinent pour agir contre le dérèglement climatique, 30 % des sondés affirment néanmoins être « prêts à changer en profondeur [leur] mode de vie ». Près de 60 % veulent bien le faire un peu, soit des proportions comparables à l’étude de 2009.

« D’autres priorités »

« Ce n’est pas parce que la conscience de cette menace climatique existe qu’elle sera au-dessus de la pile ; il y a d’autres priorités, comme la crise économique, la question de l’insécurité et l’éventuelle menace terroriste », rappelle Jérôme Fourquet. Dans un sondage IFOP publié par le site Atlantico en juin (1 008 personnes interrogées entre le 22 et le 27 mai), la « protection de l’environnement » n’arrivait qu’en dixième position, sur douze priorités proposées. Venaient d’abord la lutte contre le chômage, la santé, l’éducation, la lutte contre la délinquance, les salaires et le pouvoir d’achat ou encore la lutte contre l’immigration clandestine.

Pour Jacques-Olivier Barthes, ce n’est pas nécessairement contradictoire avec la conscience de l’urgence climatique. « Cette question climatique n’est plus seulement perçue comme un problème d’environnement, avance-t-il. Le changement devient une menace de plus en plus globale pour la sécurité des gens, c’est un problème météorologique, économique, social, humain. Un peu comme la pollution, qui est autant vécue comme un problème de santé publique que d’environnement. »

Le Monde 07/10/2015