Les jeunes restent plus longtemps chez papa-maman

Parents, réjouissez-vous… ou pas : vos enfants ont toutes les chances (risques ?) de ne pas quitter le cocon familial avant leurs 23 ans. Et s’ils sont nés dans la région, un sur deux y restera même jusqu’à 25 ans. C’est ce que révèle une étude que vient de publier l’IAU, Institut d’aménagement et d’urbanisme(1).

Une évolution contraire à celle de la province, où les jeunes qui résident dans leur région d’origine y décohabitent peu après 22 ans, soit un an plus tôt qu’en 1999.

Un départ de plus en plus tardif

En Essonne, par exemple, l’âge médian pour quitter le nid familial est de 24 ans et demi, soit deux mois de plus qu’en 2006. C’est l’évolution la plus faible. Le record est détenu par la Seine-Saint-Denis : 52 % des jeunes de 25 ans habitent chez leurs parents, l’âge médian du départ dépassant 25 ans et 8 mois.

L’exception parisienne

C’est dans la capitale que l’âge de décohabitation est le plus bas (23 ans et 3 mois). Mais c’est à relativiser : compte tenu de la concentration d’universités et de grandes écoles, nombre de banlieusards y louent leur premier appartement et peuvent fausser les chiffres. Cela ne signifie donc pas que les jeunes Parisiens quittent leurs parents beaucoup plus tôt que les autres.

« Quand j’avais ton âge, j’étais déjà… »

A l’échelle de la région, l’âge médian du départ est de 24 ans et 7 mois. C’est au moins deux ans plus tard que leurs parents et grands-parents, puisqu’il était de 21 ans pour les femmes nées après-guerre et de 22 ans et demi pour les hommes de la même génération. Pour la génération post-1968, le chiffre avait déjà grimpé à 22 ans et 7 mois pour les femmes, et 24 ans et demi pour les hommes (2).

Tanguy malgré eux

Si le personnage de fiction du film d’Etienne Chatiliez a tout à fait les moyens de s’émanciper et fait le choix, à 28 ans, de rester chez ses parents, ce n’est pas le cas des Franciliens des années 2010. Chez les 20-29 ans, ce sont logiquement les étudiants (62 % d’entre eux) et les chômeurs (76 %) qui habitent le plus souvent chez leurs parents.

Des familles compréhensives

A l’inverse du long-métrage décrivant des parents prêts à tout pour mettre leur progéniture dehors, la solidarité familiale joue à plein. Bon gré, mal gré, le nombre de familles vivant avec un jeune de 25 à 30 ans a augmenté de 20 % en Seine-Saint-Denis et dans le Val-d’Oise entre 1999 et 2011. Alors que la tendance du nombre de ces familles était plutôt à la baisse entre 1999 et 2006, la hausse est générale entre 2006 et 2011, même si elle est moins forte dans les zones les plus favorisées, comme les Yvelines et les Hauts-de-Seine.

Le double effet crise et hausse des loyers

En décryptant les chiffres de 1999, 2006 et 2011, Juliette Dupoizat, de l’IAU, a surtout voulu analyser les tendances « avant et depuis la crise de 2008 ». « On voit ainsi une évolution marquée dès 1999 à Paris et dans les Hauts-de-Seine, déjà fortement touchés par la hausse des prix de l’immobilier, en particulier pour les petits logements », explique-t-elle. En revanche, en Seine-Saint-Denis, c’est surtout « l’effet crise qui joue », continue Juliette Dupoizat. Comme dans le Val-de-Marne, dans le Val-d’Oise et en Seine-et-Marne.

Les précaires plus touchés

Les deux tiers de la même tranche d’âge en CDI se sont installés, comme la moitié des CDD et seulement un tiers des intérimaires, emploi jeunes et autres apprentis. Or, entre 2006 et 2011, la part des moins de 25 ans en CDI a baissé de quatre points. Les jeunes décohabitent plus tardivement, quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle. « Mais le report est plus marqué pour les ouvriers et les employés (+ 7 mois) que pour les cadres et les professions intermédiaires (+ 4 mois), relève l’IAU.

Au final, les ouvriers cohabitent désormais deux ans plus tard que les cadres et professions intellectuelles : à 25 ans et demi, contre 23 ans et 7 mois. »

(1) Enquête menée par l’IAU-IDF à partir des résultats des recensements de 1999, 2006 et 2011. L’analyse se limite aux Franciliens nés en Ile-de-France, puisque leurs parents sont susceptibles de résider également dans la région et donc de leur offrir une possibilité d’hébergement. C’est le contraire pour ceux qui viennent d’une autre région et occupent forcément un logement indépendant s’ils sont venus seuls.(2) Enquête « Famille » de 1999, menée par l’Institut national d’études démographiques.

Le Parisien 13/10/2015