Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France à Berlin.
Synthèse de la presse quotidienne allemande
19 octobre 2015
Le déplacement de la chancelière Angela Merkel en Turquie fait les gros titres de la presse allemande ce matin. La Süddeutsche Zeitung note que « Mme Merkel promet de l’argent et des visas aux Turcs », tout comme la Frankfurter Allgemeine Zeitung qui titre « Mme Merkel ouvre aux Turcs la perspective de davantage d’argent et d’une facilitation de l’octroi des visas ». Die Welt parle du « Deal-UE de Mme Merkel avec la Turquie ». Le Tagesspiegel estime pour sa part que « Mme Merkel est à la recherche d’alliés », tant auprès de gouvernements étrangers que sur le plan intérieur. Le quotidien économique Handelsblatt met à sa Une « le choc des cultures à la Deutsche Bank » depuis l’arrivée de son nouveau patron John Cryan.
Crise des réfugiés/Merkel : « je n’ai pas l’intention de proposer de fausses solutions »
Dans un long entretien à la Frankfurter Allgemeine Zeitung paru samedi, la chancelière justifie à nouveau sa politique migratoire : « j’ai dit qu’il n’était pas en notre pouvoir de déterminer combien de gens arriveront chez nous, mais qu’il nous appartient de décider qui peut ou non rester. C’est le sens du paquet législatif qui entrera en vigueur le 1er novembre. Je suis persuadée qu’il n’est pas possible de verrouiller un pays tel que l’Allemagne et qu’aucune clôture ne peut arrêter des gens désespérés ». Interrogée sur la possibilité de mettre en place des zones de transit aux frontières de l’Allemagne, la chancelière fait preuve d’ouverture : « une directive européenne que nous devons appliquer concède aux Etats membres la possibilité de mettre en œuvre des procédures dans des zones de transit. Celles-ci sont en fait prévues pour les frontières extérieures de l’UE, mais la commission les autorise pour un temps déterminé à des frontières intérieures. La condition est que des contrôles aux frontières soient effectués ce qui est actuellement le cas à la frontière germano-autrichienne. La directive expose de manière détaillée la possibilité par exemple de statuer sur le cas de réfugiés en provenance de pays dits d’origine sûrs ».
Aujourd’hui comme au cours du week-end, les journaux décrivent une chancelière de plus en plus sous pression. « Merkel lutte pour conserver son pouvoir », titrait hier l’hebdomadaire Bild am Sonntag qui en veut pour preuves les appels des jeunes de la CDU à fixer un plafond en matière d’accueil de réfugiés et la préparation par les experts de politique intérieure de la CDU/CSU d’une motion (qui sera présentée lors de la prochaine rencontre du groupe parlementaire dans deux semaines) visant à stopper aux frontières certains réfugiés. Faisant état du dernier sondage Emnid, l’hebdomadaire indiquait que la CDU/CSU perd à nouveau un point dans les sondages (37%). Le tabloïd Bild indique aujourd’hui que les représentants de l’aile économique de la CDU/CSU travaillent de leur côté à un paquet de mesures pour endiguer l’afflux de migrants, parmi lesquelles la fermeture des frontières et l’édification de clôtures. Dans un entretien à Die Welt am Sonntag, le président du syndicat de la police allemande réclamait la mise en place d’une clôture à la frontière avec l’Autriche, idée à laquelle le ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière (CDU) et le chef de la chancellerie et coordinateur de la politique migratoire Peter Altmaier (CDU) ont opposé une fin de non-recevoir.
Enfin, dans son édition de samedi, Die Welt faisait état d’estimations de l’économiste Clemens Fuest tablant sur un coût annuel de l’ordre de 20 à 30 milliards d’euros si un afflux de réfugiés de 800 000 personnes/an devait se maintenir.
« Reker remporte après l’attentat la mairie de Cologne » (FAZ)
La presse rapporte que la candidate indépendante à la mairie de Cologne, gravement blessée samedi au couteau par un homme opposé à l’arrivée de réfugiés, a été élue hier maire de la ville. Soutenue par la CDU, les Verts et le FDP, Henriette Reker a obtenu 52,6% des suffrages lors d’un scrutin marqué par 40% d’abstention.
Cette attaque survenue au moment où le mouvement anti-islam Pegida s’apprête à fêter aujourd’hui son premier anniversaire (des milliers de sympathisants et de contre-manifestants sont attendus à Dresde pour la traditionnelle manifestation du lundi) amène les journaux à faire le constat d’un climat de plus en plus délétère dans une partie de la population qui oscille entre inquiétude et violence latente. La FAZ indique que le ministre fédéral de l’intérieur a qualifié l’attentat contre H. Reker de « preuve d’une radicalisation grandissante » du débat sur les réfugiés et que plusieurs responsables politiques ont adressé leurs reproches au mouvement Pegida qu’ils accusent, selon les propos du ministre fédéral de la justice Heiko Maas (SPD), « d’abaisser la barrière de l’inhibition qui empêche les mots de se transformer en actes ». A l’instar du quotidien tageszeitung qui écrit « un seul a porté les coups mais ils étaient nombreux à tenir le couteau », les quotidiens appellent dans leurs commentaires à davantage de sévérité de la part des pouvoirs publics envers tous ceux qui cherchent à attiser les haines, enjoignant dans le même temps les responsables politiques à prendre davantage au sérieux les craintes qui s’expriment afin d’éviter une polarisation grandissante au sein de la société (Berliner Zeitung).
Europe
« Ouverture du prochain round de négociations sur le TTIP » (FAZ)
Plusieurs quotidiens consacrent des avant-papiers à la reprise des négociations sur l’accord transatlantique de libre-échange. La Frankfurter Allgemeine Zeitung rapporte la teneur d’un document interne du ministère allemand de l’Economie sur l’état des négociations, indiquant que le chapitre sur le commerce de marchandises et les droits de douane ne devrait pas poser de problème (« Les Etats-Unis et l’UE s’accordent sur le principe de vouloir pratiquement supprimer les droits de douane »), mais que ceux relevant de la coopération réglementaire et des règles vont poser de très grosses difficultés. Le Handelsblatt déplore que les négociations traînent en longueur malgré la volonté initiale du président Obama de conclure rapidement cet accord : « les Etats-Unis n’ont même pas précisé leur position pour dix des 24 chapitres », rapporte le quotidien économique de source interne à la Commission européenne. La FAZ se félicite, dans un autre article, des efforts des communicants du gouvernement allemand pour répondre point par point, sur les réseaux sociaux, aux critiques et interrogations du grand public, notamment sur la page Facebook du gouvernement où quelque 4000 commentaires ont été enregistrés suite à la grande manifestation centrale d’opposants au TTIP à Berlin samedi 10 octobre.International
« Merkel promet de l’argent et des visas à la Turquie » (Süddeutsche Zeitung)
La visite de la chancelière en Turquie dimanche, au cours de laquelle elle s’est entretenue avec le président turc Recep Tayyip Erdoğan et le premier ministre Ahmet Davutoğlu, bénéficie d’un très large écho dans la presse allemande qui relève qu’Angela Merkel a indiqué que davantage d’aides financières seraient accordées à la Turquie et que l’accès aux visas serait facilité si Ankara coopérait de manière plus étroite avec l’Europe dans le contexte de la crise des réfugiés. Tous les journaux notent que la chancelière a non seulement insisté sur le rôle joué par la Turquie dans l’accueil des réfugiés et sur les faibles aides financières qu’elle a reçues jusqu’à présent, mais également sur la perspective d’adhésion du pays à l’Union européenne, Angela Merkel ayant indiqué que « le chapitre 17 [des négociations] pourrait être ouvert cette année ». La chancelière a également fait part de son souhait de discuter de l’éventuelle désignation de la Turquie comme pays d’origine sûr. Les médias relèvent que le Premier ministre turc a salué « la démarche courageuse » de la chancelière dans la gestion de la crise des réfugiés et a réclamé la reprise des négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’UE ainsi que la participation d’Ankara aux sommets européens. Recep Tayyip Erdoğan a également déclaré que la fin de la partition de Chypre est une condition pour une coopération plus étroite sur la question migratoire.
Dans leurs commentaires, les journaux saluent les efforts d’Angela Merkel lors d’un déplacement qui, selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung, pourrait être « la visite la plus importante de son mandat ». Les quotidiens se demandent qui profitera le plus de cette visite, Erdoğan qui a un intérêt électoral à la mise en scène d’un rapprochement avec l’UE ou la chancelière, « à la recherche d’alliés » (Tagesspiegel) face à la crise des réfugiés, à l’instar du tabloïd Bild qui rapporte les déclarations de plusieurs responsables sur le sujet. Sous le titre « la mission de Merkel », la FAZ estime que ce déplacement aura en tout état de cause permis de bien comprendre « les attentes d’Ankara », notamment sur la reprise des négociations d’adhésion à l’UE alors que cette question « ne fait bien entendu pas partie des priorités actuelles de Merkel ». Face aux inquiétudes d’une instrumentalisation de cette visite par le pouvoir turc, exprimée notamment dans les médias par des députés verts, Die Welt défend le dialogue avec Erdoğan, qui ne montrerait pas que l’Europe « accepte son régime à tendances autocratiques » quinze jours avant les législatives, mais qu’elle reconnaît « le rôle stratégique de la Turquie ». Le Tagesspiegel souligne toutefois l’aspect « amer » de la mission de Merkel qui « réclame des Turcs ce que les Européens ne parviennent pas eux-mêmes à faire : protéger leurs frontières et les rendre impénétrables aux migrants ».
Visite du ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, en Iran
Les médias allemands consacrent une couverture importante et positive à la tournée de Frank-Walter Steinmeier en Iran, en Arabie-Saoudite et en Jordanie. Illustrant, à l’instar de la Süddeutsche Zeitung, à quel point il s’agit d’« une mission difficile », la presse soutient toutefois les efforts du ministre pour « construire des ponts » au Moyen-Orient, selon les termes de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le quotidien de Francfort qui estime que la diplomatie allemande jouit d’une plus grande crédibilité que celle de ses partenaires occidentaux dans la région, se félicite de voir l’Allemagne se positionner dans ce rôle. La Berliner Zeitung ou encore Die Welt justifient le déplacement dans des analyses qui se veulent inspirées par le réalisme : qu’il s’agisse du ministre des affaires étrangères dans sa tournée ou de la chancelière à Istanbul, le fait est qu’il faut « malheureusement parler aux despotes » (Berliner Zeitung) pour résoudre les crises de la région et pouvoir tarir à terme l’afflux de réfugiés. La Berliner Zeitung regrette toutefois l’absence de représentant de la société civile dans la délégation du ministre pour évoquer la question du respect des droits de l’homme. De façon plus spécifique, les journaux relèvent que F.-W. Steinmeier a appelé l’Iran à se mobiliser pour mettre fin à la crise syrienne : « mon souhait est que l’Iran utilise son influence au sein du gouvernement syrien, sur Assad et sur son entourage pour que nous puissions faire des premiers pas vers une désescalade en Syrie » et qu’il a appelé l’Arabie Saoudite et les pays de la région à s’engager d’avantage pour la gestion de la crise des réfugiés./.