Deux semaines après la présentation d’un budget de la culture en hausse de 2,7 % en 2016 par Fleur Pellerin, Manuel Valls a annoncé le 15 octobre, en ouverture de la conférence pour l’emploi dans le spectacle, la création prochaine d’un fonds pour l’emploi dans la culture. S’exprimant à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, le Premier ministre n’a pas chiffré le montant de l’enveloppe destinée à soutenir l’activité et la création en « encourage[ant] l’emploi permanent » grâce à « des aides directes et des dispositifs qui allongent la durée moyenne du travail ». Néanmoins, Matignon avait déjà estimé à 90 millions le coût de cette mesure en année pleine.
La convention d’assurance chômage négociée en 2014 avait introduit un différé d’indemnisation chômage pour les intermittents du spectacle. En réponse au mouvement social des intermittents et précaires du printemps 2014, l’Etat avait finalement décidé de compenser ce préjudice. Or, avec la suppression début octobre du différé d’indemnisation par le Conseil d’Etat, « les sommes aujourd’hui consacrées à [sa] prise en charge (…) seront désormais dédiées [au] fonds [d’emploi pour la culture] », à précisé le Premier ministre.
“Pérenniser des emplois”
En effet, les syndicats et le patronat s’apprêtent d’ici fin mars 2016 à négocier une nouvelle convention d’assurance-chômage, l’actuelle devant expirer en juin prochain. Dans cette perspective, le gouvernement a par ailleurs demandé aux partenaires sociaux de plancher d’ici mars sur un double sujet : la liste des métiers éligibles aux statut de l’intermittence et l’encadrement des abus dans le secteur.
La présidente du Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles subventionnées), Madeleine Louarn, se félicite avant tout de la création du fonds d’aide à l’emploi qu’elle aimerait à terme voir « adossé au régime des intermittents » : « cela fait longtemps que l’on demandait d’aider l’emploi plutôt que le chômage ». Mais pour la responsable syndicale, toute la difficulté sera de « pérenniser des emplois dans des structures de plus en plus fragiles, qu’il s’agisse de petites compagnies ou de grandes institutions ».
Modalités d’attribution
Pour y parvenir, la ministre de la Culture a retenu plusieurs pistes : mutualiser des moyens entre les entreprises culturelles ou encore soutenir les groupements d’employeurs pour faire en sorte que les petites structures associatives du secteur disposent du budget nécessaire pour recruter un administrateur ou un chargé de communication. « C’est la consécration de propositions que l’on avait faites. Si cela est mis en œuvre comme on l’a préconisé, ce sera un vrai changement. » Au Syndeac, des inquiétudes demeurent néanmoins sur les modalités d’attribution de ces aides et la manière dont l’enveloppe allouée sera pérennisée ou non.
Fleur Pellerin a par ailleurs rappelé les objectifs des mesures annoncées : circonscrire l’intermittence aux situations d’emploi discontinu, encadrer le recours aux CDD d’usage (permettant notamment d’embaucher de manière répétée des salariés en CDD) ou encore renforcer l’égalité homme / femme. « Ces mesures vont évidemment dans le bon sens, réagit Madeleine Louarn, mais le contexte reste épouvantable avec l’effondrement du soutien des collectivité territoriales que l’on prend de plein fouet. On ne peut donc pas tout laisser reposer sur l’Etat. » Pour le Syndeac, la structure existe mais l’échafaudage pourrait vite s’écrouler, « surtout avec la paralysie qui risque de gagner les régions » dans les mois suivant les élections régionales de décembre prochain.
Télérama 27/10/2015