Aujourd’hui en Allemagne

Synthèse de la presse quotidienne

 

26 novembre 2015

 

  1. Les Unes de la presse allemande se partagent entre la rencontre du président de la République et de la chancelière hier soir à Paris (« Mme Merkel : ‘nous sommes solidaires aux côtés de la France’ », Frankfurter Allgemeine Zeitung) et les déclarations d’Angela Merkel sur la crise migratoire au Bundestag le matin (« Mme Merkel met en question les déplacements sans passeport », Süddeutsche Zeitung; « la chancelière met en question l’Europe sans frontières », Die Welt). Le Handelsblatt consacre sa Une à R.T. Erdoğan sous le titre « l’incident majeur Erdoğan ». Le Tagesspiegel indique que « Volkswagen a trouvé une solution peu onéreuse pour [rectifier ses moteurs] diesel ».
  2. Allemagne

Politique migratoire/intervention de la chancelière devant le Bundestag : « Merkel met en question les déplacements sans passeport »  (Süddeutsche Zeitung)

« Pour la chancelière, la règlementation Schengen ne peut être conservée sur le long terme qu’à la condition que les partenaires européens s’engagent à répartir les réfugiés de façon solidaire », retient la Süddeutsche Zeitung de l’allocution de la chancelière hier devant le Bundestag.  « Pour la première fois, Angela Merkel a posé la question de la liberté de circulation en Europe », relève le quotidien de Munich, « en liant le maintien du dispositif Schengen à la disposition des 28 à s’engager sur une clef de répartition durable des réfugiés dans l’UE ». Pour le journal, « la sévère mise en garde de la chancelière » est avant tout adressée aux nouveaux Etats membres de l’UE (Pologne, Hongrie, Slovaquie), fermement opposés à des quotas de répartition des réfugiés. La Süddeutsche Zeitung ajoute que la chancelière a reçu le soutien du SPD, le président du groupe parlementaire, Thomas Oppermann, ayant fait valoir pour sa part que « la liberté de circulation ne pourra continuer à exister que si nous parvenons à assurer la sécurité des frontières extérieures de l’UE ».

Dans un commentaire, le journal estime que la chancelière a prononcé une phrase « qui mérite l’attention ». « Sciemment ou non, Mme Merkel a fait valoir que la solution de la crise migratoire ne dépendait plus que de son seul pouvoir : sans solidarité européenne, impossible de parvenir à une solution satisfaisante ». Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui ne croit pas à la bonne volonté des partenaires européens, a fortiori après les attaques survenues à Paris, « il y a fort à parier que la solution européenne que Berlin appelle de ses vœux sera avant tout une solution allemande ».

  1. Allemagne/France

Déplacement de la chancelière à Paris : « Mme Merkel : nous sommes solidaires aux côtés de la France » (Frankfurter Allgemeine Zeitung)

Sous ce titre à sa une, la FAZ reprend les propos de la chancelière hier à l’Elysée : « il faut combattre Daech par des moyens militaires » et le devoir de l’Allemagne est de réfléchir rapidement à la manière d’apporter son soutien à la France ». Ajoutant que le ministre allemand des affaires étrangères avait évoqué, le matin devant le Bundestag, la possibilité d’une aide accrue de l’Allemagne dans le combat contre Daech, le journal fait valoir que Berlin « n’exclut pas un soutien militaire » et reprend les informations publiées hier par le tabloïd Bild portant sur la mise à disposition par l’Allemagne de Tornados de la Bundeswehr, avant d’ajouter qu’une contribution au ravitaillement en vol et une frégate sont également en discussion. Die Welt indique de son côté que lors d’une manifestation à Brunswick, le vice-chancelier Sigmar Gabriel (SPD) s’est prononcé en faveur d’un soutien militaire à la France, sans pour autant laisser entrevoir une contribution militaire significative. « Nous sommes vraiment grandement redevables aux Français et je crois que ce qu’ils attendent de nous ne va pas contraindre l’Allemagne à une intervention militaire de grande ampleur », aurait-il déclaré.

Le Handelsblatt note que si la chancelière s’est montrée amicale, hier à Paris, elle n’a pas répondu concrètement à la demande du président de la République. Le quotidien relève toutefois que Berlin avait pris le matin même la décision d’augmenter son contingent de formateurs dans le nord de l’Irak (150 au lieu de 100) et, selon les déclarations de la ministre de la défense, Ursula von der Leyen (CDU), de porter à 650 (au lieu de 200 actuellement) le nombre de soldats allemands présents au Mali. « Davantage de soldats de la Bundeswehr au Mali », met également en exergue la Süddeutsche Zeitung qui insiste sur la volonté de l’Allemagne de « décharger la France sur d’autres fronts ». Dans un commentaire de son chef du service étranger Stefan Kornelius, le quotidien qualifie cette décision de Berlin de « noble geste de solidarité » tout en constatant que sa tournée diplomatique a donné à voir au président français les « limites » de ses partenaires, à commencer par celles de l’Allemagne. « Il ne faut pas se faire d’illusions », juge la FAZ, « l’augmentation conséquente du contingent militaire allemand au Mali est avant tout un acte de solidarité avec la France et on ne peut qu’espérer qu’il ne s’agisse pas d’une forme d’esquive destinée à tenir l’Allemagne éloignée de théâtres de guerre bien plus risqués ». Appelant l’Allemagne à faire preuve de « davantage d’empathie » avec la France, le Handelsblatt considère que « le premier devoir de l’Allemagne est d’ôter aux Français un sentiment d’isolement » face à la menace, mais que, dans le même temps, la possibilité d’apporter son soutien à un « ami blessé » ne saurait déboucher sur une « guerre sans limites ». « Il est donc bien que la chancelière et son ministre des affaires étrangères attirent l’attention sur les limites de la stratégie militaire. L’offre qui consiste à délester l’armée française au Mali est la bonne ».

  1. Europe

Sommet UE-Turquie du 29 novembre

Le Handelsblatt consacre sa Une et des avant-papiers à la question de savoir si le président turc peut être un partenaire fiable de l’Union européenne dans la crise migratoire qui sera le thème du sommet UE-Turquie de dimanche à Bruxelles. Ankara monnaie fort cher sa coopération, souligne le quotidien en notant que la commission européenne a promis un financement à hauteur de trois milliards d’euros, « soit trois fois plus que prévu », pour aider le pays à endiguer les vagues de réfugiés vers l’Europe. Une somme difficile à réunir dans les faits, note le Handelsblatt, puisque le budget européen doit être mis à contribution pour 500 millions d’euros et que le reste dépend d’Etats membres qui renâclent pour des raisons budgétaires.

  1. International

« Russie : nous ne voulons pas de guerre avec la Turquie » (Süddeutsche Zeitung)

La destruction d’un avion russe par l’armée de l’air turque continue de susciter de nombreux commentaires dans la presse allemande qui se montre ce matin moins inquiète qu’hier sur un éventuel risque d’escalade entre Ankara et Moscou. A l’instar de la Süddeutsche Zeitung, les quotidiens mettent en avant les déclarations du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a affirmé que Moscou ne veut pas entrer en guerre avec la Turquie, même s’il a toutefois accusé Ankara d’avoir planifié « cette provocation ». Le tabloïd Bild s’interroge sur les causes de la destruction de l’avion russe et estime que cela pourrait être dû à 74% à l’attitude « risquée » de Vladimir Poutine qui chercherait à tester la réaction de l’OTAN et à 25% à la volonté d’Erdoğan d’envoyer un signe à Moscou. Le tabloïd juge également que la probabilité que cet incident ait été simplement « une erreur tragique » est seulement de 1%. Bild publie également une tribune du journaliste turc Ertugrul Özkok qui déplore la survenue de l’accident et qui se montre très critique à l’égard de la politique du gouvernement turc, estimant que si Erdoğan a réussi à renforcer ses positions en Turquie, il n’en va pas de même en ce qui concerne sa politique extérieure. La Frankfurter Allgemeine Zeitung considère qu’il est « juste » et « compréhensible » que l’OTAN soutienne la Turquie, mais s’inquiète du « possible intérêt turc à vouloir empêcher tout rapprochement entre la Russie et l’Occident ». Le quotidien de Francfort appelle la communauté internationale, et surtout l’Allemagne, à s’engager davantage dans la lutte contre Daech. Le Handelsblatt regrette pour sa part qu’ « une grande coalition contre Daech » soit « de plus en plus difficile » à mettre en œuvre et demande notamment à la Russie et à la Turquie d’agir de manière responsable.

Attentat en Tunisie

L’attentat à Tunis bénéficie toujours d’un écho important dans les journaux allemands qui continuent de s’alarmer de la multiplication des attaques terroristes. Sous le titre « la Tunisie menacée de l’intérieur et de l’extérieur », la Süddeutsche Zeitung regrette que la Tunisie, qui « a réussi sa transition démocratique » mais qui fait actuellement face « à des temps difficiles », soit la cible d’un attentat et s’interroge sur la capacité des autorités du pays à réinstaurer un climat de stabilité. Le quotidien de Munich appelle l’Europe à faire tout ce qui « est imaginable » pour aider les Tunisiens. Pour la taz, « l’objectif des terroristes en Tunisie est clair : la déstabilisation de l’élan démocratique, la peur et l’insécurité ». Le quotidien alternatif de gauche appelle l’Allemagne qui « est un partenaire important de la Tunisie » à venir rapidement en aide à Tunis.

« Le travail de stabilisation de Steinmeier » (Die Welt)

A la suite du débat sur le budget fédéral hier au Bundestag, Die Welt indique que le budget du ministère allemand des Affaires étrangères s’élèvera en 2016 à 4,8 milliards d’euros contre 3,8 milliards en 2015. Le quotidien indique que cette somme sera principalement utilisée pour « intensifier le travail de stabilisation, la prévention de crises et l’aide d’urgence », notamment en Afrique.

  1. France

Entretien du Premier ministre avec des journalistes de la presse internationale

Die Welt rend compte à son tour de l’échange, mardi, entre Manuel Valls et les représentants de plusieurs médias étrangers en citant de larges extraits de ses propos. Le Premier ministre « est persuadé que le destin de l’Europe va se décider au cours des prochaines semaines et des prochains mois », écrit le quotidien de Berlin, mettant en avant ses déclarations selon lesquelles « l’Europe doit dire à présent qu’elle ne peut pas continuer à accueillir autant de réfugiés. Ce n’est pas possible. Le contrôle des frontières extérieures de l’Europe est décisif pour l’avenir de l’Europe, si nous ne le faisons pas, alors ce sont les peuples qui diront : stop, cela suffit ! Et là, cela en sera fini de l’Europe ». Le journal place ces déclarations dans le contexte des élections régionales et juge que malgré la montée du Front national, Manuel Valls s’abstient, dans un esprit d’unité nationale, d’attaquer directement ce parti. Pour Die Welt, le durcissement de la position du gouvernement français en matière de réfugiés vient d’abord du fait que deux des terroristes de Paris seraient, selon l’enquête en cours, entrés en Europe via la Grèce et la route des Balkans avec des passeports syriens falsifiés.

Dans ce contexte, le Premier ministre « n’a pu retenir une pique à l’adresse d’Angela Merkel », écrit le quotidien : « Valls a dit que ce n’était pas lui qui avait déclaré avec force ‘Bienvenue !’, et que même si l’Allemagne avait fait un choix honorable, l’Europe devait trouver à présent d’autres solutions » ; les réfugiés devaient être accueillis dans les pays voisins de la Syrie sinon l’Europe mettait en péril sa capacité à contrôler ses propres frontières, poursuit Die Welt en ajoutant que Manuel Valls a également mis en garde contre le risque d’une catastrophe humanitaire dans les Balkans avec la venue de l’hiver.

Le Premier ministre a poursuivi en expliquant à ses interlocuteurs la position française dans la lutte contre Daech : « il s’agit d’une guerre – ceux qui refusent le terme de guerre nient la réalité – une guerre que nous gagnerons, même si cela peut prendre des mois ou des années ». Pour Die Welt – dont l’article a été rédigé avant la rencontre entre le président de la République et la Chancelière –, ces mots « montrent à quel point les intérêts français et allemands divergent en ce moment. La chancelière a peut-être mis en péril sa réélection avec sa politique des réfugiés, mais elle ne veut certainement pas être pour la postérité le premier dirigeant allemand à avoir envoyé des troupes dans une guerre contre le terrorisme. La France au contraire veut forger une alliance et a besoin de son principal partenaire européen, l’Allemagne », commente au passage le journal. Ce compte rendu rapporte en conclusion le récit « très personnel » fait par le Premier ministre de la manière dont il a appris et vécu les attaques terroristes du 13 novembre./.