Les plates-formes de type Airbnb devront fournir à leurs usagers un relevé des revenus.
Ils sont déjà censés le faire mais peu respectent la règle : les contribuables devront bientôt déclarer leurs revenus lorsqu’ils louent une voiture, une tondeuse ou un appartement par Internet. Bercy cherche à combler ce « trou dans la raquette fiscale », selon les termes employés par le secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert. Un trou de plus en plus béant compte tenu de la vitesse à laquelle se développe l’économie collaborative (Airbnb, Zilok, etc.).
Aujourd’hui, les revenus tirés de ces plates-formes sont déjà fiscalisés, mais rares sont les contribuables qui les déclarent. « Les conditions d’imposition existent, mais elles sont souvent méconnues, a déclaré Christian Eckert lors de l’examen du collectif budgétaire à l’Assemblée. Ce que propose le gouvernement, c’est d’obliger les plates-formes à avertir les utilisateurs sur les conditions d’imposition des revenus. » Dans un deuxième temps, il est question « d’exiger des plates-formes qu’elles donnent un relevé annuel des revenus tirés de ces services ». Elles informeraient ainsi chaque année leurs utilisateurs, par un document récapitulatif, du montant des ressources perçues durant l’année écoulée.
Cette mesure pourrait être inscrite au budget 2016, en amendant en deuxième lecture un article similaire voté par le Sénat. Ou dans le cadre de la loi Macron 2, attendue pour le début 2016, en s’inscrivant dans une réflexion plus large sur le travail indépendant.
Le chantier est délicat. Une évolution législative s’impose par souci d’équité avec les secteurs traditionnels concurrencés et de préservation des recettes fiscales. Mais le gouvernement est soucieux de ne pas freiner une économie collaborative en pleine expansion, et qui peut apporter des revenus d’appoint aux travailleurs précaires. Pour distinguer le particulier qui arrondit ses fins de mois et le professionnel qui en a fait son métier, le Sénat propose une franchise de 5.000 euros en dessous de laquelle ces revenus ne seront pas fiscalisés. Bercy s’y oppose, considérant cet abattement comme inconstitutionnel. « Cela provoquera immanquablement une inégalité entre les contribuables », a répondu Christian Eckert au Sénat. Ainsi, un particulier louant son appartement à l’année verrait ses bénéfices fonciers taxés au premier euro, tandis que celui utilisant Airbnb ne serait imposé qu’au-delà de 5.000 euros.
Un régime fiscal spécifique
Se pose aussi la question du champ d’application. Certains usages ne seraient pas concernés : dans le covoiturage notamment, les partages de frais ne sont pas considérés comme des revenus supplémentaires. Pour défricher le sujet, le député socialiste Pascal Terrasse devrait rendre un rapport en fin d’année, en vue de faire des propositions pour la loi Macron 2. La création d’un régime fiscal spécifique, comme pour le statut d’autoentrepreneur, y serait abordée. Autre sujet en débat : la transmission au fisc, par les plates-formes, des revenus perçus par les particuliers.
En attendant, Bercy a déjà frappé fort. Un décret paru en août a donné au fisc le pouvoir de demander à certains de ces sites la liste des utilisateurs qui ont fait plus de quinze opérations ou des transactions financières supérieures à 2.000 ou 5.000 euros. S’ils n’ont pas déclaré leurs revenus, ces contribuables risquent un contrôle fiscal.
Les Echos 08/12/2015