L’habitat participatif monte en puissance

Encore expérimental, l’habitat participatif dispose d’une assise réglementaire, dans le cadre de la loi Alur. Il y a 200 programmes recensés en France et 40 collectivités parties prenantes.

Après dix ans de tâtonnements, l’habitat participatif, ces programmes immobiliers conçus et portés par leurs futurs occupants, a désormais un cadre légal. Le 23 décembre, Sylvia Pinel, ministre du Logement, a annoncé la publication du décret de la loi Alur portant sur le fonctionnement des sociétés d’autopromotion et d’attribution (ou coopératives d’habitants). « La dynamique de l’habitat participatif contribue à renforcer le lien social et à améliorer le vivre-ensemble », se félicite la ministre. « L’habitat participatif est une manière de mieux répondre aux attentes des gens, puisque c’est eux qui constituent leur propre logement. Contrairement à la promotion, ils sont impliqués et aidés par un assistant à maître d’ouvrage », enchaîne Stéphanie Jannin, élue chargée de l’urbanisme à la ville de Montpellier, qui accompagne un projet sur le site de l’ancien lycée Mendès-France.

Le mouvement, très répandu en Suisse, en Allemagne ou dans les pays nordiques, est encore expérimental en France. « 200 projets, la plupart de taille modeste – moins de 20 logements – sont recensés au niveau national », rappelle Alain Jund, adjoint à l’urbanisme à la ville de Strasbourg et président du Réseau national des collectivités pour l’habitat participatif. S’il reconnaît que le sujet n’est pas naturellement prioritaire dans le domaine de l’habitat et que beaucoup d’élus doivent encore être informés, l’élu écologiste alsacien voit dans la récente évolution réglementaire une forme de reconnaissance. Plusieurs projets sont livrés ou en cours, à Montpellier (lire ci-contre), Villeurbanne (Le Village vertical), Bègles ou Strasbourg (K’hutte), avec l’appui du bailleur Habitat de l’Ill.

Promoteurs agacés

L’attrait ne se limite pas à supprimer la marge du promoteur, ce qui permet des prix légèrement inférieurs à prestation équivalente – jusqu’à 10 % de gain. Il s’agit aussi d’expérimenter, en matière d’espaces mutualisés (jardins, buanderies, terrasses, chambres d’amis…), d’environnement (énergies renouvelables), de matériaux, de gestion des déchets de chantier… Après avoir attiré des jeunes bobos urbains, l’habitat participatif se démocratise, en s’étendant à l’accession sociale et à la location sociale. Reste à voir qui sera prêt à s’impliquer dans la gestion de la copropriété et comment « se dérouleront les futures reventes », observe Stéphanie Jannin.

Une chose est sûre, le mouvement est organisé avec une coordination nationale des associations, union de 14 associations, qui affirme être en lien avec 150 projets ou réalisations .

Alexandra François Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers, n’hésite pas à affirmer que ce n’est pas parce que l’on produit des logements solidaires qu’ils échapperont aux risques inhérents à l’acte de bâtir. « Faire 10, 20 ou 50 logements, c’est les mêmes ennuis – risques de recours, coûts de travaux mal cernés… » La professionnelle estime l’habitat participatif « très risqué » et s’agace d’une forme d’effet de mode. « En quoi la démarche de l’habitat participatif est-elle plus citoyenne que celle du promoteur qui livre 30 % de logements sociaux sur un programme de 50 logements ? » glisse-t-elle. Elle demande enfin que les conditions juridiques, fiscales, financières, soient les mêmes entre les différents habitants.

Les Echos 07/01/2016