La nature a-t-elle un prix ? Et faut-il lui en donner un ? Voici les questions centrales posées par le dernier livre écrit par deux économistes renommés, Jean Gadrey et Aurore Lalucq(Les Petits Matins, 128 pages, 10 €). Loin de se contenter de surfer sur l’actualité, les deux auteurs analysent de manière simple, mais rigoureuse les liens étroits entre l’économie et la nature.
« La nature n’a pas de prix, mais la protéger a un coût »
Certains défenseurs de l’environnement ont tendance à négliger ou à condamner toutes tentatives de monétarisation de la nature. D’autres, au contraire, énoncent qu’une protection de celle-ci (ou une absence de protection) entraîne des coûts non négligeables.
Les auteurs de cet essai intitulé Faut-il donner un prix à la nature ? font donc un état des lieux des enjeux liés à cette problématique. Tout d’abord, une clarification bienvenue des termes du débat est effectuée afin d’éviter toute confusion entre la marchandisation, la financiarisation et la monétarisation.
Ensuite, les auteurs recensent un certain nombre d’outils inventés par des économistes afin de tenter de mesurer financièrement les « services » rendus par la nature, et donc les coûts de l’absence de tels « services ». Ainsi et par exemple, le mécanisme des marchés de permis négociables (ou des droits à polluer) est analysé et évalué.
Le débat fait rage. Il est parfois très technique, rendu opaque aux citoyens. Il est pourtant essentiel que tous s’en emparent. Si la nature n’a pas de prix, la protéger a un coût – et ne pas la protéger plus encore. Dans certains cas, le recours à des outils monétaires peut faire partie des atouts de la transition.
S’appuyant sur des exemples concrets, les auteurs passent au crible les différents dispositifs. Ils détaillent les expériences positives comme les dérives du système, rendent compte des controverses au sein des milieux environnementaux et industriels et formulent des propositions qui peuvent nourrir les politiques de transition en France et en Europe.
De nombreuses études de cas approfondies telles que la mise en place de la taxe carbone suédoise ou la taxe poids lourds dans certains pays européens sont également analysés, évalués et parfois critiqués de manière objective.
Ainsi, par exemple, de la taxe poids lourds en Suisse, en Autriche et en Allemagne qui a pour objectif d’augmenter le coût du transport routier de marchandises (considéré comme nocif pour l’environnement). Cet impôt engendre des recettes fiscales conséquentes. Ces dernières, au final, bénéficient essentiellement à l’amélioration du réseau routier, ce qui favorise de fait le transport routier… et non la recherche d’une certaine préservation de l’environnement.
Enfin, les auteurs établissent des comparaisons entre les différents dispositifs économiques existants permettant une certaine préservation de la nature. L’objectif n’étant pas de tenter une comparaison de ces dispositifs mais plutôt de démontrer que chacun d’entre eux disposent de sérieux avantages mais également de nombreuses limites.
Ce petit livre permet donc de comprendre facilement l’ensemble des enjeux liés à la protection de la nature, enjeux éminemment d’actualité alors que la COP 21 vient de se terminer à Paris sur un relatif succès.
Auteurs : Jean Gadrey est économiste, ancien professeur à l’université Lille-1, auteur d’Adieu à la croissance (Les petits matins/Alternatives économiques). Aurore Lalucq est économiste et codirectrice de l’Institut Veblen pour les réformes économiques, auteure, avec Philippe Frémeaux, de Transition écologique, mode d’emploi (Les petits matins/Alternatives économiques).
Actualitté 01/02/2016