Synthèse de la presse quotidienne
15 février 2016
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
- A l’approche du Conseil européen, plusieurs quotidiens titrent sur l’isolement croissant de la chancelière dans la gestion de la crise migratoire : « Merkel toujours plus isolée » (Frankfurter Rundschau, Berliner Zeitung), « Merkel seule en Europe » (Tagesspiegel). « L’aile économique de la CDU exige de la chancelière un changement de politique », affiche à la Une Die Welt. Publiant un entretien avec le ministre des affaires étrangères turc, la Süddeutsche Zeitung met en exergue que « la Turquie exige des zones de protection en Syrie » pour les réfugiés. La Frankfurter Allgemeine Zeitung consacre ses gros titres à « la grande méfiance que suscitent les visées de la Russie en Syrie ».
- France-Allemagne-Europe
Déplacement du Premier ministre à Munich : « crise des réfugiés – la France laisse-t-elle tomber l’Allemagne ? » (Bild)
« Peut-on en plein milieu de la crise peut-être la plus profonde que traverse l’UE faire confiance à la France ? », s’interroge le tabloïd pour qui en indiquant que la France n’accueillerait pas plus que 30 000 réfugiés le Premier ministre a « de façon surprenante prise ses distances ». Les déclarations du Premier ministre auraient également surpris le président de la République, ajoute le quotidien selon lequel la rivalité Valls-Hollande à l’approche des élections présidentielles s’invite dans le débat européen sur la crise des réfugiés et « complique la situation » pour la chancelière.
Dans son commentaire du jour, Bild estime que les propos du Premier ministre s’apparentent à une « claque pour la chancelière », la France « donnant l’impression de vouloir rejoindre la coalition des non-volontaires ». Jugeant que les propos de Manuel Valls sont « quasiment un affront pour le gouvernement allemand », le Tagesspiegel veut toutefois croire qu’à l’inverse de son Premier ministre, le président de la République pourrait être disposé à des concessions. « L’Allemagne aurait pu attendre au moins de la part de la France un peu plus de solidarité », estime le quotidien alternatif de gauche tageszeitung pour qui « c’est dans la difficulté que l’on reconnaît ses vrais amis ». « L’une des plus grandes défaites de la chancelière c’est le peu d’aide qu’elle reçoit de la part de la France », écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung pour qui même au plus fort de la crise de l’euro, le moteur franco-allemand tournait encore. « La France donne au plan de Merkel visant à répartir des contingents de réfugiés en Europe le baiser de la mort et dans la crise des réfugiés, la chancelière se bat contre des moulins à vent », estime le quotidien munichois Münchner Merkur. « Voilà donc le remerciement », s’insurge la Märkische Oderzeitung (Potsdam) : « au lendemain des attentats de Paris, l’Allemagne s’est montrée solidaire de la France et a pris part à ses côtés à des missions en Syrie, s’exposant ainsi au risque terroriste, ainsi qu’au Mali où vendredi cinq casques bleus de l’ONU ont été tués par des djihadistes. En contrepartie, le gouvernement fédéral espérait au moins un soutien de Paris pour la répartition de contingents de réfugiés en Europe. Et que fait le Premier ministre Valls lors de la conférence sur la sécurité à Munich ? Il refuse les quotas et signale qu’avec 30 000 son pays a accueilli suffisamment de réfugiés alors que l’Allemagne en a pris en charge trente fois plus ! ». « Les propos de Manuel Valls découlent de la crainte qu’inspire le Front national. La politique intérieure française l’emporte sur la nécessaire solidarité européenne, mais ce faisant les espoirs de Mme Merkel de parvenir à un accord lors du Conseil européen sont pulvérisés », constate la Südwest Presse (Ulm).
De fait l’ensemble des quotidiens dressent le constat d’un isolement croissant de l’Allemagne et manifestent leur pessimisme sur les chances de parvenir à un accord lors du Conseil européen. « Il est bien possible que le gouvernement allemand soit amené à payer le prix fort pour la préservation de l’espace Schengen, à savoir que l’Allemagne se taille la part du lion en matière d’accueil de réfugiés », avance la FAZ.
- Allemagne
« L’aile économique de la CDU exige de la chancelière un changement de politique » (Die Welt)
L’aile économique de la CDU réclame en cas d’échec du Conseil européen un rétablissement des contrôles aux frontières allemandes et une exclusion de la Grèce de l’espace Schengen », rapporte le quotidien conservateur qui s’appuie sur les propos du secrétaire général de l’aile économique de la CDU, Wolfgang Steiger, selon lequel Athènes ne remplit pas ses obligations en matière de sécurisation des frontières extérieures de l’UE et pour qui la conséquence logique de cette situation est de déplacer Schengen en direction de l’Europe centrale. Dans une longue tribune que publie la FAZ, le vice-chancelier et président du SPD, Sigmar Gabriel, met en garde contre la tentation d’isoler la Grèce. Selon lui, l’exclusion ou la mise sur la touche d’un pays membre de l’espace Schengen s’apparente à une « fausse solution » de nature à « empoisonner le débat européen ». Le journal précise que MM. Gabriel et Steinmeier se sont récemment adressés par courrier aux chefs de gouvernement socialistes de l’UE et à leurs ministres des affaires étrangères pour les mettre en garde contre l’intention du groupe de Visegrad de convaincre la Macédoine de fermer sa frontière avec la Grèce.
Par ailleurs, les journaux font état d’une nouvelle dispute au sein de la coalition gouvernementale après le compromis intervenu sur le regroupement familial : alors que la CDU se montre favorable à la possibilité d’exclure du salaire minimum pour six mois les demandeurs d’asile à la recherche d’un emploi, le SPD y est strictement opposé.
Situation financière de la Deutsche Bank et de la Commerzbank
La presse du week-end a largement évoqué la présentation par le Pdg de Commerzbank des résultats annuels de la 2ème banque privée allemande indiquant qu’elle a quadruplé ses bénéfices en 2015, ce qui lui permet de renouer avec le versement d’un dividende à ses actionnaires. Cette situation positive est mise en opposition avec celle de la Deutsche Bank qui a annoncé des pertes record en 2015.
- International
52ème conférence sur la sécurité de Munich : « une grande méfiance envers les intentions de la Russie en Syrie » (FAZ)
Tous les journaux rendent compte de la conférence sur la sécurité de Munich et font unanimement le constat de la montée des tensions entre l’Occident et la Russie, principalement sur le dossier syrien. Les quotidiens déplorent surtout la prise de position du Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, qui a jugé que les relations russo-occidentales étaient entrées dans une période de « nouvelle guerre froide ». Tandis que de nombreux dirigeants politiques étrangers présents à Munich ont multiplié dans les éditions de ce week-end les appels à mettre fin à la crise syrienne et à rétablir le dialogue international, le tabloïd Bild publie ce matin une interview du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, qui affirme que la Russie « n’est actuellement pas un partenaire, (…), mais [que] nous ne pouvons pas résoudre les grands conflits mondiaux sans elle », dénonce le non-respect du droit international par Moscou et indique qu’il est pour l’instant exclu d’envoyer des troupes au sol en Syrie.
Dans leurs commentaires, les quotidiens estiment que l’accord trouvé à Munich sur une cessation des hostilités en Syrie peut faire figure de premier signe d’espoir dans la perspective de la résolution du conflit, mais continuent toutefois de s’inquiéter d’un risque grandissant de confrontation entre l’Occident et Moscou. La Süddeutsche Zeitung dresse un tableau très alarmiste du conflit syrien : « la Syrie est l’alpha et l’oméga des grandes crises de l’humanité d’aujourd’hui, elle est un lieu de guerre, le cœur de la désintégration du monde des Etats islamiques, le Ground zero de la terreur, une catastrophe humanitaire et, parallèlement, elle est à l’origine de nombreuses autres crises ». Le quotidien de Munich juge, pour le déplorer, que la conférence de Munich sur la sécurité a notamment montré que « la Syrie est une boule de billard avec laquelle Vladimir Poutine joue pour atteindre un autre but : une Europe toujours plus faible et toujours plus divisée ». Le journal conclut que l’accord de cessez-le-feu « permet juste d’entrevoir un espoir beaucoup plus grand », à savoir que l’on cesse enfin de taire les réalités des grandes crises à venir, notamment en Libye. Sous le titre « les Occidentaux doivent se serrer les coudes », la Frankfurter Allgemeine Zeitung appelle les Etats occidentaux à « investir dans leur partenariat et à faire plus que dire de belles paroles » pour faire face à l’aggravation de la situation sécuritaire internationale. Le quotidien de Francfort estime que l’OTAN doit être renforcée et juge que l’Occident ne doit pas esquiver ses divergences avec Vladimir Poutine « qui vit dans un autre monde », mais « les contourner », en cherchant tous les points d’entente avec Moscou, afin de progresser sur la voie d’une stabilisation du Moyen-Orient./.