Une étude exclusive du Guardian portant sur sept économies occidentales révèle que les vingtenaires vivent désormais au-dessous du niveau national de leurs pays respectifs.
La fameuse Génération Y, celle née entre 1980 et le milieu des années 1990 –ou plutôt ses composantes socialement diverses– avait donc raison de se plaindre. Une étude publiée par le Guardian portant sur sept pays occidentaux révèle qu’alors que les jeunes adultes gagnaient plus que la moyenne nationale de leurs pays respectifs il y a trente ans ans, leurs revenus sont désormais de plus de 20% inférieurs à cette moyenne dans plusieurs économies dont la France.
En France toujours, alors que les revenus des retraités ont explosé —plus de 60% d’augmentation entre 1978 et 2010 par rapport à la moyenne nationale– ceux des jeunes de 25 à 29 ans ont connu une évolution négative sur la même période, toujours par rapport à cette moyenne (-8%). En clair, le montant des revenus annuels a certes un peu augmenté pour les jeunes depuis la fin des années 1970 par rapport aux Français qui avaient alors le même âge, mais en termes relatifs, cette hausse est dérisoire par rapport à celle dont a bénéficié le reste de la population.
Le sociologue Louis Chauvel a longuement analysé ces inégalités de cohortes générationnelles, et a montré que le niveau de vie relatif des trentenaires depuis 1984 était de 17% inférieur à celui des sexagénaires. L’étude du Guardian confirme ses recherches sur un autre point: plus qu’une opposition entre «les vieux» et «les jeunes», les inégalités en France font apparaître un avantage des baby-boomers, ceux aujourd’hui âgés de la soixantaine, sur toutes les autres générations qui l’ont précédée ou succédée au XXe siècle.
Chômage, immobilier, crise de la dette
Les données de l’étude du Guardian proviennent de la plus grande base de donnée sur les revenus des ménages dans le monde (Luxembourg Income Study). Outre le France, les jeunes générations ont souffert d’importantes pertes de salaire relatives aux États-Unis, en Italie, en Espagne, en Allemagne et au Canada.
C’est, rappelle le Guardian, une combinaison de crises de la dette, de chômage, d’effets de la mondialisation sur l’emploi, de déséquilibre démographique et de hausse des prix de l’immobilier qui expliquent une telle situation, inédite hors périodes de guerre ou de catastrophe naturelle. Ce creusement des inégalités en Europe et aux États-Unis renforce par ailleurs l’écart entre les jeunes dont les parents disposent de revenus importants et les autres, notamment pour l’accès au logement.
L’obstacle principal pour les jeunes Américains reste le remboursement de leur dette d’étudiants, quand l’Europe est avant tout confrontée à la question du chômage de ses jeunes. Le phénomène a provoqué de nombreux chamboulements sociaux, des jeunes adultes qui quittent de plus en plus tard le foyer parental aux «Neets», cette catégorie de jeunes européens qui ne sont ni étudiants, ni salariés, ni en recherche d’emploi ni en formation.
Slate 08/03/2016