Amazon, la toile mondiale de « Dragon Boat »

L’appétit d’Amazon est sans limite. Mardi 8 mars, le « plus grand magasin du monde » lançait sa première émission de mode, invitant en plateau blogueuses et chanteuses célèbres. Le lendemain, on apprenait que, dès cette année, des Boeing aux couleurs d’Amazon vont sillonner l’Amérique pour transporter toujours plus vite les colis de ses clients.

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Le groupe vient de signer un accord avec l’un des plus grands loueurs d’avions au monde pour disposer de vingt Boeing 760 sur une durée de cinq ans. Au passage, Amazon a pris une option pour acquérir 20 % de cette société, Air Transport Services Group.

Le groupe de Seattle (Etat de Washington) va donc pouvoir ranger ses avions flambant neufs au côté de ses semi-remorques et de ses milliers de camionnettes qui parcourent déjà les villes américaines et bientôt européennes. Sans oublier les cargos qu’il envisage d’affréter pour acheminer des marchandises d’Asie vers le reste de la planète.

A grande vitesse, Amazon tisse sa toile. Selon Bloomberg, ce plan d’expansion agressif s’appelle « Dragon Boat ». Il a été concocté en 2013 et vise à construire un réseau mondial complet d’emballage, de transport, de stockage et de livraison de colis. Pas seulement ceux que la société vend en propre mais aussi ceux de tous les partenaires qui utilisent sa plate-forme pour commercer avec le monde entier.

Occuper tout l’espace

Le groupe a en effet choisi de cultiver en parallèle deux clients normalement incompatibles : le consommateur final mais aussi tous les autres commerçants qui sont pourtant ses concurrents. Un choix étonnant qui fait les délices des écoles de management. Le vendeur de livres d’art ou de couches-culottes peut se lancer sans investissement sur le Net en utilisant les services informatiques et logistiques d’Amazon. Ce dernier, de son côté, déploie des trésors pour convaincre ses bons clients particuliers de s’abonner à son service « Prime » qui promet une livraison de plus en plus rapide mais aussi l’accès à un contenu audiovisuel exclusif qui fait d’Amazon un rival des groupes de médias.

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Le fait de proposer ses propres services à ses compétiteurs sur le marché de la consommation finale, lui crée aussi de nouveaux concurrents parmi ses fournisseurs. Amazon, qui est le premier client d’UPS, mais aussi de La Poste en France et dans la plupart des autres pays européens, est en train de s’en faire des adversaires. De la même façon, il est aujourd’hui le premier offreur de services informatiques Web (le cloud) et se retrouve, cette fois, en face de Microsoft ou d’IBM. Tout cela alors qu’il est d’ores et déjà le numéro deux mondial de la distribution derrière le géant américain Wal-Mart.

A l’heure où les sociétés traditionnelles cherchent à se délester du maximum d’activités pour les sous-traiter, Amazon fait le contraire en occupant tout l’espace, à la manière des grands conglomérats du début du XXe siècle, quand les constructeurs automobiles coulaient leur acier et dessinaient les cartes routières. Cela n’a duré qu’un temps.

Le Monde 10/03/2016