Le régulateur américain rappelle à l’ordre les start-up de la Silicon Valley

Méfiez-vous des licornes, elles pourraient n’être qu’un mirage. Le message émane de la patronne de l’agence chargée de surveiller les marchés financiers américains (SEC), Mary-Jo White. S’exprimant devant un parterre d’étudiants en droit de l’université Stanford, la bête noire de Wall Street a prononcé un discours en forme d’avertissement. Sa cible ? Les start-up non cotées, qui affichent des valorisations démesurées, destinées « à en mettre plein la vue » et établies sur la base de plans stratégiques un peu fantaisistes.

« Etre une entreprise non cotée ne signifie pas que vous pouvez ignorer l’intérêt des investisseurs », a-t-elle rappelé, pointant délibérément les « licornes », ces jeunes pousses dont la valorisation dépasse le cap symbolique du milliard de dollars et qui font l’objet d’une forte attention médiatique. Etre non coté comporte de nombreuses obligations vis-à-vis des investisseurs et du marché ».

A ses yeux, de nombreuses start-up se sont laissé piéger par la course au milliard. « La question est de savoir si le prestige associé à ces prix qui montent jusqu’au ciel ne pousse pas les entreprises à se présenter comme un peu plus belles qu’elles ne le sont réellement », a déclaré Mary-Jo White, rappelant « que l’obligation résulte des lois qui encadrent les marchés ou de l’obligation fiduciaire due aux actionnaires, le devoir de franchise et de loyauté doit être le même ». La dirigeante, dont le rôle est de prévenir et sanctionner les abus sur les marchés financiers, s’est dit prête à punir les fraudeurs, où qu’ils soient.

Appétit insatiable des investisseurs

Ces propos sont tombés à point nommé. Portées par l’appétit insatiable des investisseurs, les valorisations dans la Silicon Valley rappellent par moments la bulle des années 2000. Uber, qui a levé au total plus de 10 milliards de dollars, se valorise aujourd’hui plus de 62 milliards, tandis qu’Airbnb et Snapchat valent plus de 10 milliards de dollars chacun. Mais le vent est en train de tourner. Selon l’indice de la base de données CB Insights, 58 start-up non cotées ont vu leur valorisation fondre comme neige au soleil depuis un an. Les grands fonds Fidelity ou Blackstone ont en outre passé à la paille de fer la valeur de plusieurs de leurs participations dans la Valley, dépréciant des lignes comme Snapchat ou Dropbox, entreprises portées aux nues il y a encore quelques mois.

Résultat : certaines start-up commencent à avoir des difficultés à lever de l’argent et ont dû revoir leurs ambitions à la baisse. « On peut se demander si la pression pour attendre le cap symbolique du milliard de dollars n’est pas semblable à la pression à laquelle sont soumises les entreprises cotées, sommées d’atteindre leurs objectifs financiers, avec tous les risques comptables que cela comporte », a commenté Mary-Jo White

Les Echos 04/04/2016