Synthèse de la presse quotidienne
15 avril 2016
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
- A l’exception du quotidien des affaires Handelsblatt qui s’intéresse à la situation économique de la Grèce, un seul sujet s’impose à la Une des quotidiens : l’accord intervenu au sein de la coalition sur une série de mesures encadrant l’intégration des réfugiés qui ouvre la voie à un projet de loi. « La grande coalition continue de se voir en capacité d’action », titre la Frankfurter Allgemeine Zeitung. « La CDU/CSU et le SPD malgré tout en mesure de gouverner », titre Die Welt. La Süddeutsche Zeitung met en exergue les propos de la chancelière qui a insisté sur l’esprit donnant-donnant de l’accord : des mesures destinées à encourager l’intégration des réfugiés en échange de leurs efforts pour s’intégrer et apprendre l’allemand. « Une loi en faveur de l’intégration pour l’Allemagne », anticipe la Berliner Zeitung. Citant Mme Merkel et M. Gabriel, le Tagesspiegel évoque un « accord historique ».
- Allemagne
Accord au sein de la coalition sur une série de mesures en faveur de l’intégration des réfugiés
Comme le laissent entendre les titres de certains journaux, la presse se montre largement critique envers la supposée harmonie entre les chefs de la coalition qui a permis un accord au terme de sept longues heures de négociations. « La grande coalition a fini par se ressaisir, c’est bien, mais il était grand temps », estime Bild pour qui seuls les impératifs dictés par la crise des réfugiés sont en mesure d’assurer la survie de la grande coalition. De l’avis du tabloïd, la mise en scène destinée à faire valoir l’unité entre les chefs de la CDU, de la CSU et du SPD ne saurait toutefois masquer les « nombreuses failles », à commencer par celle, « irréparable », qui s’est creusée entre la CDU et la CSU. « Il est clair que les profondes dissensions entre la CDU et la CSU perdurent, souligne également la FAZ, mais le conflit larvé restera supportable tant que le nombre de migrants arrivant en Allemagne demeurera gérable. Pour Die Welt, plus qu’à favoriser l’intégration des réfugiés, l’accord est surtout destiné à « éviter la désintégration du camp conservateur », tout en constituant un rempart contre les populistes de l’AfD.
Sur le fond, la tonalité n’est pas plus amène. Die Welt estime que les mesures envisagées ne sont qu’une « accumulation d’évidences ». La Süddeutsche Zeitung déplore une intégration qui va surtout se traduire par un surcroît bureaucratique, car le contrôle des réfugiés va être renforcé de manière à pouvoir sanctionner ceux qui ne feraient pas suffisamment d’efforts pour s’intégrer. Pour le journal, le dispositif prévu a en outre le défaut de trop se concentrer sur l’accès à l’emploi, délaissant par exemple le volet éducatif ou encore associatif et religieux. Plus largement, le quotidien critique un « projet de loi empreint de défiance » par rapport aux réfugiés. Ceci s’explique pour le quotidien alternatif de gauche tageszeitung par le simple fait que si l’AfD n’a pas encore fait son entrée au Bundestag, de facto c’est la peur qu’inspirent les populistes et la volonté de ne pas leur prêter le flanc qui ont dicté les mesures du gouvernement. Au lieu de réfléchir sans cesse à de nouvelles sanctions, le gouvernement fédéral devrait entreprendre davantage d’efforts pour élargir l’offre en matière de mesures destinées à promouvoir l’intégration, juge le quotidien qui pointe notamment une offre en cours de langue chroniquement insuffisante par rapport à la demande. La FAZ se félicite toutefois du fait que les réfugiés en formation se verront attribuer un droit de séjour pour la durée de leur apprentissage, ce qui devrait davantage inciter les employeurs à leur ouvrir des places d’apprentissage.
- Europe
Adoption du registre européen des données de passagers aériens (PNR)
La presse commente peu l’adoption par les parlementaires européens, au bout de cinq ans de débats, de la directive européenne créant un registre des données de passagers aériens dans le cadre de la lutte antiterroriste. Sans surprise, la Frankfurter Allgemeine Zeitung déplore qu’il ait fallu « toute une série d’attaques terroristes effroyables » pour que l’UE se dote de cet instrument : « une prise de conscience tardive », juge le quotidien. La Süddeutsche Zeitung reste préoccupée par la protection des données individuelles (« les passagers vont devenir transparents, c’est une restriction significative de la liberté individuelle ») mais reconnaît que « c’est la peur qui a gagné face aux menaces successives, c’est regrettable mais compréhensible. Si un seul attentat peut être empêché grâce à cette directive, c’est qu’elle était nécessaire ».
Cinq pays européens à la manœuvre contre l’évasion fiscale
Les grands quotidiens se font l’écho de la montée au créneau de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, de la Grande-Bretagne et de la France (groupe G5) dans la lutte internationale contre l’évasion fiscale, avec l’envoi d’une lettre conjointe à la présidence chinoise du G20 Finances, annonçant le lancement d’une initiative pilote sur l’échange automatique d’informations sur les ayants-droits de sociétés écrans. Comme lors de la présentation, en début de semaine, des plans de Berlin et de Bruxelles contre les paradis fiscaux et le blanchiment d’argent, la Frankfurter Allgemeine Zeitung ne cache pas un certain malaise face à cette « offensive de transparence » en réaction à l’affaire des « Panama Papers » : « car bien sûr, le plan de Schäuble est en partie destiné à la galerie, et quand on voit comment on allonge ad aeternam le délai de prescription de certains délits fiscaux par rapport à d’autres délits ou crimes, c’est totalement démesuré. Mettre sur le même plan des fraudeurs du fisc et des assassins, c’est chercher à marquer des points politiquement », grince la FAZ, qui se fait le porte-parole des entreprises allemandes, opposées à ce que leurs concurrents lisent à livre ouvert dans leurs bilans et structures de coûts.
« L’Allemagne en croisade contre les partisans du taux zéro » (Die Welt)
Die Welt revient sur les « attaques verbales » du ministre allemand des finances contre la politique monétaire de la BCE, un « dérapage » inédit de la part d’un dirigeant allemand « qui lui ont valu un rappel des bonnes manières par Paris », note le journal en évoquant les déclarations de Michel Sapin, mercredi, sur le nécessaire respect de l’indépendance de la Banque centrale européenne. « En Allemagne, le respect de l’indépendance d’une banque centrale comptait parmi les biens d’exportation les plus populaires avec les voitures rapides et les machines intelligentes », ironise Die Welt en analysant les raisons de l’évolution de la position allemande. « Si les taux d’intérêt restent encore longtemps si bas, les retraités allemands sont menacés de paupérisation à large échelle et les appels de Schäuble à en finir avec cette politique sont motivés par la crainte que les futurs budgets de l’Allemagne ne puissent supporter les milliards d’allocations sociales pour les retraités », fait valoir Die Welt. La Frankfurter Allgemeine Zeitung estime, pour sa part, que c’est plutôt la politique de la BCE de rachat massif de dette souveraine – depuis toujours descendue en flammes par le quotidien – qui entraîne la dévaluation de l’épargne-retraite des Allemands. Si le journal adresse un reproche aux dirigeants allemands, c’est celui d’avoir trop peu soutenu le président de la Bundesbank quand il s’opposait publiquement à ce nouvel instrument de la BCE.
- International
Entretien de l’envoyé spécial des Nations unies en Libye avec la Berliner Zeitung
Dans une interview à la Berliner Zeitung, l’envoyé spécial des Nations unies en Libye, Martin Kobler, fait part d’un optimisme prudent sur l’évolution de la situation sécuritaire dans le pays, estimant qu’elle « est calme à l’heure actuelle », mais que le danger d’une nouvelle escalade demeure élevé. Bien que regrettant que les ministres déjà établis à Tripoli n’aient toujours pas le contrôle de leurs ministères, il se réjouit qu’ « après des années de chaos et d’anarchie, on entre dans une phase de transition ». M. Kobler se montre toutefois très inquiet de la progression en Libye de « l’Etat islamique, qui contrôle une bande côtière de 200 kilomètres de long, s’étend vers le sud et menace déjà les champs pétroliers », et qualifie la situation humanitaire de « catastrophique ». Il insiste sur la nécessité, dans l’intérêt de l’Occident et aussi de la population libyenne, qu’un gouvernement fonctionnel soit mis en place, mais pointe du doigt « le rythme d’escargot » du processus politique. Il évoque en outre la nécessité de mettre sur pied une armée de manière à contrer l’extension de Daech.
« Des bombardiers russes provoquent les Américains » (Frankfurter Allgemeine Zeitung)
La FAZ s’inquiète des tensions entre les Etats-Unis et la Russie à la suite de survols répétés et à basse altitude du destroyer américain USS Donald Cook par des avions de combat russes en mer Baltique. Dans un commentaire, le quotidien estime que « derrière les jeux de guerre de Moscou se cachent non seulement un machisme politique, mais aussi un vrai enjeu de pouvoir ». Le Kremlin chercherait ainsi à montrer qu’il n’entend plus, sur le plan militaire, se contenter de son statut de puissance régionale tout en signifiant qu’il va jusqu’à assumer le risque d’accident réel. Ne doutant pas de la réaction mesurée de l’OTAN, le journal encourage néanmoins les Occidentaux à signifier à leurs homologues russes qu’ils ne sont pas prêts à se laisser intimider par de telles menaces.
- France
« La France repousse la sortie du nucléaire » (FAZ)
Critique envers la manière, à ses yeux précipitée, par laquelle la chancelière a imposé la sortie du nucléaire, ce qui a plongé les opérateurs de centrales nucléaires en Allemagne dans de grandes difficultés économiques, la Frankfurter Allgemeine Zeitung accueille avec compréhension les déclarations de la ministre de l’Environnement, dans son entretien avec Le Monde, induisant un report à la prochaine législature de la fermeture de centrales nucléaires en France. Le correspondant économique de la FAZ à Paris écrit qu’« il serait facile de classer cette annonce à la rubrique des faiblesses du président Hollande », mais que « dans le contexte actuel, c’est une décision sage, prouvant que les Français mènent leur transition énergétique avec précaution ». « Il n’y a aucune raison de précipiter les choses, d’autant qu’EdF et Areva sont en difficulté financière et que le bilan carbone de la France est excellent », conclut, avec un soupçon d’ironie, Christian Schubert.
« Maren Ade lève l’anathème qui pesait sur Cannes » (Die Welt)
La plupart des journaux relèvent, pour s’en réjouir, qu’au terme de sept longues années d’absence, un film allemand (« Toni Erdmann » de la réalisatrice Maren Ade) a été retenu en compétition officielle du festival de Cannes./.