Synthèse de la presse quotidienne
18 avril 2016
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
- La Frankfurter Allgemeine Zeitung consacre sa une aux propos du souverain Pontife après sa visite à un camp de migrants sur l’île de Lesbos : « j’ai vu tant de douleur ». La Süddeutsche Zeitung met en exergue un accord entre la Grèce et ses créanciers internationaux qui prendrait la forme d’un paquet supplémentaire de mesures d’austérité et de réformes consenties par Athènes pour le cas où les efforts actuellement en cours seraient jugés insuffisants. Die Welt titre sur une proposition européenne de libéralisation des visas pour la Turquie assortie d’une clause de suspension pour le cas où le pays ne respecterait pas ses engagements au titre de l’accord du 18 avril en matière de politique migratoire. Le quotidien économique Handelsblatt et le Tagesspiegel donnent tous deux la parole à M. Frank-Jürgen Weise, chef de l’Office fédéral des migrations et patron de l’Agence fédérale pour l’emploi, qui juge insuffisant l’accord intervenu au sein de la grande coalition sur une série de mesures destinées à promouvoir l’intégration des réfugiés et appelle à aller plus vite pour permettre leur insertion sur le marché de l’emploi.
- Allemagne
Affaire Böhmerman : le gouvernement fédéral accède à la demande des autorités turques de poursuites pénales contre l’humoriste
A la une des éditions de samedi, cette décision était abondamment commentée par l’ensemble de la presse. Particulièrement virulente, la presse conservatrice (Bild, Die Welt) dénonçait une décision qui revenait pour la chancelière à « s’aplatir » (Die Welt) devant le président turc. Le tabloïd Bild jugeait que l’issue de la dispute avec Ankara révèle à présent combien le « prix moral » de l’accord conclu avec la Turquie le 18 avril « est élevé ». La presse de centre-gauche se réjouissait en revanche de la décision du gouvernement fédéral de s’en remettre à la justice (Süddeutsche Zeitung) et estimait qu’il n’avait d’autre choix que celui d’accéder à la demande du président turc s’appuyant sur l’article 103 du code pénal (insulte à un représentant d’un Etat étranger), car un refus de donner suite aurait signifié une ingérence du pouvoir exécutif dans la sphère judiciaire (Berliner Zeitung). Le Tagesspiegel s’inquiétait d’une « nouvelle preuve de rupture au sein de la grande coalition », le SPD ayant promptement fait connaître son désaccord avec la décision prônée par la chancelière. En plus d’apporter des arguments aux populistes de l’AfD, l’affaire Böhmermann laissera, selon le journal, des traces dans les relations germano-turques.
Dans son édition dominicale, Bild publiait les résultats d’un sondage Emnid selon lequel 66% des Allemands se déclarent opposés à la décision de la chancelière, 22% l’approuvant et 12% se déclarant sans opinion.
Funérailles d’Etat pour l’ancien ministre des affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher
Après les journaux télévisés qui ont abondamment couvert hier soir les funérailles d’Etat de l’ex-ministre des affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher, décédé le 31 mars à l’âge de 89 ans, les quotidiens évoquent à leur tour des « adieux émouvants » (Bild) qui ont réuni pas moins de 900 personnes, dont de nombreuses personnalités étrangères, dans l’hémicycle de l’ancien Bundestag à Bonn. Les journaux relèvent l’hommage rendu par le président fédéral, Joachim Gauck, qui a qualifié H-D. Genscher de « patriote allemand et d’Européen convaincu », et citent aussi les termes employés par l’ancien ministre Klaus Kinkel, son successeur aux affaires étrangères, qui a qualifié H-D. Genscher de « maître du dialogue » et de « poseur de ponts ». Les journaux retiennent également la formule choisie par l’ex-secrétaire d’Etat américain James Baker pour qui le « titan » H-D. Genscher pouvait aussi se montrer « brutal » et « coriace comme une botte de cowboy texan ». La Süddeutsche Zeitung relève parmi les dignitaires étrangers la présence de Roland Dumas.
- Europe
Turquie : « la libéralisation des visas sous caution » (Die Welt)
Die Welt rapporte de source diplomatique que « de nombreux pays européens, dont l’Allemagne et la France », veulent assortir l’accord sur l’abolition des visas entre l’UE et la Turquie d’une clause autorisant le rétablissement des visas à tout moment si Ankara ne respectait pas ses engagements concernant l’accueil des migrants renvoyés de Grèce. Selon cette source, cette option, qui concerne également des accords analogues avec le Kosovo, la Géorgie et l’Ukraine, sera à l’ordre du jour du prochain conseil JAI, jeudi à Luxembourg. « L’Allemagne et d’autres pays ont raison de vouloir imposer cette disposition inédite afin de protéger les Européens des humeurs d’Erdogan, de l’arbitraire des autorités turques et d’un éventuel exode massif des Kurdes de Turquie », commente Die Welt, qui continue de considérer sévèrement l’abolition de l’obligation de visas pour les pays concernés : « « l’UE brade la libéralisation des visas comme sur un bazar, et même si c’est de la Realpolitik, cela nuit à sa crédibilité et lui ôte des moyens de pression sur la Turquie, l’Ukraine et le Kosovo – aucun de ces Etats n’a mérité actuellement que l’on supprime l’obligation de visas ».
Critiques allemandes contre la politique monétaire de la BCE
Le Handelsblatt rapporte que le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, et le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, ont eu un entretien lors d’un dîner en marge des réunions financières à Washington, au cours duquel, indique le quotidien, ils auraient longuement passé en revue l’ensemble des crises européennes. Juste avant cette rencontre « ultraconfidentielle », Wolfgang Schäuble avait, selon le Handelsblatt, « tenté de désamorcer le débat » ayant suivi ses critiques contre la politique de la BCE, notant qu’il était « naturel de discuter des effets de cette politique, tels que le risque de bulles financières ou les pertes des épargnants, mais que de telles remarques ne devaient pas être prises pour une critique de la BCE, et encore moins comme une attaque contre son indépendance ».
Parallèlement, les critiques allemandes contre la politique des taux bas ne faiblissent pas, comme en témoignent des déclarations dans Bild de ténors de la CSU : dans l’édition dominicale Bild am Sonntag, le ministre bavarois des Finances, Markus Söder, déclarait que la BCE a besoin d’un « changement de cap » et estimait nécessaire que son prochain président soit un Allemand. La politique de Mario Draghi a conduit à une « perte massive de crédibilité de la BCE », renchérit ce matin dans Bild Hans-Peter Friedrich, vice-président du groupe conservateur au Bundestag et ancien ministre de l’Intérieur, qui à son tour revendique que « le prochain chef de la BCE soit un Allemand respectant la tradition de la stabilité monétaire de la Bundesbank ». Un message relayé également dans Bild par un autre député CSU de premier rang, Hans-Peter Uhl, pour qui « il faut un spécialiste allemand des finances à la tête de la BCE ». L’éditorial de Bild enfonce le clou : « la nationalité du prochain chef de la BCE n’est pas le critère principal, l’essentiel est qu’il change de cap, afin qu’épargner soit à nouveau rentable et que la BCE, dans la tradition de la Bundesbank, ait l’image d’une banque centrale forte qui ne se laisse pas mener par le bout du nez par des gouvernements rétifs aux réformes ».
Grèce / persistance des divergences entre Berlin et le FMI
A l’issue des réunions du G20 Finances et du FMI à Washington – où la crise grecque a été, comme par le passé, l’un des thèmes dominants, donnant lieu à plusieurs rencontres bilatérales – la Süddeutsche Zeitung et le Handelsblatt se font l’écho d’un compromis entre la Grèce et ses créanciers internationaux, et signalent qu’Athènes devrait préparer « en réserve » un nouveau paquet de réformes et de mesures d’économies, qui ne serait mis en œuvre que si l’objectif d’un excédent primaire de 3,5% du PIB en 2018 ne devait pas être atteint.
Alors que le FMI maintient la pression sur la Grèce en matière de réformes tout en jugeant inévitable un allègement de la dette grecque, l’Allemagne, au contraire, campe sur son refus de toute restructuration de la dette, mais se montre plus souple sur la question des réformes, constatent Die Welt et la Süddeutsche Zeitung. Sur les réformes grecques, Wolfgang Schäuble s’est montré compréhensif face au retard pris par Athènes, évoquant les contraintes liées à la crise des réfugiés, indiquent encore ces journaux. A ce stade des négociations, « l’Europe et le FMI jouent leur crédibilité, le FMI a trop insisté sur l’allègement de la dette grecque pour pouvoir y renoncer de quelque façon que ce soit », met en garde le Handelsblatt ; « les fronts sont bétonnés, tant le FMI que Berlin risquent de perdre la face en cédant du terrain. Les créanciers ne se sont pas rapprochés sur leurs divisions », constate aussi Die Welt.
- International
Déplacement conjoint du Ministre et de son homologue allemand en Libye
En lever de rideau du CAE d’aujourd’hui à Luxembourg qui devrait, selon la Süddeutsche Zeitung, être largement consacré à la situation en Libye, les médias et les réseaux sociaux accueillent positivement le déplacement conjoint du Ministre et de son homologue allemand, samedi à Tripoli, au cours duquel les deux ministres ont réaffirmé le soutien de la France et de l’Allemagne au gouvernement d’unité nationale.
Les journaux retiennent que le ministre fédéral des Affaires étrangères a insisté sur la cohésion de la communauté internationale au sujet de la mise en œuvre de l’accord de paix en Libye et de l’établissement d’un gouvernement d’unité nationale. La FAZ se réjouit de cet engagement, estimant que les Européens ont pris conscience de l’urgence de la situation et « ne laissent plus les choses se faire comme cela a été trop longtemps le cas en Syrie ». La Süddeutsche Zeitung note que Frank-Walter Steinmeier a également indiqué que l’Allemagne participerait à hauteur de 25% au financement d’un fonds de stabilisation, devant s’élever à quarante millions d’euros, afin de permettre au gouvernement libyen de financer des projets de reconstruction. Le quotidien se fait en outre l’écho d’informations publiées dans l’hebdomadaire Spiegel selon lesquelles la France souhaiterait élargir la mission de l’opération européenne EUNAVFOR MED/Sophia de lutte contre les passeurs en Méditerranée, de manière à en faire un outil pour combattre le terrorisme en contrôlant des navires susceptibles de fournir des armes aux militants de Daech en Libye. Le Spiegel souligne que cette proposition suscite un certain « scepticisme » de l’Allemagne car un tel élargissement de la mission n’est pas couvert par l’actuel mandat du Bundestag.
Visite du vice-chancelier et ministre fédéral de l’Economie et de l’Energie en Egypte
La visite du vice-chancelier et ministre fédéral de l’Economie et de l’Energie hier au Caire, accompagné d’une importante délégation économique, est également mentionnée. Une partie de la presse s’étonne des « éloges » faits par Sigmar Gabriel (SPD) au président égyptien, le qualifiant de « président impressionnant » et « remarquablement ouvert » sur le problème des droits de l’homme. La FAZ note dans ce contexte que c’est plutôt le nombre d’opposants au régime torturés et emprisonnés qui est impressionnant. Les journaux soulignent en outre que Sigmar Gabriel a proposé l’aide de l’Allemagne pour trouver, en coopération avec l’Union européenne, le Fonds monétaire international et le Club de Paris, des solutions permettant de stabiliser l’économie égyptienne.
Entretien du président de la conférence sur la sécurité de Munich avec Die Welt
Dans une interview à Die Welt, le président de la conférence sur la sécurité de Munich, Wolfgang Ischinger, renouvelle son appel à renforcer la coopération européenne en matière de sécurité par la création d’« un FBI européen ». Au regard des crises internationales et de la menace terroriste, W. Ischinger estime que l’Union européenne doit montrer à ses citoyens qu’« elle peut résoudre le problème et non pas qu’elle est une partie du problème » en menant « une offensive » témoignant de sa volonté d’œuvrer pour la sécurité. Pour le président de la conférence sur la sécurité de Munich, cette volonté doit se traduire de trois manières : davantage de coopération entre les services de renseignement et de police, une meilleure sécurisation des frontières extérieures de l’espace Schengen via le renforcement de l’agence Frontex comme cela a été proposé par la Commission et une accélération dans la construction et le renforcement de structures européennes de défense effectives. Sur la situation en Libye, Wolfgang Ischinger estime que « les crises africaines sont l’endroit où nous pouvons montrer que nous avons appris de nos erreurs » et appelle l’Allemagne à renforcer son engagement militaire sur le continent africain./.