L’idée ne va pas forcément de soi pour l’opinion publique. Mais la Commission européenne le confirme à son tour, à la suite du FMI et de la communauté des économistes unanimes : l’afflux des réfugiés constituera un surplus de croissance économique, pour l’Europe et pour la zone euro, de 0,2 à 0,3 % l’an, en 2016 comme en 2017.
Pierre Moscovici, le commissaire aux Affaires économiques, l’a admis officiellement devant la presse, précisant que cet effet de relance atteindrait même 0,4 à 0,5 % dans les principaux pays d’accueil, comme l’Allemagne et la Suède.
Le surcroît de croissance, toutes choses égales par ailleurs, transitera par un accroissement des dépenses publiques. D’ores et déjà, elles ont progressé deux fois plus vite que ce qui avait été prévu il y a un an, augmentant de 1,4 % en 2015 dans l’Union européenne et de 1,3 % dans la zone euro. « Des développements exceptionnels expliquent ce résultat », note la Commission européenne dans son rapport de printemps. « Les dépenses sur les opérations militaires en Syrie et en Irak, et les dépenses liées aux réfugiés ont conduit à accroître fortement les dépenses publiques dans certains pays. »
Mais il n’y a pas péril en la demeure, car les deux économies les plus concernées affichent l’une et l’autre des comptes publics en béton et une compétitivité exceptionnelle. Selon les chiffres de Bruxelles, la Suède, qui a accueilli le plus grand nombre de migrants comparés à sa population, a enregistré une croissance économique de 4,1 % en 2015, tout en équilibrant ses comptes publics l’an dernier. Avec en prime un excédent de sa balance des paiements avec l’étranger équivalent à 4,9 % de son PIB ! Les chiffres attendus pour 2016 sont tout aussi enviables : croissance de 3,4 % en Suède, déficit public limité à 0,4 % du PIB et des excédents extérieurs toujours exceptionnels. Pour sa part l’Allemagne affichera en 2016 une croissance de 1,6 %, et l’excédent de ses finances publiques, qui avait atteint 0,7 % du PIB en 2015, sera certes un peu moindre cette année (0,2 %). Mais l’effort consenti pour accueillir les réfugiés sera absorbé sans grande difficulté. De même il en faudrait beaucoup plus pour entamer le surplus vertigineux de la balance des comptes courants de l’Allemagne vis-à-vis de l’extérieur : il a atteint 248 milliards d’euros en 2015. Un record historique, qui représente 8,8 % du PIB de la première puissance économique de l’Europe.
« Procédure d’excédent excessif »
À cet égard, le fait que les réfugiés contribuent à redynamiser (un peu) la demande intérieure de l’Allemagne est considéré comme une très bonne chose à Bruxelles. Alors que la France, l’Espagne et le Portugal, les trois mauvais élèves de la zone euro sont soumis à des « procédures de déficit excessif », pour ne pas respecter la barre des 3 % du PIB, l’Allemagne se trouve dans la situation strictement inverse. Non pas du fait de son excédent budgétaire, mais de ses comptes extérieurs. Cette année encore, elle devrait être rappelée à l’ordre et faire l’objet d’une « procédure d’excédent excessif ». Laquelle s’applique aux pays dont le surplus externe dépasse 6 % du PIB. Voilà un risque qu’on n’est pas près de courir à Paris
Le Figaro 04/05/2016