Synthèse de la presse quotidienne
19 mai 2016
Ce document est à usage strictement interne et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne
- La Turquie et les relations germano-turques font les gros titres de la Süddeutsche Zeitung, qui cite le président du Bundestag Norbert Lammert critiquant le président turc pour son projet de levée d’immunité parlementaire de députés HDP (« Lammert qualifie Erdoğan d’autocratique »), du quotidien économique Handelsblatt (« l’incident Erdoğan ») qui relaie pour sa part les inquiétudes des milieux industriels allemands, et de la Berliner Zeitung qui relève « l’indignation de la Turquie sur la résolution [du Bundestag] sur l’Arménie ». La Frankfurter Allgemeine Zeitung note pour sa part les « vifs débats au sein de la grande coalition sur l’introduction du glyphosate ». Die Welt met à sa Une la réponse des autorités allemandes à une question parlementaire indiquant qu’ « un débouté du droit d’asile sur deux quitte le pays ».
- Allemagne
« Un milliard d’aides pour l’électromobilité » (Süddeutsche Zeitung)
Les journaux rendent compte de l’adoption hier en conseil des ministres du plan du gouvernement fédéral en faveur de l’électromobilité. Ce plan de 1,2 milliard d’euros destiné à promouvoir la mise en circulation de quelque 300 000 véhicules, prévoit des primes de l’ordre de 4 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique (3 000 euros pour l’acquisition d’un véhicule hybride). Il envisage également l’exonération pour 10 ans (au lieu de 5 actuellement) de l’impôt sur les véhicules.
Sans surprise, les commentateurs font valoir leurs critiques. « A Berlin, on cherche à vendre ce plan comme un grand succès. En vérité, le gouvernement s’efforce par ce projet conçu à la va-vite de faire oublier que pendant des années trop peu a été entrepris pour permettre la mise en circulation d’un million de véhicules électriques d’ici à 2020. Une réalité à laquelle ces seules aides financières ne changeront pas grand-chose », juge la Süddeutsche Zeitung. Pour la Berliner Zeitung, il s’agit avant tout d’un « immense cadeau pour la filière automobile qui a engrangé pendant des années de juteux bénéfices en se croyant tout permis, y compris tricherie et tromperie ». En outre, le fait de subventionner l’achat de véhicules jusqu’à hauteur de 60 000 euros est absurde car celui qui peut se permettre une telle acquisition n’a aucunement besoin de l’aide de l’Etat, critique le journal. Fidèle à sa ligne libérale, la FAZ dénonce un « bonus aux frais du contribuable ». « Dès lors que l’Etat pense savoir mieux que le marché où l’avenir se joue, la facture s’annonce salée pour le contribuable », met en garde le quotidien pour qui il est à craindre que ce coup de pouce ne soit pas le dernier pour favoriser l’électromobilité.
- Allemagne/International
« La Turquie mécontente de la résolution relative à l’Arménie » (Berliner Zeitung)
Après l’affaire Böhmermann, c’est à présent le projet de résolution sur le génocide arménien qui empoisonne les relations germano-turques, fait valoir la Berliner Zeitung qui en veut pour preuve les déclarations du porte-parole du président turc pour qui le projet de résolution qui doit être adopté par le Bundestag le 2 juin s’apparente à une forme d’« exploitation politique ». « Le terme de génocide est un sévère reproche et parler de génocide sans apporter de preuves revient à une instrumentalisation à des fins politiques », aurait déclaré Ibrahim Kalin.
Dans son principal commentaire du jour, la Berliner Zeitung considère que la résolution par laquelle le Bundestag s’apprête à reconnaître le génocide arménien est aussi l’aveu de la part de culpabilité de l’Allemagne comme allié de l’empire ottoman et qui n’a rien fait pour empêcher le drame. « C’est ce qui légitime la démarche », fait valoir le journal car « si l’enjeu consistait uniquement à désigner la Turquie comme coupable, la colère d’Erdogan serait justifiée. Or, il est important que par cette résolution l’accent soit mis sur la participation de l’Allemagne au génocide ».
La Süddeutsche Zeitung consacre par ailleurs sa une aux critiques du président du Bundestag, Norbert Lammert (CDU), à l’encontre du projet du parlement turc de lever l’immunité de certains députés. « La démarche actuelle du président Erdogan s’inscrit malheureusement dans une série de faits par lesquels la Turquie s’éloigne de plus en plus de nos exigences en matière démocratique », a-t-il indiqué avant de reprocher au président Erdogan des « ambitions autocratiques ».
Le Handelsblatt se fait pour sa part l’écho des inquiétudes exprimées par les milieux économiques allemands face à la « soif de pouvoir » du président turc. « Après la Chine et la Russie, la Turquie est l’un des principaux marchés émergents pour l’Allemagne, raison pour laquelle les entreprises suivent avec inquiétude les rivalités politiques », écrit le journal qui cite les mises en garde du président de la fédération de l’industrie (BDI), Ulrich Grillo : « sans partenaire, la poursuite de la modernisation du pays ne saurait réussir. Or, pour l’industrie allemande, un cadre fiable et la prévisibilité sont primordiaux. C’est de ces facteurs que dépendent les décisions en matière d’investissements ».
- Europe / International
Interview de Federica Mogherini / Libye / Russie
Dans un entretien accordé à Die Welt, la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité fait valoir la contribution importante de l’opération navale « Sophia » que l’UE mène en Méditerranée pour lutter contre les passeurs de migrants et souligne que dans ce cadre, l’UE est prête opérationnellement à contribuer à la formation des garde-côtes libyens dès que les autorités du pays en auront fait la demande. S’agissant du soutien que pourrait apporter l’OTAN parallèlement à l’UE, F. Mogherini souligne qu’en tous les cas, toute décision revient à la Libye, « ce sont eux, sans conteste, qui déterminent ce qu’ils veulent et ce dont ils ont besoin, à nous de décider ensuite si nous pouvons le faire ».
S’agissant des relations UE-Russie, la chef de la diplomatie européenne déclare qu’un retour à un partenariat stratégique « dépend fortement de l’issue de la crise ukrainienne. Pour nous, l’élément décisif est une mise en œuvre complète des accords de Minsk et une solution pacifique au conflit dans l’est de l’Ukraine. Cela ne dépend pas seulement de la Russie mais aussi des séparatistes dans l’est de l’Ukraine et du gouvernement à Kiev ». Dans ce contexte, F. Mogherini estime qu’en l’état actuel des choses, les sanctions contre la Russie devraient être prolongées en juillet, cette politique étant « couplée à une mise en œuvre complète des accords de Minsk », et ce malgré les réticences de certains Etats membres : « malgré les divergences, nous avons toujours fait preuve d’unité sur ce point, il est important de préserver cette unité ».
Interrogé par la Frankfurter Allgemeine Zeitung lors d’un passage à Berlin, où il a mené des entretiens avec la chancellerie fédérale et l’Auswärtiges Amt, Daniel Fried, responsable des sanctions au département d’Etat américain, appelle l’Union européenne à ne faire aucune concession sur les sanctions contre la Russie, estimant qu’une telle position serait contre-productive pour la mise en œuvre de Minsk et qu’il ne convient pas de réagir à court terme à des avancées, telle que cessez-le-feu, qui pourraient être caduques peu de temps après : « en matière de sanctions, la règle est d’être patient, déterminé et crédible. Rappelons-nous de l’Iran ». Rappelant que la position de l’UE et du G7 est que les sanctions restent en vigueur jusqu’à la mise en œuvre de Minsk, il se félicite de l’attitude de l’Union européenne : « l’Europe a agi avec davantage de détermination et de cohésion stratégiques que ne le prévoyaient beaucoup de sceptiques, et l’Europe a montré plus de puissance que beaucoup le croyaient à Moscou. Cela a été décisif ».
- Europe
Pacte de stabilité : « l’exception devient la règle » (Berliner Zeitung)
De manière attendue, les quotidiens allemands accueillent avec sévérité la décision de la Commission européenne de reporter sa décision de sanctions contre l’Espagne et le Portugal pour leurs dérapages budgétaires : « les critères de Maastricht deviennent une farce », grince la Berliner Zeitung, qui, comme les autres médias de gauche, est sur une ligne libérale dès qu’il s’agit de politique financière. Le quotidien berlinois se fait l’écho de critiques du député européen CSU Markus Ferber à l’égard de la Commission : « si l’arbitre passe son temps à discuter du pour et du contre du règlement, il faudrait trouver un autre arbitre », allusion à la proposition de Wolfgang Schäuble de créer un organe indépendant pour superviser le respect du pacte de stabilité. La Berliner Zeitung indique que le ministre français des Finances, Michel Sapin, a jugé dans ce contexte « très difficile de dire que les règles doivent être respectées dans tous les cas et qu’il faut un organisme indépendant pour s’en assurer ».
Sans surprise, la FAZ (« une farce »), Bild (« la commission n’a rien appris de ses erreurs ») et le Handelsblatt (« la couardise des contrôleurs ») ne décolèrent pas devant une mansuétude attribuée au président de la Commission européenne. Les éditorialistes sont particulièrement consternés par l’argument avancé par le commissaire Moscovici, selon lequel le moment serait mal choisi pour sanctionner tant pour des raisons politiques qu’économiques, un « nouveau critère qui peut s’appliquer partout et toujours », ironise la FAZ. La FAZ et le Handelsblatt notent, à la marge, que la Commission a une nouvelle fois appelé l’Allemagne à rééquilibrer l’excédent de sa balance commerciale, notamment en investissement.
- France
Risque de terrorisme islamiste lors de l’Euro 2016 (Bild)
Le tabloïd Bild révèle, comme principal sujet de sa page politique, la teneur d’une note interne de l’Office fédéral de police judiciaire (BKA) analysant les risques d’attaques terroristes en France lors de l’Euro 2016. « Des documents confidentiels mettent en garde contre le terrorisme : ‘…il faut s’attendre à des actes de violence djihadistes lors de l’Euro’ », titre en grosses lettres le quotidien. Evoquant le risque d’actions de « petits groupes très organisés » comme d’individus « isolés et fanatiques », l’analyse juge que les équipes nationales des « nations croisées », Etats occidentaux de culture chrétienne au nombre desquelles compte l’Allemagne, seraient particulièrement visées. Par ailleurs, l’organisme chargé de l’observation des hooligans met en garde, également dans une note interne, contre le risque élevé de violences de hooligans allemands, notamment lors de la rencontre Allemagne-Pologne le 16 juin. L’article se conclut sur l’assurance donnée par le directeur adjoint du BKA, Peter Henzel, selon laquelle « les autorités de sécurité françaises font le maximum pour protéger les équipes et les spectateurs », et indique que quelque 45 000 soldats et policiers seront mobilisés pour assurer la sécurité des sites de l’Euro 2016./.