Aujourd’hui en Allemagne

 

Synthèse de la presse quotidienne

23 mai 2016

Ce document est à usage strictement personnel et a été réalisé par l’Ambassade de France en Allemagne

  1. La presse allemande consacre ses gros titres aux divergences entre les deux leaders de l’alliance conservatrice CDU/CSU Angela Merkel et Horst Seehofer apparaissant dans des interviews publiées pendant ce week-end. La Frankfurter Allgemeine Zeitung relève ainsi les « sévères critiques de M. Seehofer à l’encontre de la politique turque de Mme Merkel ». La Süddeutsche Zeitung met en avant une « querelle sur Franz-Josef Strauss » et sur le principe posé par ce dernier selon lequel la CDU/CSU ne doit pas laisser s’installer à sa droite un parti dans le cadre démocratique allemand. Le quotidien économique Handelsblatt publie pour sa part un sondage montrant qu’« une majorité d’Allemands s’opposent à Mme Merkel » sur l’accord avec la Turquie.  Die Welt titre quant à elle sur l’élection présidentielle autrichienne, dont l’issue reste indécise (« égalité des voix en Autriche : les votes par correspondance décideront du président »), tout comme le Tagesspiegel (« l’élection présidentielle divise l’Autriche ») et la Berliner Zeitung (« l’Autriche divisée »).
  2. Allemagne/Europe/Turquie

Sommet humanitaire mondial à Istanbul/déplacement de la chancelière en Turquie

Dans un entretien à la Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung précédant son départ pour la Turquie, la chancelière défend l’accord entre l’UE et la Turquie en matière migratoire. « Même si l’Europe pratiquait déjà une politique migratoire commune telle que je la conçois, c’est-à-dire comprenant une répartition juste et solidaire des réfugiés sur l’ensemble des Etats membres, un tel accord serait néanmoins indispensable parce qu’il permet de lutter contre les causes de l’exode en donnant aux réfugiés la chance de trouver la protection nécessaire aussi près que possible de leur pays d’origine », déclare-t-elle. La chancelière reconnaît que la fermeture de la frontière gréco-macédonienne a eu pour effet de tarir le flux de réfugiés arrivant en Allemagne, mais estime que la seule fermeture de la route des Balkans n’était « pas une mesure praticable sur le long terme ». Jugeant que la Turquie a jusqu’ici « mis en pratique ses engagements de manière fiable », Mme Merkel fait valoir que la mise en œuvre de l’accord avec la Turquie est un processus qui s’inscrit dans la durée. « Si certaines choses durent plus longtemps parce que les conditions ne sont pas encore réunies, comme la liberté de circulation pour les ressortissants turcs, il faudra alors aviser et voir ce que l’on peut faire ». Indiquant qu’elle a l’habitude d’aborder tous les sujets lors de ses déplacements, la chancelière qualifie de « préoccupantes » certaines évolutions actuelles en Turquie, notamment la décision du parlement turc de lever l’immunité de certains députés, une « décision qui va s’accompagner de graves conséquences pour les responsables politiques kurdes ». « Le PKK est une organisation terroriste, ceci est également le point de vue de l’Allemagne, mais nous voulons que la population kurde ait la place qui lui revient et des garanties d’avenir en Turquie », insiste-t-elle.

Sous le titre « les sévères critiques de Seehofer envers la politique de la chancelière vis-à-vis de la Turquie », la FAZ se fait l’écho des propos tenus hier par le chef de la CSU sur la chaîne publique ARD. En réaction aux propos de la chancelière à la FAS, H. Seehofer a jugé qu’il « ne suffit pas de se déclarer préoccupé ». « L’Allemagne ne doit pas risquer un chantage entre la libéralisation des visas pour les ressortissants turcs et l’accord sur la crise migratoire. Il y a là une limite à ne pas franchir et j’espère que la chancelière indiquera clairement où cette limite se situe », a-t-il fait valoir.

Si dans un éditorial Bild am Sonntag qualifiait hier d’« erreur » l’accord entre l’UE et la Turquie pour lequel l’Allemagne paie le « prix très élevé d’une perte de crédibilité », la FAZ estime au contraire ce matin qu’il n’y avait guère d’autre solution pour endiguer le flot de réfugiés. Considérant que la clause de réadmission est le progrès le plus important obtenu dans les négociations avec Ankara, le journal fait valoir que la politique mise en œuvre par l’UE était la seule en mesure de sauver Schengen.

Le quotidien économique Handelsblatt publie de son côté les résultats d’un sondage Forsa selon lequel 59% des Allemands rejettent l’accord entre l’UE et la Turquie, seuls 31% L’approuvant. Le rejet est particulièrement fort (70%) du côté des sympathisants CSU, relève le journal.

Dans un compte rendu du dernier conseil JAI, la FAZ rapportait samedi que les ministres européens de l’intérieur se sont mis d’accord sur la possibilité de suspendre pour six mois la liberté de circuler sans visa pour le cas où une recrudescence sensible du flux de réfugiés serait observée ou en cas de non-respect par les parties contractantes de leurs engagements. C’est surtout la France et l’Allemagne qui ont pesé de tout leur poids pour l’adoption de ce « frein d’urgence », relève la quotidien avant d’ajouter qu’à la différence de Thomas de Maizière qui a tenu à indiquer que cette règlementation ne visait aucun pays en particulier, son homologue français Bernard Cazeneuve a, quant à lui, clairement évoqué la Turquie.

Contrat d’armement avec l’Arabie saoudite : « explosif pour la coalition » (Süddeutsche Zeitung)

Le quotidien de Munich consacrait samedi sa une à la manière dont, en raison de dissensions internes, le gouvernement fédéral ne cesse de reporter des décisions relatives à des demandes d’armement de la part de l’Arabie saoudite. Alors que la chancelière, mais aussi la ministre de la défense ou encore le ministre des affaires étrangères seraient enclins à une pratique plutôt généreuse en matière de ventes d’armes, au motif que l’Arabie saoudite compte parmi l’un des derniers partenaires fiables au Proche-Orient, y compris pour la résolution du conflit syrien, le vice-chancelier et ministre de l’économie fait opposition, rapportait le journal qui notait l’émergence d’une ligne de rupture au sein du SPD sur la question de la vente de 48 navires patrouilleurs, Sigmar Gabriel s’étant clairement opposé au feu vert préconisé par Frank-Walter Steinmeier concernant cette vente.

  1. Europe

« Coude-à-coude des candidats à la présidentielle en Autriche » (Süddeutsche Zeitung)

Devant les résultats extrêmement serrés qui n’ont pas permis, à ce stade, de départager le candidat du FPÖ Norbert Hofer et l’écologiste Alexander Van der Bellen, les quotidiens font le constat d’une « profonde division de la nation autrichienne » (Süddeutsche Zeitung), opposant « ruraux conservateurs contre urbains progressistes, intellectuels contre traditionnalistes, Européens convaincus contre nationalistes » (Bild). « Peu importe l’issue de ce scrutin, l’Autriche s’est radicalisée, les médias populaires, le FPÖ et une partie du ÖVP n’hésitent plus à reproduire le discours brutal des réseaux sociaux, on ne se gêne plus pour afficher la haine et la xénophobie, toute généralisation, toute diffamation est à présent tolérée en Autriche et en cela, Norbert Hofer a déjà gagné même si au final il était battu », se désole la Süddeutsche Zeitung.

Cette quasi-victoire de l’extrême-droite à une élection présidentielle serait une première en Europe, ne manquent pas de souligner les journaux : « un spectre hante l’Europe, celui de la montée en force des mouvements populistes », écrit le Tagesspiegel, évoquant dans ce contexte les « succès électoraux consternants » du Front national en France et la percée de l’AfD et de Pegida en Allemagne. « Un président fédéral Hofer pourrait être, pour l’Europe, le début d’un éboulement politique, un immense test de résistance pour notre système démocratique », commente Die Welt en évoquant les prochains scrutins nationaux en France et en Allemagne mais aussi les présidentielles américaines. « Chez nous aussi, le fossé se creuse entre les gagnants et perdants de la mondialisation, et la crise migratoire a renforcé le problème », met en garde Bild ; même constat pour le Tagesspiegel : « les Allemands devraient bien étudier ce qui se passe en Autriche : chez nous aussi, le climat politique fait qu’Angela Merkel ou Frank-Walter Steinmeier auraient bien plus de difficultés comme candidats à la chancellerie qu’Horst Seehofer, les peurs d’un pourcentage considérable d’Allemands ne diffèrent pas de celles des Autrichiens, et les assujettis sociaux ou ceux ayant peu de moyens ont peur que les migrants menacent leur place dans la société ». « Qui veut stopper l’avancée des ‘populistes’ en Europe va devoir trouver mieux que des les traiter de nazis ou d’imbéciles », conclut Die Welt.

  1. France

« La France tente de torpiller la fusion des bourses » (FAZ)

La Frankfurter Allgemeine Zeitung rapporte que le ministre des Finances Michel Sapin a, dans un courriel adressé à l’agence Reuters, exprimé la « préoccupation du gouvernement français » au sujet du projet de fusion de la Deutsche Börse et du London Stock Exchange, et annoncé la volonté de Paris de voir la Commission européenne saisie pour « éviter une situation de position dominante ». Expliquant que le gouvernement français craint des distorsions de concurrence préjudiciables au groupe Euronext, le quotidien indique que le projet de rapprochement entre les Bourses de Francfort et de Londres est ouvertement critiqué par le lobby français Europlace. Pour le spécialiste des questions boursières de la FAZ, l’objectif d’Euronext et du gouvernement français n’est pas d’empêcher ce rapprochement, mais de retrouver – via des concessions de la Commission européenne à l’égard de la Bourse de Paris – une visibilité perdue sur le marché international suite à l’implantation à Francfort du siège de la BCE puis par la fusion d’Euronext avec la place boursière de New York (NYSE)./.