Engie prend les devants pour éviter de subir « l’ubérisation » qui ne manquera pas de survenir, dans l’énergie comme ailleurs. La deuxième édition de son « innovation week » est l’un des temps forts de sa stratégie.
Dans le « top of mind » des startups et innovateurs
« La qualité des événements est montée d’un cran d’une année sur l’autre », affirme Stéphane Quéré, directeur de l’innovation du groupe, qui insiste sur sa volonté, avec cette Innovation Week, de « créer un rituel ».
Le management s’y implique au plus haut niveau, puisque la directrice générale Isabelle Kocher elle-même, ainsi que Thierry Lepercq, nouveau directeur général adjoint et membre du Comex en charge de la recherche et la technologie et de l’innovation, et Stéphane Quéré interviennent à tour de rôle par Skype dans de nombreux événements. Objectif de ce grand raout ? Booster la culture de l’innovation en interne, et placer Engie dans le « top of mind » des startups et autres innovateurs. Avec, à la clé, la possibilité de pouvoir choisir sur quelles innovations miser.
« Ce qu’on souhaite, c’est qu’il se passe concrètement quelque chose lors de cette semaine », ajoute Stéphane Quéré, citant les accords noués au Brésil ou à Chalon-sur-Saône à l’issue de la première édition.
Echange d’énergie entre particuliers via smartphone
Car l’affaire est entendue : une véritable révolution énergétique est en marche, qui représente de multiples défis pour les grands énergéticiens traditionnels. Déclarations fortes et spéculations ébouriffantes ont d’ailleurs émaillé la matinale consacrée au nouvel âge des renouvelables:
« L’innovation est une question de survie » ; « les renouvelables associées aux réseaux locaux vont permettre aux marchés émergents de passer directement à la phase post-transition » ; « les particuliers pourront peut-être bientôt s’échanger de l’énergie directement via leur smartphone » ; « ceux qui ne sont pas encore connectés à un réseau choisiront peut-être de ne jamais se connecter », etc.
Face à ces défis, Engie a décidé d’adopter une attitude offensive et de « mettre la technologie au cœur de sa stratégie », martèle Thierry Lepercq. Le fondateur de SolaireDirect (racheté en juillet 2015 par Engie) et ancien banquier n’hésite pas à annoncer dans l’énergie des disruptions semblables à celles apportées par les fintech dans la finance.
« Le peer to peer reste encore balbutiant dans l’énergie », reconnaît-il, évoquant l’expérimentation menée à Brooklyn sur l’application de la blockchain au solaire. Mais comme dans d’autres secteurs, il prédit l’avènement de la plateformisation.
Une France 100% en 2030 ?
Heureusement pour les énergéticiens, leur secteur présente quelques différences avec ceux de l’hôtellerie ou du transport.
Les vainqueurs de cette nouvelle ère des plateformes seront donc « ceux qui, à l’agilité d’une startup, pourront ajouter des compétences en matière d’infrastructures, une ambition digne d’un Elon Musk – fondateur de Tesla bien décidé à révolutionner le transport individuel – la maîtrise de la régulation et l’intensité capitalistique nécessaire. »
Un portrait qui ressemble à s’y méprendre à Engie… Pour mettre toutes les chances de son côté, Thierry Lepercq a prévu de se livrer à un exercice assez rare : le backcasting, qui consiste à imaginer clairement le point d’arrivée et à établir un rétroplanning. Il revendique une « vision ambitieuse de leadership technologique, pas seulement dans l’esprit mais aussi dans l’échelle ». La réflexion intègre en effet les différents blocs (mobilité, production, stockage…) au niveau mondial. L’horizon choisi est 2030, « ce qui est assez long changer radicalement et suffisamment court pour constituer un horizon industriel ».
D’ailleurs, Thierry Lepercq annonce la sortie prochaine d’une étude réalisée sur une région française et démontrant la faisabilité à cet horizon d’un mix 100% renouvelable, sur la base d’une approchee à la fois industrielle, économique et financière.
La Tribune 09/06/2016