Six cadres sur dix aspirent à changer de poste

Il faut se méfier de l’eau qui dort… Certes les trois quarts des cadres n’ont connu aucune évolution professionnelle en 2015, mais ils se sont fait fort de préparer le terrain pour l’avenir. Au moment de l’enquête, six cadres interrogés sur dix (les deux sexes confondus) envisageaient en effet une mobilité dans les trois ans.

C’est ce que révèle le dernier panorama des mobilités professionnelles des cadres publié par l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) le 23 juin, à partir d’un questionnaire électronique adressé à 3 000 manageurs du secteur privé.

Bien que satisfaits de leur sort à 81 %, ils sont ainsi près des deux tiers à avoir engagé des démarches pour changer de poste en interne ou en externe : consultation des offres d’emploi, mise à jour de leur CV, envoi de candidatures…

La mobilité interne réservée aux groupes

Quelques privilégiés n’ont toutefois pas eu à attendre des jours meilleurs pour voir le changement. En effet, 19 % ont réussi à bouger en interne, que ce soit via une promotion hiérarchique ou un nouveau métier.

Pour ça, rien de tel évidemment que d’appartenir à un grand groupe. Ainsi, le taux de mobilité interne s’élève à 23 % dans les entités de 1 000 salariés et plus, contre à peine 13 % dans les PME de moins de 50 salariés.

Chez les « petits », la seule planche de salut est l’évolution externe. 6,4 % des managers l’ont choisie en 2015. « Contrairement à la mobilité interne, qui est très liée à la politique RH des entreprises, la mobilité externe dépend surtout de la conjoncture économique », explique Pierre Lamblin, directeur du département études et recherches à l’APEC. Or la croissance hexagonale reste encore fragile et insuffisante pour juguler la montée du chômage. « Les cadres se montrent donc, dans l’ensemble, assez prudents », note M. Lamblin.

Ils peuvent pourtant trouver matière à se rassurer. D’abord, la reprise des recrutements amorcée en 2014 s’est confirmée en 2015. Près de 182 000 cadres ont ainsi été embauchés l’an dernier, soit une hausse de 7 % sur un an. Ensuite, 64 % des cadres mobiles en externe ont changé de société sans connaître de période de chômage.

Les femmes plus mobiles que les hommes

Sans surprise, les jeunes sont les premiers à profiter des appels d’air. 19 % des moins de 30 ans ont intégré une nouvelle entreprise en 2015 contre 8 % des 30-39 ans et 3 % des 50 ans et plus. « En début de carrière, les cadres cherchent à multiplier les expériences professionnelles, à la fois pour monter en compétences, obtenir progressivement davantage de responsabilités mais aussi bien sûr augmenter leur niveau de rémunération », analyse Pierre Lamblin.

« Les seniors, eux, bougent surtout pour améliorer leurs conditions de travail, décrocher des missions plus intéressantes ou cultiver de meilleures relations professionnelles. Mais ils sont lucides. Ils savent que passé un certain âge, les opportunités sont plus restreintes. » Seuls 5% à 6 % des recrutements concernent les vingt ans d’expérience et plus.

Fait totalement nouveau, en revanche : avec un taux de 8 %, les femmes ont été, pour la première fois, plus mobiles que les hommes. Le fruit d’une surreprésentation de la gent féminine dans les secteurs les plus porteurs, notamment dans les services. « Les cadres n’ont pas une fidélité aveugle en leur entreprise », souligne Pierre Lamblin. « Dès lors que les opportunités existent, ils n’ont pas de scrupules à aller voir ailleurs. » Que les patrons se le tiennent pour dit.
Le Monde 29/06/2016