Charbon : ce nuage noir qui intoxique l’Europe

Les centrales à charbon du continent seraient responsables de 22 900 décès prématurés en 2013. La France est l’un des pays les plus touchés par la pollution venue des centrales de ses voisins.

«Le charbon est la plus grande menace pour notre civilisation et pour toute vie sur notre planète.» C’est sur ce sombre tableau que commence le rapport intitulé «le Nuage noir de l’Europe». Réalisé par le WWF, l’Alliance pour la santé et l’environnement (Heal), le Réseau Action Climat Europe (CAN Europe) et le think thank Sandbag, il analyse pour la première fois les effets sur la santé des centrales à charbon européennes. Il y en a toujours 280, responsables en 2014 de 18 % des émissions de gaz à effet de serre du continent.

Les quatre ONG ont analysé les données de 257 de ces 280 centrales pour 2013. Résultat : les émissions des centrales ont causé plus de 22 900 décès prématurés en 2013, décès qui «auraient pu être évités dans le sens où ils auraient eu lieu plus tard dans la vie si la qualité de l’air avait été améliorée», précise le rapport. Et 83 % de ces décès sont dus à l’exposition aux particules fines, qui constituent «l’ingrédient le plus toxique de cette pollution». Au rang des mauvais élèves, on retrouve la Pologne, avec 4 690 décès prématurés au-delà de ses frontières, l’Allemagne (2 490), la Roumanie (1 660), la Bulgarie (1 390), et enfin le Royaume-Uni (1 350).

«Les 30 toxiques»

Le rapport établit également la liste des trente centrales les plus «toxiques», responsables de plus de la moitié des morts prématurés en Europe. Huit se situent en Allemagne, six en Pologne et cinq au Royaume-Uni. A noter que le gouvernement britannique a annoncé, peu de temps avant la COP 21, vouloir arrêter ses centrales à charbon les plus polluantes d’ici à 2025. Si cet objectif est tenu, cela pourrait «sauver 2 900 vies chaque année, sur le territoire et dans les pays voisins», estime le rapport.

La France, qui ne compte aujourd’hui plus que deux centrales à charbon sur son sol (à Cordemais, en Loire-Atlantique, et au Havre, en Seine-Maritime), est l’un des pays les plus touchés par la pollution issue des centrales de ses voisins, principalement l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Pologne, l’Espagne et la République tchèque. En 2013, les centrales à charbon ont été responsables de 1 380 morts prématurées.

Outre ces décès, le rapport fait également état d’environ 11 800 nouveaux cas de bronchite chronique, ainsi que de plus de 538 000 crises d’asthme chez les enfants sur tout le continent. Les impacts sanitaires du charbon ont aussi engendré en 2013 «un coût global de 32,4 milliards à 62,3 milliards d’euros», estiment les quatre ONG.

«Le rapport révèle que chaque fermeture de centrale à charbon se traduit par des bénéfices considérables à la fois pour la santé et le climat et ce, bien au-delà des frontières nationales. Avec la signature de l’accord de Paris, les chefs d’Etat de l’UE ont d’autant plus le devoir d’accroître leurs efforts afin de fermer toutes les centrales à charbon et de se tourner rapidement vers 100 % d’énergies renouvelables», conclut Wendel Trio, directeur du Réseau Action Climat.

Llibération 06/07/2016