Discriminations à l’embauche : la fonction publique n’est pas épargnée

Un rapport sur les discriminations dans l’accès à l’emploi public de l’économiste Yannick L’Horty a été remis à Manuel Valls. La ministre de la Fonction publique a annoncé l’organisation d’une campagne de testing tous les ans.

Des fonctionnaires d’origine étrangère trop peu nombreux, des agents habitant trop rarement dans les quartiers les plus défavorisés, des femmes sous-représentées dans les emplois les plus qualifiés… La fonction publique, qui recrute près d’un demi-million de personnes par an, n’est pas vraiment à l’image des Français et ce n’est pas le fruit du hasard. C’est ce que montre un rapport, remis mardi au Premier ministre par l’économiste Yannick L’Horty, qui s’attache à évaluer l’ampleur des discriminations à l’embauche dans les administrations, une première.

Pour cela, la commission présidée par l’économiste a procédé à deux types d’évaluation. Une opération de testing a été lancée concernant le recrutement de contractuels, qui ne se fait pas par concours et constitue la grosse masse des embauches que réalisent chaque année les trois fonctions publiques – Etat, collectivités locales et hôpitaux. Elle a consisté à envoyer des candidatures ayant un CV identique mais un profil personnel différent à des employeurs ayant un poste à pourvoir dans le public mais aussi le privé. Une base de données de 400.000 candidatures à 90 concours ministériels a en outre été exploitée par une équipe du Centre d’études de l’emploi pour repérer les inégalités éventuelles de réussite aux épreuves selon les catégories.

La conclusion de la commission sur ce point bat en brèche l’idée reçue selon laquelle le recrutement par concours éviterait les discriminations. S’il« réduit le risque », il ne le supprime pas, souligne le rapport. Ainsi, « ne pas être né en France métropolitaine diminue significativement les chances de réussite à l’écrit dans sept concours sur les huit [étudiés] », note le document. En revanche, cela ne désavantage généralement pas à l’oral.

Le fait d’habiter en zone urbaine sensible a aussi un effet significatif négatif, mais plus réduit à l’écrit (il concerne 3 concours). En revanche, il n’y a pas de tendance nette qui se dégage concernant les femmes, l’impact sur les résultats étant« assez variable selon les niveaux de concours et selon les ministères ».

Formation en ligne

Les résultats des opérations de testing réalisées présentés par le rapport permettent par ailleurs une comparaison instructive avec le secteur privé. Le public fait-il toujours mieux ?« La réponse est […]négative », affirme Yannick L’Horty. En fait, cela dépend des cas. Le rapport pointe les pratiques de recrutement décentralisé, proches de celles du secteur concurrentiel qui sont porteuses d’un risque discriminatoire. Les opérations de testing ont mis en évidence l’existence de discriminations dans les fonctions publiques territoriale comme hospitalière. La fonction publique de l’Etat tire en revanche bien son épingle du jeu. Le rapport cite en exemple« les actions pour l’égalité déployées par plusieurs ministères » et« plaide pour la mise en oeuvre d’actions analogues dans les établissements publics ». Parmi les mesures mises en avant, figure par exemple le« recours à des grilles d’évaluation précises et explicites » des jurys de concours pour objectiver au maximum la décision.

A l’issue de la remise du rapport, la ministre de la Fonction publique, Annick Girardin, a annoncé notamment l’organisation d’une campagne annuelle de testing ainsi que la mise en place d’un module de formation en ligne sur les biais de discrimination possibles lors des recrutements. Le projet de loi travail, encore en cours d’examen au Parlement avant son adoption définitive attendue la semaine prochaine, impose aux responsables du recrutement dans le secteur privé de suivre une formation à la non-discrimination à l’embauche tous les cinq ans.

Les Echos 13/07/2016