Ces robots livreurs qui veulent remplacer les coursiers

Trois start-up ont lancé des programmes pilotes dans la baie de San Francisco. Autonomes, ces robots se déplacent sur les trottoirs.

Depuis le mois d’avril, les habitants de Mission, le quartier latino de San Francisco, peuvent parfois apercevoir par leurs fenêtres des petits robots ressemblant à des congélateurs sur roulettes. Lorsqu’un client passe une commande sur l’application Eat24 de Yelp, il reçoit un message lui demandant s’il accepte de se faire livrer par un robot. S’il donne son accord, la machine récupère la nourriture au restaurant, puis roule sur les trottoirs jusqu’à sa destination finale. Là, le client rentre un code reçu dans l’application afin de déverrouiller le caisson. Le robot repart ensuite chercher des sushis ou des tacos à l’entrée d’un autre restaurant.

L’engin a été conçu par Marble, une start-up créée il y a deux ans par trois passionnés de robotique qui se sont rencontrés sur les bancs de l’université Carnegie-Mellon. La jeune pousse, qui a récemment levé 4 millions de dollars, utilise les mêmes technologies que celles des voitures autonomes pour permettre au robot de se repérer : caméras, lidars, sonars… Mais naviguer sur un trottoir plutôt que sur une route présente des défis différents, car les comportements y sont moins prévisibles. Dans le quartier de Mission, le robot doit éviter les collisions avec les marchands de rue vendant des objets à même le sol, les chiens, les personnes en chaise roulante et les piétons aux yeux rivés sur leur iPhone.

Accompagnateur humain

Pour le moment, chaque robot est suivi d’un accompagnateur qui reprend le contrôle avec une télécommande en cas de problèmes. Un opérateur surveille également les différents engins à distance depuis son ordinateur. A long terme, cependant, l’objectif est de supprimer cette présence humaine pour offrir aux applications de livraison à la demande une alternative aux travailleurs indépendants à vélo (Deliveroo) ou en voiture (UberEATS) pour les trajets de courte distance. Une réduction des coûts bienvenue pour ces start-up, dont le business model est encore fragile et qui accumulent souvent les pertes.

Marble n’est pas la seule entreprise à vouloir s’attaquer au problème du « last mile », ce dernier maillon de la chaîne logistique plus complexe et coûteux que les précédentes étapes du voyage. Un autre robot, qui n’est pas sans rappeler le R2-D2 de « Star Wars », a également été repéré dans le quartier de Mission ces derniers mois. Il a été créé par Dispatch.ai, une start-up qui a levé en avril 2 millions de dollars, notamment auprès d’Andreessen Horowitz, l’un des fonds les plus célèbres de la Silicon Valley (Facebook, Airbnb, Box, Twitter…). Starship Technologies, une entreprise estonienne créée par deux cofondateurs de Skype, Ahti Heinla et Janus Friis, a, lui, levé 17 millions de dollars. Début avril, il a démarré des programmes pilotes à Redwood City, dans la banlieue de San Francisco, et à Washington, en partenariat avec Postmates et DoorDash, deux entreprises de livraison de nourriture à la demande.

Flou législatif

Le secteur bénéficie pour le moment d’un flou législatif sur la circulation de ces engins : pas de limite de vitesse, de poids ou de précisions sur la nature des objets pouvant être transportés. « C’est une terre vierge », estime Norman Lee, conseiller municipal de la ville de San Francisco. Mi-mai, il a déposé un projet de loi pour interdire ces robots sur les trottoirs, estimant qu’ils menaçaient la sécurité des piétons, notamment des enfants et des personnes âgées.

D’autres Etats veulent au contraire encourager leur présence : la Virginie et l’Idaho ont récemment adopté des législations dans ce sens, et la Floride et le Wisconsin envisagent de faire de même.

Anaïs Moutot, Les Echos
Correspondante à San Francisco

Les Echos 13/07/2017