Limiter la croissance de la capitale nécessite une volonté politique plus nette, affirme le commissariat du Plan

La Commission nationale d’aménagement du territoire (CNAT) se réunit ce jeudi 30 mai pour prendre connaissance d’un rapport préparé par le commissariat général du Plan, intitulé :  » Réexamen du VIe Plan en matière d’aménagement du territoire et de développement régional « .Ce rapport est intéressant à plus d’un titre. Il fournit des statistiques inédites sur le rythme de création d’emplois dans les différentes régions et le compare aux objectifs du Plan. Au vu des résultats, ses auteurs proposent donc certaines inflexions dans la politique d’aménagement du territoire et avancent des réformes pour les deux années à venir. Celles-ci ont des chances sérieuses d’être retenues par le gouvernement puisque M. Alain Peyrefitte, ministre chargé des réformes administratives – qui a autorité sur le Commissariat général du Plan, – voit dans cet organisme un outil privilégié capable d’amorcer dans les trois prochaines années  » un déblocage de la société française « , de réformer les structures de l’Etat et de donner un contenu réel à la volonté de décentralisation.

Le premier objectif du VIe Plan, rappellent les auteurs du rapport, était la recherche d’un certain équilibre régional de l’emploi. Dans le secteur de l’industrie, les hypothèses du Plan semblent respectées pour le Bassin parisien (Basse – Normandie, Haute – Normandie, Picardie, Champagne-Ardennes, Centre, Bourgogne), l’Est (Lorraine, Alsace, Franche-Comté) et le Centre-Est (Auvergne, Rhône-Alpes).

Si l’Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charente) a vu les réalisations dépasser les prévisions, la situation est moins favorable pour le Sud-Ouest : ceci vaut davantage pour l’Aquitaine que pour le Midi-Pyrénées.

Le Nord pour sa part n’arrive pas à renverser les tendances passées tandis que, contrairement aux prévisions, les créations d’emploi connaissent dans la zone Méditerranée (Languedoc – Roussillon, Provence – Côte-d’Azur, Corse) un rythme inférieur à celui des années antérieures.

Mais, pour tempérer l’optimisme relatif de ces constations statistiques, il faut souligner que la plupart des emplois créés en province, et notamment dans l’Ouest et le Sud-ouest, sont des postes d’ouvriers de faible qualification.

Pour ce qui est des emplois du secteur tertiaire (bureaux, commerces, etc.), la région parisienne qui, de 1968 à 1971, représentait 28,4 % de la croissance totale de la France, n’en représentait plus que 24,7 % de 1971 à 1972, ce qui est un signe encourageant.

Freiner le développement de la région parisienne est, en effet, un autre objectif essentiel du Plan. Si la croissance industrielle a été quasiment stoppée, la prolifération d’emplois de bureau, parfois même au centre de Paris, a le triple inconvénient de renforcer la structure tertiaire des activités de la capitale, d’aggraver la congestion du centre, enfin d’entraîner une ségrégation sociale de plus en plus marquée dans certains arrondissements.

 » La réalisation des villes nouvelles, note le commissariat du Plan, et notamment la possibilité pour les premiers habitants de trouver sur place du travail est un double facteur de réussite sur le plan du rééquilibre interne de la région parisienne et de l’amélioration du mode de vie de ses habitants. Il faut cependant se demander si leur succès ne freine pas certaines décentralisations ou même certaines créations d’établissements en province.  »

Il importe donc, au cours des deux prochaines années, que les pouvoirs publics

– Affirment une volonté politique plus nette et plus constante, évitant notamment les dérogations et les constructions de bureaux  » en blanc  » à Paris

– Rendent plus rapides les procédures d’octroi des aides financières régionales. Certains industriels étrangers se sont plaint, en effet, de la lourdeur administrative de ces procédures, plus souples et plus rapides dans les autres pays ;

– Augmentent le montant global des aides, mais modifient aussi le système actuel (subventions à fonds perdus) en multipliant les prises de participation remboursables par les entreprises.

D’autre part, dans l’Ouest et le Sud-ouest, 11 est nécessaire d’éviter une trop grande concentration d’emplois de faible qualification. Les experts recommandent donc de renforcer les actions de décentralisation et de développement industriel en accordant une attention particulière à la qualité des entreprises et à la qualification des travailleurs employés ;

Le rapport du plan met aussi l’accent sur le renforcement nécessaire des zones frontalières du Nord et de l’Est (grâce aux industries mécaniques), et sur les résultats positifs de la politique de rénovation rurale (qui devra toutefois à l’avenir tenir davantage compte des initiatives locales).

Mais c’est au chapitre de la politique urbaine que les experts sont les plus sévères.  » Dans les très grandes villes, le développement s’est traduit trop souvent par une congestion des centres urbains, un développement relativement anarchique et  » en tache d’huile  » des banlieues

Le Monde 31/05/1973